L’Inde en 2024 et au-delà

Les investissements dans l'industrie manufacturière devraient constituer un nouveau moteur de croissance, grâce à la possibilité de tirer parti du programme « Make in India » et de la diversification des chaînes d'approvisionnement mondiales.

Le programme « Make in India » est en train de devenir une réalité, le plus grand sous-traitant au monde ayant annoncé son intention de doubler ses effectifs en Inde pour les porter à 50 000 personnes et d'investir 2,7 milliards de dollars dans l'État du Karnataka.² Cette annonce majeure fait suite à celles concernant la recherche et le développement de puces pour l'intelligence artificielle (4 000 emplois)³ et l'investissement dans les semi-conducteurs (5 000 emplois).⁴

Les dépenses des ménages devraient demeurer stables, compte tenu de l'augmentation des offres d'emploi pour les travailleurs qualifiés et de la hausse des salaires pour les personnes non qualifiées. La transition vers des activités économiques organisées et le déclin de l'économie basée sur les paiements en espèces sont à l'origine de ce dernier phénomène. La pénétration du crédit en Inde, qui représente actuellement 40 % du PIB, contre 63 % en moyenne sur les marchés émergents, présente selon nous un potentiel de croissance important.⁵ 

Valeur

Le développement des infrastructures à grande échelle, axé sur l'amélioration des capacités, la décarbonation et les modèles d'entreprise autonomes, est en passe de devenir la norme. Mumbai prévoit d'investir 40 milliards de dollars pour décongestionner et décarboner les transports, ainsi que pour améliorer le traitement et la qualité de l'eau.⁶ La ville a pour projet un réseau de métro de 14 lignes – trois sont opérationnelles, cinq sont en construction et les six autres sont en phase de planification, pour un coût estimé à 14 milliards de dollars.⁷

Les investissements et le développement sont de plus en plus étendus dans l'ensemble du pays. Les états dominants tels que le Gujarat, le Maharashtra, le Karnataka et le Tamil Nadu ont été rejoints par le Rajasthan et l'Uttar Pradesh. La baisse des coûts salariaux et la disponibilité d'une main-d'œuvre qualifiée favorisent l'augmentation des investissements dans ces états.

Le télépéage et l'introduction d'une Carte Nationale de Mobilité Commune renforcent la sécurité et réduisent le risque d'interférence politique pour les investisseurs dans les projets d'infrastructures routières et ferroviaires. La création de modèles commerciaux autonomes dans le domaine des transports permet au gouvernement de recycler les investissements et de créer un cercle vertueux de croissance des investissements dans les infrastructures.

Les nouveaux moteurs de la croissance vont au-delà des sources traditionnelles d'investissement et d'emploi dans le secteur des services technologiques. Les Centres de compétences mondiaux se développent et se spécialisent dans la comptabilité, le marketing et les ressources humaines. Au-delà des services, l'Inde est un leader mondial de l'industrie pharmaceutique, produisant 60 % des vaccins mondiaux et assurant 20 % des exportations mondiales de médicaments.⁸

Stabilité économique et politique

La plus grande stabilité politique, la baisse structurelle de l'inflation et la réduction des déficits budgétaires et de la balance courante ont renforcé la confiance des investisseurs dans l'économie. Cette évolution devrait, selon nous, conduire à une baisse des taux d'intérêt réels. À mesure que les moteurs de la croissance se diversifient, s'étendent et deviennent moins cycliques, la visibilité de la croissance s'améliore et le risque pays perçu, et donc le coût des capitaux propres, peuvent diminuer.

Le gouvernement joue un rôle essentiel dans le lancement d'un nouveau processus d'industrialisation. Le Premier ministre Modi a donné le coup d'envoi avec le programme « Make in India » de 2014, qui a conduit à la création d'incitations liées à la production afin de tirer parti des opportunités offertes par la diversification des chaînes d'approvisionnement mondiales. Le gouvernement s'est fixé pour objectif de porter la contribution de l'industrie manufacturière à 25 % du PIB. Après un démarrage lent, cet objectif devrait être atteint d'ici à 2025.⁹

Le marché joue un rôle de plus en plus important dans l'allocation efficiente des capitaux. Cette évolution résulte de l'amélioration de la gouvernance d'entreprise grâce à une plus grande surveillance réglementaire, aux réformes en matière d'indépendance des conseils d'administration et à l'activisme accru des investisseurs institutionnels. La professionnalisation de la gestion des entreprises familiales élargit l'univers des sociétés dans lesquelles il est possible d'investir.

L'économie tire profit de multiples réformes structurelles telles que la mise en place du code de l'insolvabilité et de la faillite, de la taxe sur les biens et services, et de la numérisation via la triade formée par Aadhaar¹⁰, Jan Dhan¹¹ et les communications mobiles. Cette évolution entraîne un essor de l'esprit d'entreprise, les nouveaux diplômés cherchant à rejoindre des start-ups qui tirent parti de la plateforme India Stack et des opportunités offertes par le « Make in India ».

Bénéfices + valorisations

La performance du marché (reflétée par l'indice Nifty 50) au cours des deux dernières années a été positive¹², mais elle est restée inférieure de 31 % à la croissance cumulée des bénéfices.¹³ Les valorisations ont donc baissé et de nouvelles opportunités d'investissement ont été créées. Le marché pourrait se redresser en 2024 si les investisseurs étrangers acceptent progressivement que la croissance de l'Inde est structurelle et non cyclique.

La participation nationale au marché des actions devrait augmenter grâce à la multiplication des plans d'investissement systématiques et à une plus grande participation des assureurs et des prestataires de services de retraite. Cela pourrait potentiellement générer des flux de 30 milliards de dollars sur le marché.¹⁴ La progression de l'allocation des investisseurs étrangers peut accroître les nouveaux capitaux sur le marché, soutenant ainsi une réévaluation du marché.

Le ratio cours/bénéfices (PER) de l'indice MSCI India se négocie actuellement avec un écart-type supérieur à sa moyenne sur 10 ans, sur la base des prévisions de bénéfices consensuelles pour 2024.¹⁵ À plus long terme, la croissance des bénéfices devrait augmenter de 17 %¹⁶, ce qui est favorable au PER actuel. D'autres marchés peuvent se négocier sur la base d'un PER inférieur, mais ils ne présentent pas, selon nous, le potentiel de croissance à long terme de l'Inde. 

Élections

Tout le monde s'accorde à dire que le BJP sortant et le Premier ministre Modi seront reconduits pour un troisième mandat lors des élections générales de 2024. La victoire de Modi en 2014 a été en partie assurée par les primo-votants, qui ont depuis bénéficié d'une augmentation de leurs revenus grâce aux programmes Aadhaar et Jan Dhan. Modi est très apprécié, ce qui limite les raisons pour lesquelles les électeurs pourraient se tourner vers l'opposition aux prochaines élections.

Le BJP a remporté les élections régionales de décembre, créant ainsi une dynamique positive à l'approche des élections générales. Même dans les états où le BJP est dans l'opposition, son nombre de voix a augmenté : dans le Telangana, il a doublé, passant de 7 % à 14 %. Au lendemain des élections régionales, la probabilité d'une victoire de l'opposition s'est encore réduite, selon nous.

Le risque homme clé suscite quelques inquiétudes. Toutefois, les réformes sont, selon nous, trop engagées pour entraîner un changement en cas de départ du Premier ministre Modi. Une victoire surprise de la coalition de l'opposition « India Alliance » ferait probablement plonger le marché à court terme, mais il est peu probable qu'elle modifie la trajectoire de la croissance à long terme.

Dans les états contrôlés par l'opposition, tels que le Tamil Nadu et le Karnataka, le gouvernement local cherche activement à investir dans des secteurs comme la fabrication de produits électroniques, les véhicules électriques et l'énergie solaire. Les partis au pouvoir et la plupart des partis d'opposition adoptent une position favorable à l'investissement ; par conséquent, une victoire peu probable de l'opposition ne devrait pas modifier de manière significative la trajectoire de croissance de l'économie.

Thématiques d'investissement clés :

Augmentation de la demande de services financiers. Nous privilégions les banques du secteur privé disposant de solides franchises de dépôts et d'un pouvoir de tarification en matière de prêts, qui devraient, selon nous, gagner des parts de marché face aux banques d'État. Sous-pénétré, le secteur de l'assurance dispose également d'un potentiel de croissance, selon nous.

Consumérisme/prémiumisation. L'évolution démographique favorable, l'augmentation des niveaux de revenus et la sous-pénétration des biens et des services expliquent la tendance à la hausse du consumérisme et la demande de produits haut de gamme.

Infrastructures et investissements. La renaissance de l'industrie manufacturière, les investissements publics dans les infrastructures et la diversification de la chaîne d'approvisionnement mondiale créent de nombreuses opportunités d'investissement.

Transition écologique. La fabrication de véhicules électriques, la production de panneaux solaires et la décarbonation des industries à forte empreinte carbone constituent des opportunités. Historiquement, la dépendance de l'Inde vis-à-vis des importations de combustibles fossiles a eu un impact négatif sur le déficit budgétaire et le coût des intrants. Cependant, la croissance des énergies renouvelables bon marché favorise la compétitivité de l'industrie lourde et de la pétrochimie, tout en réduisant le coût des transports. Le plus important conglomérat indien, qui est aussi le plus gros producteur de produits pétrochimiques, s'est fixé comme objectif d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2035. Cet objectif est plus ambitieux que celui de l'Inde, qui s'est engagée à l'atteindre en 2070.