Aller au contenu

Principales conclusions

  • Les investisseurs doivent selon nous s’attendre à des difficultés majeures dans les prochains trimestres, lorsque les bienfaits des mesures de relance budgétaire et d’une consommation résiliente commenceront à s’estomper face aux effets décalés du resserrement monétaire.
  • La mise en œuvre des mesures de plafonnement des dépenses publiques pourrait limiter, voire réduire à néant, les bienfaits éventuels d’une hausse des dépenses budgétaires. Dans le même temps, l’inflation et les tensions sur le marché de l’emploi continuent d’empêcher la Fed d’assouplir sa politique monétaire pour éviter un ralentissement de l’économie. 
  • L’exceptionnelle étroitesse du marché et les performances atones des petites capitalisations un an après le creux du marché laissent à penser que le rebond actuel pourrait être de courte durée, ce qui nous incite à privilégier un positionnement axé sur les actions de croissance et défensives jusqu’à ce que la situation économique s’éclaircisse.

Le scénario d'un atterrissage en douceur remis en cause par l’apparition des premières tensions macroéconomiques

À l’instar des alpinistes, les investisseurs aspirent à prendre de la hauteur. L’ascension n’est jamais aisée, et les grimpeurs chevronnés savent qu’ils doivent redoubler de concentration lorsqu’ils atteignent le « crux », la partie la plus difficile du parcours, qui concentre les principales difficultés et les principaux défis. Si les conséquences d’un décrochage sur les marchés boursiers peuvent paraître dérisoires en comparaison, les investisseurs doivent selon nous s’attendre à faire face au crux dans les prochains trimestres, lorsque les bienfaits des mesures de relance budgétaire et d’une consommation résiliente commenceront à s’estomper face aux effets décalés du resserrement monétaire. Nous nous inquiétons du fait qu’un grand nombre d’investisseurs se soient ralliés sans réserve à la thèse d’un atterrissage en douceur et abordent ce qui sera sans doute la phase la plus difficile de ce cycle avec une attention moins soutenue.

Début 2023, des statistiques économiques meilleures que prévu outre-Atlantique ont incité de nombreux investisseurs à remettre en question l’hypothèse de la « la récession la plus anticipée de tous les temps » qu’ils avaient prise pour acquise. Cependant, l’histoire montre que l’espoir d’un atterrissage en douceur naît souvent avant que l’économie ne dévisse, l’expression ayant fréquemment été utilisée dans les rapports, les comptes-rendus et les présentations d’entreprises à la veille des récessions de 2001 et 2007/2009. À cet égard, il convient de remarquer que, tant en 2001 qu’en 2007, c’est au cours des trimestres qui ont précédé la survenue d’une récession de facto que l’on a le plus souvent évoqué l’hypothèse d’un atterrissage en douceur, ce qui tend à démontrer que les investisseurs doivent se garder de penser que l’économie est déjà sortie d’affaire.

Illustration 1 : Les premiers signes vont toujours dans le sens d’un atterrissage en douceur

Remarque : La fréquence d’utilisation de l’expression « atterrissage en douceur » correspond au nombre d’occurrences de cette expression dans les rapports, les comptes-rendus et les présentations d’entreprises depuis le troisième trimestre 1995. Données au 30 septembre 2023. Source : NBER et Bloomberg.

L’échéance d’une possible récession a sans cesse été repoussée l’an passé. Avec le recul, il y a tout lieu de penser que les investisseurs ont sous-estimé la récente hausse des dépenses budgétaires. Historiquement, le déficit a évolué de concert avec le taux de chômage, à la baisse lors des périodes fastes, du fait d’une augmentation des recettes fiscales (et de la moindre nécessité d’ouvrir les vannes de l’aide sociale), et à la hausse lors des récessions, en raison d’une diminution des recettes fiscales et des mesures prises par le Congrès pour soutenir l’économie. Cependant, une dynamique différente s’est fait jour au cours de la dernière décennie, le déficit ayant évolué à l’inverse du taux de chômage lors de la deuxième moitié de la dernière expansion économique (2015-2019) et de nouveau depuis la mi-2022.

Illustration 2 : Un déficit abyssal et un chômage faible ?

Au 30 septembre 2023. Source : BLS, BEA, NBER, département américain du Trésor, Bloomberg.

Lors de ces deux périodes, cette dynamique a été éclipsée par le resserrement simultané de la politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed), qui a créé des conditions d’investissement difficiles. Il est probable que le soutien budgétaire sera moins marqué en 2024. L’accord sur le plafond de la dette conclu plus tôt dans l’année prévoyait des mesures visant à plafonner les dépenses fédérales en 2024 et 2025, ce qui, selon les prévisions du Congressional Budget Office, devrait permettre de réduire le déficit de 170,8 milliards USD. Si l’on ne connaît pas encore la taille du budget fédéral pour 2024, la réorientation des dépenses est selon nous plus importante pour la croissance économique à court terme que la taille du déficit lui-même. Pour rappel, c’est l’augmentation des dépenses par rapport à leur niveau précédent – l’« impulsion budgétaire » – qui permet d’accroître l’activité économique. La mise en œuvre des mesures de plafonnement permettra certes de freiner la croissance des dépenses budgétaires, mais le déficit n’en restera pas moins important. Autrement dit, il est peu probable que la récente frénésie de dépenses ne stimule la croissance économique l’an prochain.

Une autre surprise est venue de la résilience des consommateurs américains face au ralentissement du marché de l’emploi et à la diminution de l’épargne excédentaire. Le rythme des créations d’emplois et des hausses de salaires a continué de ralentir cette année, ce qui laisse entendre que les revenus du travail pourraient moins soutenir la croissance de la consommation. Dans le même temps, la Fed de San Francisco a estimé que l’épargne excédentaire serait totalement épuisée dans le courant du troisième trimestre,1 ce qui, conjugué à la normalisation des indicateurs de crédit, limite la capacité des consommateurs à dépenser davantage. En fait, la révision du produit intérieur brut (PIB) la semaine passée a fait suite à la hausse limitée de la consommation au deuxième trimestre, qui n’a progressé que de 0,8 % sur cette période, alors qu’elle était attendue en hausse de 1,7 %, ce qui laisse à penser que la consommation est déjà fragilisée.

Enfin, la surprenante vigueur de l’économie pourrait également s’expliquer par la prise de conscience du fait que la politique monétaire n’a été véritablement restrictive que pendant moins d’un an. Bien que la Fed ait commencé à relever ses taux il y a 18 mois, elle n’a adopté une politique monétaire « restrictive » – susceptible de freiner la croissance économique – que vers la fin de l’année 2022. Sachant que la politique monétaire ne produit généralement ses effets qu’avec un décalage de 6 à 18 mois, l’impact de son resserrement sur l’économie devrait se faire sentir mi-2024, au moment même où nous atteindrons le crux du cycle.

Dans ce contexte, notre baromètre de référence, le tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge, continue d’afficher un signal global rouge et de pointer vers une récession, ce pour le sixième mois consécutif.

Illustration 3 : Quand les effets négatifs de la politique de la Fed commenceront-ils à se faire sentir ?

Remarque : Le taux réel des fonds fédéraux correspond au taux des fonds fédéraux moins le swap d'inflation zéro coupon à un an ; le taux neutre correspond à l’estimation actuelle selon le modèle Holston-Laubach-Williams. Données au 30 septembre 2023. Source : Réserve fédérale et Bloomberg. Les performances passées ne sont pas une garantie des performances futures. Les investisseurs ne peuvent pas investir directement dans un indice, et les performances des indices non gérés ne tiennent pas compte des frais, dépenses ou droits d’entrée.

Illustration 4 : Tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge

Données au 30 septembre 2023. Source : BLS, Réserve fédérale, Census Bureau, ISM, BEA, American Chemistry Council, American Trucking Association, Conference Board et Bloomberg. Le tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge a été créé en janvier 2016. Les références aux signaux qu’elle aurait envoyés dans les années précédant janvier 2016 se fondent sur la manière dont les indicateurs des composantes de l’époque reflétaient les données sous-jacentes.

À mesure que les facteurs macroéconomiques positifs s’estompent, le tableau conjoncturel continue de s'assombrir. Les bilans des consommateurs continuent à se contracter de plus en plus, tandis que les taux de défaut sur les cartes de crédit et les prêts automobiles et autres augmentent. Un optimiste arguerait sans doute que ces taux se normalisent à partir de niveaux très bas. En revanche, un pessimiste observerait que les taux de défaut sur les prêts automobiles et les cartes de crédit sont déjà supérieurs aux pics enregistrés lors de la dernière expansion économique et que, maintenant que le moratoire sur le remboursement des prêts étudiants a expiré, il faut également s’attendre à une hausse des taux de défaut sur ce segment. Compte tenu des difficultés auxquelles les consommateurs font face, ces tensions pourraient s’amplifier au cours des prochains trimestres.

Illustration 5 : Hausse des taux de défaut

L’acronyme HELOC (Home Equity Line of Credit) désigne les lignes de crédit sur valeur domiciliaire. Données au 30 juin 2023, dernières données disponibles au 30 sept. 2023. Source : Fed de New York, Equifax.

Des tensions sont également perceptibles sur le marché de l’emploi lui-même. Bien que les créations d’emplois se poursuivent, les chiffres de l’emploi ont systématiquement été révisés à la baisse cette année, et dans le cadre de la révision préliminaire de l’indice de référence le mois dernier, le niveau de référence de mars a de nouveau été réduit de 306 000 postes. En d’autres termes, la croissance de l’emploi en 2023 n’a pas été aussi forte qu’on ne le pensait initialement. Historiquement, les chiffres de l’emploi ont le plus souvent fait l’objet d’importantes révisions baissières à l’approche de points d’inflexion économiques, notamment à la veille de la crise financière mondiale en 2007. Il n’y a pas lieu de voir en cela un risque de récession immédiat, mais plutôt le signe d’un ralentissement plus important que prévu du marché de l’emploi.

Selon nous, l’évolution du marché de l’emploi déterminera si l’économie va continuer de s’orienter vers un atterrissage en douceur ou basculer dans la récession. Les créations d'emplois se sont normalisées à 150 000 en moyenne lors des trois derniers mois, contre 320 000 il y a six mois et 430 000 il y a un an, s’établissant ainsi à un niveau similaire à celui observé lors de la dernière expansion économique, au cours de laquelle le taux de chômage était tombé en dessous de 4 %. S’il s’agit là d’une évolution positive, les créations d’emplois devront cesser de ralentir rapidement, faute de quoi l’atterrissage en douceur n’aura été qu’un préalable à une récession.

Illustration 6 : Vers une stabilisation ou une poursuite de la baisse du marché de l’emploi ?

Données au 31 août 2023, dernières données disponibles au 30 sept. 2023. Source : BLS, Réserve fédérale de Saint-Louis.

.

Malgré la multiplication des obstacles, la Fed semble déterminée à continuer de relever ses taux pendant un moment encore, ce qui contraste avec la période d’inflation faible que nous avons connue récemment, au cours de laquelle s’est montrée prompte à mettre en œuvre une politique accommodante au premier signe de tensions macroéconomiques. C’est là un constat important, car l’histoire montre que la Fed a joué un rôle majeur dans la relance de la croissance du PIB, aussi bien dans un scénario d’atterrissage en douceur que de récession. L’économie n’a jamais connu de rebond notable avant que la Fed ne commence à assouplir sa politique. Actuellement, l’inflation élevée d’un point de vue générationnel et les tensions sur le marché de l’emploi limitent la marge de manœuvre de la Fed, qui sera sans doute moins à même de réagir rapidement à des données négatives, et se montrera probablement plus mesurée lorsqu’elle le fera. La capacité d’action limitée de la Fed représente un risque important pour la croissance économique, accroît le risque de récession, et pourrait même contribuer à ce qu’une récession somme toute modérée puisse dégénérer en quelque chose de pire.

Le contexte de marché a dans une large mesure reflété l’environnement économique cette année, une hausse étonnamment forte masquant des difficultés sous-jacentes. Près d’un an après le plancher d’octobre 2022, la largeur du marché reste inférieure à celle observée au début des marchés haussiers précédents. Depuis la fin des années 1950, tous les nouveaux marchés haussiers, à l’exception d'un seul, ont enregistré une participation de plus de 80 % – et, dans de nombreux cas, plus de 90 % – d’actions (à l’aune du nombre de titres négociés au-dessus de leur moyenne mobile à 200 jours) au cours de leur première année. Or, la participation la plus élevée au rebond actuel, enregistrée en février dernier, n’a été que de 75 %. Le fait que la hausse en cours soit alimentée par un nombre plus faible d’actions n’est pas de bon augure pour la viabilité du marché haussier naissant.

Illustration 7 : La Fed doit contribuer à la relance de l’économie

*Cycles de baisse des taux d’au moins 75 pb qui ne se sont pas inscrits dans un cycle de hausse plus large. Données au 30 juin 2023, dernières données disponibles au 30 sept. 2023. Source : BEA, Réserve fédérale, FactSet. 

 

Les performances atones affichées par les petites capitalisations depuis le dernier creux remettent également en cause la pérennité du marché haussier. Historiquement, les petites capitalisations ont progressé de 75 % en moyenne au cours de l’année suivant le creux d’un marché haussier. Or, elles ont sous-performé leurs homologues de plus grande taille l’an passé et n’ont gagné que 6 % depuis le plancher du S&P 500, ce qui représente leur plus mauvaise performance au début d’un nouveau marché haussier en plus de 40 ans. Sachant que les bénéfices des petites capitalisations proviennent plus majoritairement des États-Unis que ceux des grandes capitalisations, il y a lieu d’être pessimiste quant à la durabilité de l’expansion actuelle.

Illustration 8 : Les petites capitalisations à la peine

*Le creux du marché baissier représente le jour 0, sur la base du S&P 500. Source : S&P, Russell, FactSet.

En résumé, la multiplication des tensions à tous les niveaux de l’économie et sur les marchés financiers pourrait faire capoter la reprise en cours. La situation devrait s’éclaircir au cours des prochains trimestres, à mesure que nous approcherons du crux. Dans l’intervalle, nous préconisons de conserver un positionnement axé sur les valeurs de croissance et défensives, jusqu’à ce que les choses se précisent.



NOTES JURIDIQUES IMPORTANTES

Le présent document est uniquement d’intérêt général et ne doit pas être considéré comme des conseils de placement ni comme une recommandation d’acheter, de vendre ou de conserver un titre ou d’adopter une stratégie de placement. Ce contenu ne représente pas des conseils de nature juridique ou fiscale.

Les points de vue exprimés sont ceux du gestionnaire de placements et les commentaires, opinions et analyses sont en date de la publication du présent document et peuvent changer sans préavis. Les renseignements fournis dans le présent document ne constituent pas une analyse complète de tous les faits importants au sujet d’un pays, d’une région ou d’un marché.

La préparation du présent contenu peut avoir nécessité des données de tiers qui n’ont pas fait l’objet d’une vérification ou d’une validation indépendante par Placements Franklin Templeton (« PFT »). PFT décline toute responsabilité, quelle qu’en soit la nature, à l’égard de toute perte résultant de l’utilisation de ces informations, et le lecteur est l’unique responsable de l’utilisation qu’il fait des commentaires, des opinions et des analyses que contient le document.

Les produits, les services et les informations peuvent ne pas être disponibles dans toutes les collectivités territoriales et sont offerts à l’extérieur des États-Unis par d’autres sociétés affiliées de Placements Franklin Templeton et/ou leurs distributeurs conformément aux dispositions des lois et des règlements locaux. Consultez votre conseiller professionnel pour obtenir de plus amples renseignements sur les produits et les services offerts dans votre collectivité territoriale.

CFA® et Chartered Financial Analyst® sont des marques déposées de CFA Institute.