CONTRIBUTEURS

Tom O'Gorman
Director of Fixed Income, Franklin Bissett Investment Management

Darcy Briggs, CFA, CPA, CGA, FRM
Senior Vice President, Portfolio Manager
C’est au deuxième trimestre, l’an passé, que tout s’est arrêté, que les marchés ont basculé et que les chiffres ont atteint des creux spectaculaires alors que la pandémie de COVID 19 s’est propagée à presque tous les coins de la planète.
Depuis le repli initial et la réouverture, l’activité économique mondiale est demeurée résiliente, soutenue par des mesures de soutien budgétaire et monétaire de montants sans précédent, dans un contexte où les économies s’adaptent à la nature « d’arrêts et de départs continuels » de la pandémie. Les pays présentant des taux de vaccination plus élevés contrôlent avec succès la propagation du virus. Quinze mois après que la pandémie a mis à l’arrêt l’économie mondiale, bon nombre de pays entament un retour au travail.
Le Canada en fait partie. Alors que le pays parvient à contrer sa troisième vague d’infections par le virus, un programme de vaccination intensifié et le renouvellement de la demande pour les ressources naturelles du pays les plantes cultivées, l’énergie et les métaux fournissent une dynamique prometteuse pour la deuxième moitié de 2021.
Jusqu’où le huard peut il s’envoler?
Jusqu’ici cette année, le dollar canadien a été la devise la plus performante au sein du G10 : il a connu une hausse de 5,4 % par rapport au dollar américain depuis le début de l’année. Les prix élevés des produits de base, ainsi que d’autres éléments économiques de relance, aident à renforcer à la fois la devise et les taux d’intérêt à long terme. L’un des éléments clés de la robustesse récente du dollar canadien est la perception du passage à une position plus ferme de la Banque du Canada ( BdC ). Dans le contexte où les taux d’intérêt et la devise fluctuent en fonction de valorisations relatives, la perception selon laquelle la Banque du Canada pourrait prendre des mesures hâtives pour normaliser le taux directeur a aidé le huard à prendre de la valeur pendant une bonne partie de l’année. La robustesse de la devise a déjà resserré les conditions financières et fait passer la valorisation en territoire normal. Une augmentation accrue de la valeur du dollar pourrait nuire à d’autres secteurs clés désavantagés par un dollar canadien plus fort, ce qui préoccuperait la BdC .
L’offre, la demande et l’équation de l’inflation
Les Canadiens qui se demandent ce que leur réservent les prochains moins n’ont qu’à regarder ce qui se passe au sud de la frontière, aux États Unis. Depuis que l’administration Biden a annoncé, en janvier dernier, qu’elle mettrait fortement l’accent sur la vaccination, le déploiement des vaccins s’est fait plus rapidement que prévu. Les mesures de relance budgétaire ont aussi considérablement dépassé les attentes, donnant ainsi des moyens d’accélérer les dépenses des ménages et de créer des conditions de demande excédentaire.
Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement depuis le début de la pandémie ont réduit les stocks et la nouvelle production, ce qui a restreint l’offre. Bien que la composition des achats se transformera pour inclure plus de services au fur et à mesure que l’économie rouvrira, la combinaison de ces facteurs a créé des conditions dans lesquelles l’activité et l’inflation pourraient être toutes deux supérieures aux attentes à court terme. Au cours des 12 derniers mois, l’U.S. Consumer Price Index (CPI) avait augmenté de 5,0 % sur un an en date de la fin mai, en partie en raison de ces facteurs.
Une inflation, oui. Soutenue? Peut être pas.
L’inflation a aussi connu une augmentation au Canada, sa hausse sur un an ayant atteint 3,6 % en mai par rapport à 3,4 % en avril, principalement en raison de la comparaison statistique avec l’an dernier, lorsque les prix ont chuté pendant les fermetures causées par la pandémie. En tenant compte du faible effet de base, ces données sont conformes aux attentes et reflètent la dynamique « d’arrêts et de départs continuels » de la pandémie.
Les attentes en matière d’inflation sont passées à leurs niveaux les plus élevés depuis la période qui a immédiatement suivi la crise financière mondiale (CFM). Même si une hausse marquée de l’inflation a déjà largement été actualisée, la durabilité de la reprise de l’inflation est incertaine en ce qui a trait à sa capacité à entraîner des coûts plus élevés. Les facteurs nécessaires pour que l’inflation perdure restent incertains, puisqu’il reste un coussin à la fois en matière de capacité et dans les marchés de l’emploi. De plus, des facteurs séculaires de déflation, les caractéristiques démographiques, la dette, les technologies perturbatrices et la mondialisation restent une contrepartie à l’inflation cyclique à court terme.
Les incertitudes demeurent élevées. Du point de vue des données, nous nous attendons à ce que le deuxième trimestre soit désordonné et présente une faible visibilité, compte tenu de toutes les distorsions qui découlent du fait que le trimestre chevauche la période où tous ont été retournés à la maison. Les résultats possibles pour le reste de l’année 2021 peuvent varier fortement, mais nous nous attendons à ce qu’il devienne plus facile d’entrevoir le chemin que l’activité économique et les marchés emprunteront dans l’avenir lorsque nous aurons passé le point de distorsion maximale des données et que nous serons témoins de plus de progrès vers la fin de la pandémie à l’échelle mondiale.
La nature extrême de la reprise est largement fondée sur la perspective de mesures de relance budgétaire considérables. Comme le prochain ensemble de mesures de relance budgétaire aux États Unis sombre dans la politique, nous ne serions pas surpris de voir les taux baisser au fur et à mesure que l’année avance. De façon réaliste, nous prévoyons que le chemin qui s’étend devant nous sera un peu désordonné.
Les courbes de rendement, qui s’accentuent, sont à l’image de la reprise
Au cours des trois premiers mois de l’année, la politique monétaire incroyablement expansionniste de la BdC a offert peu de résistance à une hausse croissante des taux de rendement; toutefois, les taux ont peu varié pendant le deuxième trimestre, et nous avons même observé un léger aplatissement de la courbe lorsque les attentes relatives à la politique de la banque centrale se sont corrigées.
Les marchés des titres souverains ont réévalué les attentes en matière de croissance et d’inflation : les taux de rendement à long terme ont augmenté et la courbe de rendement s’est accentuée.
Les taux des obligations canadiennes à long terme ont moins bien fait que leurs pairs américains, principalement en raison des attentes du marché selon lesquelles la BdC resserrerait sa politique monétaire avant la Réserve fédérale américaine (la Fed), ce qui, selon nous, est erroné.
Nous prévoyons que les taux des obligations canadiennes dépasseront ceux des obligations américaines à long terme au cours de la deuxième moitié de l’année. De plus en plus de données démontrent que les grands déséquilibres économiques préexistants au Canada ont empiré (la dette des ménages en est un exemple), ce qui donne à penser que la reprise canadienne sera à la traîne de celle des États Unis.
Des créances de sociétés qu’il vaut la peine de surveiller
Sur le marché canadien des obligations de sociétés, les secteurs qui ont tiré parti du confinement, comme les titres de première qualité des communications et des médias ont inscrit les meilleurs rendements durant le confinement, mais une rotation est en cours vers les secteurs qui profiteront du redémarrage, comme les titres de première qualité des secteurs des produits de base et de l’énergie.
Par exemple, si notre analyse prend en compte les conditions d’avant la pandémie et la transition sur plusieurs années vers d’autres sources d’énergie, nous restons optimistes à l’égard des titres de créance de sociétés énergétiques canadiennes sur notre horizon de placement. Il n’y a pas de risque considérable d’exploration ou de mise en valeur qui y est associé. Les coûts ne varient pas et, à mesure que la demande prévue augmente, les flux de trésorerie feront de même, ce qui rendra ces obligations plus attrayantes du point de vue du crédit.
Nous repérons aussi de bonnes occasions dans les obligations à rendement élevé, les nouveaux billets de capital à recours limité (BCRL), ainsi que les actions privilégiées et les marchés mondiaux des prêts. Soulignons que ces trois dernières catégories d’actif ont des caractéristiques défensives dans un contexte de hausse tendancielle des taux d’intérêt.
Comparaison entre les obligations canadiennes à RE et de QS - écart ajusté en fonction des options (pb)
Du 2 mars 2020 au 18 juin 2021

Sources : S&P Global, Franklin Templeton : Pour la période du 2 mars 2020 au 18 juin 2021.
Attention aux secousses
Bien que les premiers mois de 2021 au Canada aient été assombris par des perturbations dans l’approvisionnement en vaccins et une importante troisième vague d’infections qui a entraîné des restrictions économiques supplémentaires dans la plupart des provinces, le contexte pour le reste de l’année semble plus favorable. L’approvisionnement et l’administration des vaccins au Canada semblent rattraper leur retard, et l’objectif du gouvernement de vacciner entièrement 70 % de la population d’ici la fin de l’été semble plus atteignable.
Nous nous attendons à ce que les politiques budgétaire et monétaire restent conciliantes/expansionnistes pour le reste de l’année afin de favoriser la croissance économique. Pour presque toutes les mesures économiques, les données canadiennes sont beaucoup moins favorables que les données américaines; or, les marchés tiennent compte des attentes voulant que la BdC hausse les taux avant la Fed.
Nous estimons également que l’inflation est près de son sommet, compte tenu des effets de base très faibles, et elle aura probablement tendance à diminuer plus tard dans l’année. En raison des forces déflationnistes séculaires, nous sommes moins inquiets au sujet d’une hausse soutenue de l’inflation et des taux à plus long terme.
Les titres de créance inspirent toujours confiance
Nous demeurons optimistes face aux titres de créance à long terme en raison des perspectives de rendement pour l'ensemble des secteurs des titres à revenu fixe. Nous prévoyons que les obligations d’entreprise continueront d’afficher un rendement supérieur, compte tenu des données fondamentales robustes et des conditions techniques, bien que les évaluations plus riches continuent de suggérer un profil de rendement attendu plus modeste pour la dette des entreprises à l’avenir.
Au cours des derniers mois, nous avons positionné nos portefeuilles de façon un peu moins défensive, en diminuant légèrement la duration et la convexité des obligations dans nos portefeuilles. Lorsque pertinent, nous avons ajouté des titres à rendement élevé, des prêts bancaires et d’autres obligations de société, étant donné que nous nous attendons à ce que ces secteurs produisent de meilleurs rendements corrigés du risque. Nous chercherons à tirer parti des occasions qui se présenteront.
Raisons d’être optimiste et prudent
Nous nous attendons à ce que les rendements du marché obligataire au premier trimestre soient peu susceptibles de refléter les rendements sur l’année complète, et le marché obligataire canadien rattrapera une partie de son retard; les marchés peuvent parfois réagir avec excès. Les taux obligataires se trouvent dans leur plage de juste valeur, compte tenu du contexte économique actuel. Dans un contexte où les mesures de relance budgétaires sont empreintes de questions politiques aux États Unis et où la banque centrale américaine est maintenant sensible à la situation actuelle en matière d’inflation, nous ne prévoyons pas de répétition des événements du premier trimestre
Les données seront le moteur de l’évolution des marchés au cours des prochains mois. Comme la pandémie n’est pas encore terminée, les investisseurs peuvent s’attendre à une certaine volatilité à mesure que l’année avance. Lorsque ces périodes de turbulence se présentent, elles offrent des occasions attrayantes pour les gestionnaires actifs de fonds de titres à revenu fixe.
