« Peu importe que vous alliez lentement, tant que vous ne vous arrêtez pas. »
Les obligations du Trésor ont connu un vif rebond au quatrième trimestre de l’an passé, mais se sont depuis repliées face à l’évolution du consensus, qui table désormais sur une inflation certes élevée, mais en baisse. Nous restons convaincus que le ralentissement de l’inflation n'entrainera pas de récession outre-Atlantique. Le rythme de la baisse des taux de la Fed va dépendre de la résilience de l’économie. Cependant, les taux élevés actuellement en vigueur, supérieurs à 5 %, sont selon nous trop restrictifs pour la croissance. Les fondamentaux de crédit soutiennent les obligations de qualité investment grade et les spreads, bien que les valorisations soient tendues en termes absolus. L’amélioration des performances constatée dans pratiquement tous les secteurs obligataires semble appelée à se poursuivre, et nous sommes particulièrement optimistes à l’égard des obligations des marchés émergents dans la perspective d’une baisse des taux.
Principales conclusions :
- Les taux d’intérêt élevés observés actuellement, supérieurs à 5 %, sont trop restrictifs et selon toute vraisemblance, le ralentissement des dépenses de consommation va inciter la Fed à abaisser ses taux, bien que les marchés puissent réagir de façon proactive.
- L’inflation continue de décélérer par à-coups au niveau mondial, laissant aux banques centrales la latitude nécessaire pour assouplir leur politique monétaire afin de contrer le ralentissement de la croissance.
- Les fondamentaux et le risque de défaut soutiennent le crédit investment grade, bien que les valorisations soient quelque peu tendues en comparaison historique, si l’on exclut la période d’après la crise financière mondiale.
- Nous restons optimistes à l’égard des échéances courtes et intermédiaires, aussi bien en ce qui concerne les titres investment grade que ceux à haut rendement de qualité supérieure.
- Notre scénario de base continue de tabler sur une poursuite de l’amélioration observée dans presque tous les secteurs du marché obligataire depuis octobre.
Il n’a pas fallu longtemps au marché obligataire pour renouer avec la thèse d’une inflation persistante à en juger par le recul des cours des bons du Trésor par rapport à leur niveau de fin 2023. Les obligations du Trésor ont connu au quatrième trimestre de l’an passé le plus vif rebond de leur histoire à la faveur d’un rapide changement de cap du consensus alors en vigueur, qui tablait sur la persistance d’une inflation supérieure à l’objectif fixé et le maintien de taux d’intérêt élevés. Le taux d’inflation a depuis fortement baissé pour s’établir aux alentours de 2 % sur une base de six et, selon certains indicateurs, neuf mois. Dans ce contexte, Jerome Powell, le président de la Fed, et d’autres membres du Federal Open Market Committee (FOMC) affirment que la Fed n’attend plus désormais que des preuves plus « tangibles » pour ramener ses taux d’intérêt à des niveaux moins restrictifs (Illustration 1).
Illustration 1 : Inflation de base, hors logement, indice des prix à la consommation (IPC) et indice des prix des dépenses de consommation personnelle (PCE)

Sources : Bureau of Labor Statistics, Bureau of Economic Analysis, Western Asset. Au 31 janvier 2024.
Nous avons soutenu que le taux d’inflation baisserait pour se rapprocher de l’objectif de la Fed sans qu’il soit nécessaire de déclencher une récession. Nous restons convaincus que le rythme et le calendrier des baisses de taux de la Fed dépendront principalement de la vigueur de l’économie américaine, sachant que la Fed veut attendre le plus longtemps possible. La résilience affichée dernièrement par l’économie a amené le marché à revoir ses prévisions concernant le calendrier des assouplissements. Mais le point le plus important selon nous est que les taux d’intérêt à court terme, actuellement à 5 % ou plus, sont tout simplement trop élevés. Fort heureusement, l’économie a pu tenir le rythme, mais tout porte à croire que les taux restrictifs, le resserrement des conditions de crédit et, plus encore, la baisse des dépenses de consommation, jusqu’ici élevées, vont entraîner un ralentissement de la croissance américaine, ce qui incitera la Fed à abaisser ses taux. Il est possible que le marché obligataire anticipe cette éventualité, ou non. Au vu du niveau élevé des taux d’intérêt, les rendements offerts actuellement par les bons du Trésor à long terme ont tout pour séduire les investisseurs, ce qui explique que la courbe des taux des bons du Trésor reste inversée depuis plusieurs années.
Le secteur des obligations investment grade à long terme se distingue en ce que les investisseurs sont très désireux de tirer profit des rendements élevés qu’il offre actuellement alors que les émetteurs sont moins enclins à emprunter. Du fait de cette pénurie relative d’offre, conjuguée à une demande soutenue des investisseurs, ce secteur a été l’un des plus performants du marché obligataire l’an dernier (Illustration 2).
Illustration 2 : La demande d’obligations investment grade des investisseurs se heurte à une pénurie d’offre

Sources : (A) BofA Global Research. Au 31 décembre 2023, (B) J.P. Morgan. Au 18 octobre 2023.
L’une des anomalies inhérentes à ce marché réside dans l’intérêt très marqué porté au crédit privé, même si la plupart des enquêtes font apparaître que les investisseurs sont circonspects quant aux valorisations du crédit public. La qualité d’un crédit, quel qu’il soit, s’apprécie au regard des flux de trésorerie qu’il génère et de sa valorisation par rapport au risque de défaut encouru. Or, le risque de défaut des émetteurs investment grade est très faible d’un point de vue historique. Les indicateurs de flux de trésorerie et d’endettement restent très favorables. Les marges se sont contractées, mais à partir de sommets absolus. Certes, les valorisations sont tendues par rapport à la période qui a suivi la crise financière mondiale. Cependant, il convient de souligner que les fondamentaux actuels, plus solides que jamais, la baisse des taux d’intérêt ancrée dans les bilans des entreprises investment grade et la prise en compte de périodes de temps plus longues (exemptes des risques déflationnistes auxquels les émetteurs ont été exposés au cours de la douzaine d’années qui a précédé la pandémie) sont autant de facteurs qui tendent à démontrer que les spreads actuels sont justifiés.
Nous nous montrons désormais prudents vis-à-vis des obligations à long terme, qui ont surperformé tant d’autres secteurs du crédit. En revanche, nous restons optimistes à l’égard des échéances courtes et intermédiaires, aussi bien en ce qui concerne les titres investment grade que ceux à haut rendement de qualité supérieure. Les investisseurs peinent à trouver des rendements supérieurs au taux au jour le jour de 5 % ou plus de la Fed. Sachant que la baisse des taux d’intérêt ne s’opèrera qu’à pas comptés, c’est là une considération majeure. La résilience actuelle de l’économie est un facteur positif et, au fil du temps, la Fed pourra détendre ses taux si des difficultés se font jour. Néanmoins, en cas de ralentissement économique plus marqué, il pourrait s’avérer préférable de conserver une exposition à des produits de spread à duration courte plutôt que longue. Et dans un tel contexte, la duration des bons du Trésor à long terme pourrait s’avérer être un atout très utile.
D’un point de vue mondial, nous sommes optimistes à l’égard de nombreux marchés émergents, aussi bien en ce qui concerne la dette libellée en USD qu’en devise locale. Cette dernière pourrait offrir des opportunités très attrayantes cette année. Les pays émergents ont devancé leurs homologues développés en matière de resserrement de leur politique monétaire ces deux dernières années. Ils sont désormais en mesure d’abaisser leurs taux, ce qui, conjugué à la relative stabilité de leurs devises, pourrait être source de rendements totaux importants.
Si la démondialisation (abandon des activités de production des pays développés dans les pays émergents) est sur toutes les lèvres, il y a plus lieu de parler selon nous d’une reconfiguration. Les chaînes d’approvisionnement sont transférées dans des pays considérés comme très peu susceptibles d’être des adversaires géopolitiques, à l’image de l’Inde par rapport à la Chine. Plus près des États-Unis, le Mexique a sans doute été le principal bénéficiaire de cette tendance, qui est selon nous appelée à se poursuivre.
La croissance ralentit et l’inflation continue de décélérer au niveau mondial. La Chine est même dans une situation de déflation. Le défi pour les banques centrales va être d’ajuster leurs taux d’intérêt à la baisse en temps voulu. La croissance de l’économie américaine est actuellement la plus résiliente, ce qui laisse à la Fed une certaine marge de manœuvre. Mais à mesure que la baisse de l’inflation (aussi irrégulière soit-elle) et le ralentissement de la croissance s’accentueront, la Fed ne manquera pas de réagir. Notre scénario de base continue de tabler sur une poursuite de l’amélioration observée dans presque tous les secteurs du marché obligataire depuis octobre.
Définitions :
Un point de base (pb) est un centième de point de pourcentage (1/100 % ou 0,01 %).
L’indice des prix à la consommation (IPC) mesure l’évolution moyenne des prix à la consommation aux États-Unis au fil du temps sur un panier de biens et services fixe déterminé par l'U.S. Bureau of Labor Statistics.
L’indice de base des prix à la consommation (IPC de base) exclut les prix des denrées alimentaires et de l’énergie, qui fluctuent d’un mois à l’autre, du panier de biens utilisé pour déterminer l’IPC.
L’indice des prix des dépenses de consommation personnelle (PCE) est une mesure des variations de prix des biens et services de consommation ; cet indicateur comprend des données relatives aux biens durables, aux biens non durables et aux services. Il tient compte de l’évolution de la consommation des ménages en fonction des prix, alors que l’indice des prix à la consommation utilise un panier fixe de biens dont les pondérations ne changent pas dans le temps. Le PCE de base exclut les prix des denrées alimentaires et de l’énergie.
La déflation désigne la baisse persistante du niveau des prix à la consommation ou la hausse persistante du pouvoir d’achat de la monnaie.
Un spread est la différence de rendement entre deux types différents d'obligations ayant des échéances identiques, généralement entre un titre du Trésor ou souverain et un titre non émis par le Trésor ou non souverain.
La courbe des taux est une représentation graphique de la relation entre les taux d’obligations de qualité de crédit équivalente mais dont les échéances diffèrent.
L’inversion de la courbe des taux correspond à une situation de marché où les taux des obligations à plus longue échéance sont inférieurs à ceux des émissions à plus courte échéance.
QUELS SONT LES RISQUES ?
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Les titres en actions sont sujets à des fluctuations de cours et peuvent occasionner une perte de capital.
Les titres obligataires exposent leurs détenteurs aux risques de taux d’intérêt, de crédit, d’inflation et de réinvestissement, ainsi qu’à une possible perte de capital. Quand les taux d’intérêt augmentent, la valeur des titres obligataires diminue.
Les bons du Trésor américain sont des titres de créance émis et garantis explicitement par le gouvernement américain. Le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les bons du Trésor américain lorsque les titres sont détenus jusqu’à l’échéance. À la différence des bons du Trésor américain, les titres de créance émis par les agences et intermédiaires fédéraux et les investissements connexes peuvent ou non être garantis par la garantie explicite du gouvernement américain. Même lorsque le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les titres, cette garantie ne s’applique pas aux pertes résultant de la baisse de la valeur de marché de ces titres.
