Principales conclusions
- Après un solide rebond au premier semestre, la seconde moitié de 2023 s'annonce comme un bras de fer entre les attentes toujours optimistes du marché concernant un atterrissage en douceur et les prévisions économiques plus prudentes qui prévoient une contraction.
- Nous restons convaincus qu'une récession est l'issue la plus probable, dans la mesure où le tableau de bord ClearBridge du risque de récession reste rouge foncé et où la dynamique économique est susceptible de se dégrader rapidement.
- La reprise vigoureuse des actions américaines contraste avec les gains plus modestes enregistrés sur la plupart des autres marchés financiers sensibles à l'économie, notamment ceux du pétrole, du cuivre et des obligations à haut rendement.
Redressement ou émergence d’un nouveau marché haussier ?
Le milieu de l'année est un bon moment pour faire le point sur la manière dont les événements ont évolué par rapport aux attentes. Pour de nombreux investisseurs, il s’agit là d'un élément clé du succès, et c'est un effort auquel nous nous attelons régulièrement. Il y a six mois, on s'attendait à ce que l'année 2023 soit marquée par la récession la plus attendue de l'histoire, une perspective renforcée voici trois mois par trois des quatre plus retentissantes faillites bancaires de l'histoire. Or, les marchés boursiers sont restés indifférents à cette crise bancaire régionale et ont progressé de 15 % depuis l'effondrement et la saisie de la Silicon Valley Bank à la mi-mars. Dans les faits, l'indice S&P 500 dépasse de 9 % les prévisions moyennes formulées par les stratèges en début d'année et n'est plus qu'à quelques encablures de ses sommets historiques. La question clé pour le second semestre de l'année consiste à savoir si nous nous trouvons au milieu d'un mouvement associé à un marché baissier d'une ampleur et d'une durée historiques, ou si nous assistons plutôt aux prémices d'un nouveau marché haussier durable.
Au vu des résultats très divergents qu'impliquent les estimations consensuelles pour le marché et l'économie, la réponse est confuse. Le consensus « bottom-up » montre que les actions américaines intègrent l'objectif de renouer avec une croissance positive du BPA au deuxième trimestre, ainsi qu'une forte accélération au cours du second semestre. En revanche, selon les prévisions des économistes, la croissance du PIB devrait continuer à ralentir au cours des prochains trimestres. L’éventualité que la croissance du PIB reste positive dépend en grande partie de l'inflation, qui devrait encore se ralentir mais tout en restant bien au-dessus de l'objectif de 2 % de la Fed jusqu'en 2024. Ce point de vue contradictoire pose un dilemme aux investisseurs, qui doivent déterminer quel camp a une vision plus précise de l'évolution de la situation au cours des six prochains mois.
Illustration 1 : Qui a raison ?


Données au 30 juin 2023. Source : Bloomberg, BEA, FactSet, S&P. Rien ne garantit que les prévisions, projections ou estimations se réalisent.
Nous continuons à penser que l'économie se dirige vers une récession cette année. Notre tableau de bord ClearBridge Recession Risk Dashboard, qui n'a connu aucun changement de signal ce mois-ci et dont le signal global reste rouge foncé (récession), constitue le fil conducteur de cette analyse.
La vigueur récente du secteur du logement, qui est l'un des domaines de l'économie les plus sensibles aux taux d'intérêt, a permis d'étayer les arguments en faveur d'un atterrissage en douceur. En mai, les mises en chantier ont connu leur plus forte hausse mensuelle depuis plus de trente ans, et l'indice national S&P/Case-Shiller des prix du logement aux États-Unis a rebondi lors de ses deux derniers relevés. Cette vigueur a renforcé l'idée que l'économie américaine pourrait connaître une série de récessions en dents de scie dans des secteurs spécifiques, ce qui résulterait en partie de la normalisation post-pandémie (qui a touché différents secteurs de l'économie de façon asynchrone). Dans ce scénario, l'économie globale pourrait ne jamais entrer en récession, car les poches de force dans un secteur compensent les faiblesses ailleurs.
Illustration 2 : Tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge

Données au 30 juin 2023. Source : BLS, Réserve fédérale, Census Bureau, ISM, BEA, American Chemistry Council, American Trucking Association, Conference Board et Bloomberg. Le tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge a été créé en janvier 2016. Les références aux signaux qu’elle aurait envoyés dans les années précédant janvier 2016 se fondent sur la manière dont les indicateurs des composantes de l’époque reflétaient les données sous-jacentes.
Historiquement, nombre de ralentissements survenus dans le passé ont d'abord ressemblé à des récessions sectorielles continues, un événement plus synchronisé comme celui de 2020 relevant bien plus de l'exception que de la règle. Les secteurs économiques tels que le logement et les biens durables se contractent généralement avant que l'économie n'entre en récession, tandis que les secteurs moins cycliques tels que les biens non durables et les services ne leur emboîtent le pas que lorsque la récession a commencé. Fait important, il n'est pas rare que certains secteurs rebondissent au cours d'une récession plus prononcée, que ce soit avant les récessions passées ou pendant celles-ci. En outre, l'économie peut entrer en récession alors que le marché du logement reste sain, comme on l’a vu en 2001. Enfin, de nombreuses récessions passées ont été précédées par des récessions sectorielles continues ; l'une d'entre elles pourrait donner lieu à un atterrissage en douceur au cours des prochains trimestres.
Illustration 3 : Les récessions ne sont pas synchronisées

*Le logement est un investissement résidentiel fixe. Les données reprennent la situation de 1965 à nos jours, données au 30 juin 2023. Source : BEA, NBER et Bloomberg.
Autre argument en faveur de la poursuite de cette expansion : l'économie résiste mieux et la dynamique économique devrait permettre aux États-Unis d’échapper à une récession. C'est ce que montrent les indices de surprise économique, qui mesurent la fréquence à laquelle les données publiées dépassent les attentes (scénario positif) ou les manquent (scénario négatif). Ces séries ont tendance à s'inverser et se situent actuellement dans leur décile supérieur, un niveau à partir duquel elles se renouvellent généralement. Une série de données décevantes dans le courant de l'année pourrait faire disparaître un soutien important aux perspectives d'atterrissage en douceur et de croissance des bénéfices. L'histoire montre que l'économie voit souvent sa dynamique se dégrader fortement lorsque les forces alimentant la récession se conjuguent. Même si l'économie semble pour l'instant reposer sur des bases solides, sa santé peut basculer radicalement en l'espace de quelques trimestres.
Illustration 4 : L’économie peut basculer rapidement

*Le graphique inclut les données des récessions selon le NBER, en commençant par la récession qui a débuté en décembre 1969. Données au 31 mars 2023, dernières données disponibles au 30 juin 2023. Source : FactSet, U.S. Bureau of Economic Analysis, NBER.
La forte progression des marchés boursiers depuis le début de l'année constitue un autre pilier soutenant la thèse de l'atterrissage en douceur. Les marchés sont tournés vers l'avenir, mais ils n'ont pas toujours raison. Dans l'histoire moderne (depuis la Seconde Guerre mondiale), le marché a enregistré une performance positive 42 % du temps au cours des six mois précédant le début d'une récession et 25 % du temps au cours des trois mois précédents. Au cours de ces deux périodes, les rendements ont généralement été faibles, les investisseurs s'accrochant au scénario haussier jusqu'à la fin. En clair, l'évolution positive des prix (et l'absence d'un repli important des marchés boursiers) n'empêche pas l'économie de tomber en récession.
Illustration 5 : Les marchés ne mènent pas toujours la danse

Source : FactSet, S&P. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
Des questions demeurent quant au caractère durable du rebond actuel. Les investisseurs particuliers et institutionnels étant plus fortement investis qu'au début de l'année, le positionnement est moins porteur. Le sentiment est passé d'extrêmement négatif à haussier. Les valorisations sont élevées, à un peu plus de 19 fois les bénéfices à terme, ce qui, comme on l'a vu plus haut, laisse présager une croissance optimiste. En outre, les autres marchés financiers envoient un signal différent. Certains des actifs les plus sensibles à la conjoncture (souvent utilisés pour évaluer les perspectives de croissance du marché), notamment le pétrole, le cuivre, les petites capitalisations, les valeurs financières et les obligations à haut rendement, n'ont pas rebondi autant que lors des précédents creux du marché. Cette disparité suggère que le S&P 500 pourrait en fait être une anomalie dans le tableau d'ensemble, car les prix des autres classes d'actifs incitent à davantage de prudence.
Illustration 6 : Le marché boursier fait cavalier seul

Données au 30 juin 2023. Source : FactSet, S&P. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
Ces dernières semaines, le caractère marginal de la reprise des actions a fait couler beaucoup d'encre, les rendements étant dominés par une poignée de grands noms de l'indice. Ainsi, le S&P 500 pondéré en fonction de la capitalisation boursière a battu de 10 % le S&P 500 à pondération égale. Si cet écart se maintient jusqu'à la fin de l'année, il sera le plus important enregistré depuis 1998. Rappelons qu'après plusieurs années de leadership étroit sur le marché et de surperformance prononcée des méga-capitalisations, le début des années 2000 a été marqué par une forte baisse des valorisations de ces titres et par un vaste changement de leadership sur le marché.
Illustration 7 : S&P 500, pond. égale / Cap. pondérée

Données au 30 juin 2023. Source : FactSet. Les performances passées ne sont pas un indicateur ou une garantie des résultats futurs.
Ces périodes passées de retour à la moyenne se sont avérées fructueuses pour les gestionnaires proactifs, en raison de leur flexibilité à éviter les poches de surévaluation ou les attentes trop élevées pour se concentrer sur les domaines négligés. La participation au marché s'est élargie au cours des dernières semaines, bien que si les surprises économiques commencent à s'inverser au second semestre, l'élargissement récent aux secteurs plus cycliques du marché pourrait bien faire long feu.
Si les marchés repartent effectivement à la baisse, l'intelligence artificielle (IA) sera un joker. Le narratif de l'IA est assez séduisant : l'émergence d'une innovation technologique capable de transformer les entreprises en stimulant la productivité tout en améliorant les marges. Les grands leaders technologiques, qui disposent d'importantes liquidités, semblent bien placés pour tirer parti du déploiement de ces nouveaux outils, aux débouchés théoriquement gigantesques. Bien que certains puissent affirmer que la bulle internet se répète, les valorisations restent en réalité bien en deçà de cette époque grisante. Notons que les entreprises sont aujourd'hui beaucoup plus rentables et que le rendement de leurs capitaux propres est plus élevé, ce qui devrait permettre d'amortir en partie le prix des actions s'il s'avérait que l'IA change moins la donne au cours des prochaines années que ce que l'on prévoit aujourd'hui.
Illustration 8 : Pas la bulle Internet

Données au 30 juin 2023. Source : FactSet.
En revenant sur les six derniers mois, nous constatons que notre point de vue général n’a guère changé malgré tout ce qui s'est passé. Nous ne nous attendions certainement pas à une telle vigueur des actions américaines et nous pensions que les attentes en matière de bénéfices auraient déjà été revues à la baisse, comme cela s'est produit pour les prévisions économiques. D'un autre côté, plusieurs de nos positions se sont avérées correctes, notamment le fait que les baisses de taux attendues étaient très peu probables, les marchés sous-estimant le changement de la fonction de réponse de la Fed et son engagement à poursuivre une politique monétaire plus rigoureuse pendant plus longtemps face à une inflation obstinément élevée (que nous jugions trop optimiste, en particulier au début de l'année).
Il nous faudra un moment pour savoir si c'est l'atterrissage en douceur ou la récession qui prévaudra, départageant les investisseurs boursiers optimistes ou les économistes plus circonspects. À ce stade, nous restons convaincus qu'une récession est la trajectoire la plus probable pour l'économie américaine.
Définitions
Le Tableau de bord sur les risques de récession de ClearBridge est un groupe de 12 indicateurs qui analysent la santé de l’économie américaine et la probabilité d’un ralentissement.
L’indice S&P 500 est un indice non géré composé de 500 actions qui est généralement représentatif des performances des grandes entreprises aux États-Unis.
Le Conseil de la Réserve fédérale (la « Fed ») est chargé de définir les politiques des États-Unis visant à promouvoir la croissance économique, le plein emploi, la stabilité des prix et un modèle durable de commerce et de paiements internationaux.
Le produit intérieur brut (PIB) est une statistique économique qui mesure la valeur de marché totale de l’ensemble des produits et services finaux produits par un pays sur une période donnée.
L'indice S&P/Case-Shiller U.S. National Home Price NSA Index mesure l'évolution de la valeur du marché immobilier résidentiel américain en suivant les prix d'achat des maisons individuelles. Il est constitué et publié chaque mois.
QUELS SONT LES RISQUES ?
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