En 2022, la Réserve fédérale (Fed) s’est lancée dans une lutte contre l’inflation la plus élevée qu’ont connue les États-Unis depuis une génération en augmentant rapidement les taux d’intérêt dans le but de ralentir l’économie. À l’approche de 2023, la récession est passée du statut de scénario possible à plus ou moins long terme à celui de scénario le plus probable. En outre, le changement potentiel de politique de la Réserve fédérale que de nombreux investisseurs souhaitent n’a que peu de chances de se produire.
Le consensus qui s’est dégagé est celui d’une récession en 2023, avec une probabilité de 62,5 % parmi les économistes sondés par Bloomberg. Nos avis sont fondés sur la lecture du tableau de bord sur les risques de récession de Clearbridge comprenant 12 indicateurs économiques. Ce tableau clignote en rouge, symbole de la récession, depuis quatre mois. Huit des douze indicateurs sous-jacents indiquent une récession, dont les facteurs précurseurs habituels comme la courbe des taux de rendement à 10 ans/3 mois, qui s’est inversée cet automne. Cette partie de la courbe des taux de rendement a correctement anticipé les huit dernières récessions, en donnant un avertissement en moyenne 11 mois à l’avance.
Illustration 1 : Tableau de bord du risque de récession de ClearBridge
Au 12 octobre 2022

Source : ClearBridge Investments.
Le cycle de contraction le plus important de la Réserve fédérale depuis les années 1980 a commencé à ralentir l’activité, et les pans de l’économie les plus sensibles aux taux d’intérêt, comme le logement, affichent les faiblesses les plus importantes. Cependant, la consommation — qui compte pour deux tiers du produit intérieur brut (PIB) — reste résiliente grâce aux solides augmentations salariales, à l’épargne accumulée et au sain degré d’endettement des consommateurs. L’outil GDPNow de la Réserve fédérale d’Atlanta, qui fait la synthèse des dernières publications économiques et les traduit en indicateur en temps réel du montant potentiel du PIB, présente actuellement une croissance du PIB au quatrième trimestre à 3,4 %, les dépenses de consommation comptant pour 2,5 % de cette valeur, ce qui est sain. Malgré les nuages qui se forment à l’horizon, la tempête n’a pas encore frappé.
Les importantes augmentations salariales découlant d’un marché du travail restreint sont l’un des facteurs stimulant la consommation. Bien que de nombreuses personnes estiment que la santé du marché du travail représente une armure en Kevlar protégeant l’économie, elle pourrait au bout du compte s’avérer être son talon d’Achille. Alors que l’inflation est toujours élevée, la Réserve fédérale estime que la faiblesse du marché de l’emploi représente un signe clé déterminant l’ampleur du resserrement de la politique monétaire. La demande excédentaire de travail continue de tirer les salaires vers des niveaux trop élevés sur la durée, bien au-dessus de ce qui serait cohérent pour un taux d’inflation de 2 %.
Bien que les licenciements, intervenus principalement dans le secteur des technologies, ont fait les manchettes au cours des derniers mois, l’industrie représente moins de 2 % de l’ensemble des emplois aux États-Unis. De plus, nombre de ces manchettes concernent de grosses entreprises de l’indice S&P 500, qui emploient ensemble moins de 20 % de la main-d’oeuvre, selon Jefferies. Cependant, les petites entreprises de moins de 250 salariés emploient une partie sensiblement plus importante des Américains et constituent le moteur de la demande de travail en étant actuellement à l’origine de 79 % des postes à pouvoir et de 90 % de l’augmentation suivant la pandémie. Pour le dire autrement, il est peu probable que les secteurs où se situe la faiblesse du marché du travail jusqu’à présent aient d’importantes répercussions sur la vitalité du marché du travail. Il faudrait des licenciements plus généralisés pour que cela provoque une récession. Les entreprises, et plus particulièrement les petites entreprises, pourraient hésiter à aller de l’avant en prenant de telles décisions compte tenu de la pénurie de main-d’oeuvre au cours des dernières années. Cependant, il nous semble que cette situation pourrait changer en 2023 en raison de l’érosion des marges.
Illustration 2 : La situation financière pourrait continuer à se resserrer

Sources : Goldman Sachs et Bloomberg. L’indice des conditions financières Goldman Sachs (GSFCI) représente une moyenne pondérée des taux d’intérêt sans risque, du taux de change, des évaluations des capitaux propres et des écarts de taux, le poids de chacune de ces variables correspondant à leur effet respectif sur le PIB. Les rendements passés ne sont pas nécessairement représentatifs ou garants des rendements futurs.
En rassemblant tous ces éléments, nous estimons qu’il est probable que la Réserve fédérale demeure agressive jusqu’à ce qu’elle aperçoive des signes forts de la faiblesse du marché du travail et du ralentissement des augmentations salariales. L’autre facteur qui pourrait amener la Réserve fédérale à attendre tient aux leçons retenues des années 1960 lorsque la banque centrale avait changé de politique trop rapidement au milieu d’un marché du travail restreint. Cela n’avait au bout du compte pas permis de juguler l’inflation qui s’est envolée dans les années 1970 et 1980. Il a fallu un rajustement plus douloureux. La situation a débouché sur une récession plus sévère, ce que la Réserve fédérale souhaiterait ne pas reproduire.
Bien que la banque centrale ait rapidement resserré sa politique en 2022, les conditions financières se sont modérément assouplies au cours des dernières semaines et se trouvent à la limite du terrain « restrictif ». Cela laisse entendre que de nouvelles hausses des taux pourraient être nécessaires pour freiner l’inflation. Il peut valoir la peine de souffrir un peu plus aujourd’hui afin d’éviter des dégâts encore plus considérables à l’avenir.
Une récession n’est toutefois pas un fait accompli. L’expérience historique plaide en faveur d’un atterrissage en douceur, aucune récession n’étant survenue depuis la Deuxième Guerre mondiale au cours de la troisième année d’un cycle présidentiel. Cela étant dit, les dernières années ont été riches en premières fois. Nous ne pouvons donc pas nous fier uniquement à l’histoire pour évaluer les perspectives d’atterrissage en douceur. À notre avis, le chemin vertueux le plus probable passe par ce que nous avons appelé l’« immaculé ralentissement » dans le cadre duquel le marché se relâche, mais un nombre limité de licenciements survient. Le nombre d’emplois à pourvoir dépasse encore de trois millions le niveau d’avant la pandémie (mais est de 1,5 million inférieur à celui du maximum), alors que le nombre total de personnes employées ne dépasse que d’un million le nombre d’avant la COVID-19. Cela indique qu’il existe une marge pour relâcher la demande de travail sans détruire beaucoup d’emplois, ce qui contribuerait à rétablir l’équilibre et ralentir les augmentations salariales. Il convient de noter que cela pourrait atténuer l’inflation, en particulier dans les industries des services où les salaires représentent une part plus importante des prix.
Le facteur le plus important pour parvenir à un atterrissage en douceur tient à une réduction conséquente de l’inflation qui permettrait à la Réserve fédérale de renoncer à ses mesures agressives. Il y a un an, la plus grosse partie de la hausse de l’inflation provenait des catégories de biens comme les automobiles d’occasion et les meubles, dont nous constatons maintenant la baisse du prix. Le problème tient aujourd’hui au niveau élevé et généralisé des prix dans les services, ce qui est préoccupant compte tenu de leur tendance à la rigidité.
Figure 3 : La Réserve fédérale peut-elle atteindre son objectif en matière d’inflation en 2023?
En date de novembre 2022

Sources : Bloomberg, Bureau des statistiques du travail. Rien ne garantit que les estimations, les prévisions ou les projections se confirmeront. Les rendements passés ne sont pas nécessairement représentatifs ou garants des rendements futurs.
La baisse de l’inflation en 2023 partira de niveaux élevés, et même si la variation mensuelle de l’indice de base des prix à la consommation (IPC) est de 0 % à l’avenir, nous ne verrons pas un taux d’inflation de 2 % sur une base annuelle avant presque la moitié de l’année. Toute incursion dans la zone des taux positifs ferait reculer la date d’autant. Il convient de noter que depuis 1960 (755 mois), seuls dix mois ont affiché un indice de base des prix à la consommation négatif. Relevons, que tous ces mois sauf un peuvent être associés à une période de récession, ce qui indique qu’il est peut probable que l’inflation recule jusqu’au niveau visé par la Réserve fédérale à court terme sans une récession.
Avec un retour improbable de l’inflation à 2 % en 2023 et la résilience avérée du marché du travail, nous estimons qu’il est probable que la Réserve fédérale continue de resserrer sa politique monétaire afin de ralentir l’économie et de freiner les augmentations de prix, ce qui finira par entraîner une récession. Il sera important de suivre la santé du marché du travail au cours de l’année à venir compte tenu de son rôle de baromètre principal de l’inflation pour la Réserve fédérale. Nous ferons également attention aux signes de tassement de la consommation hors des secteurs les plus sensibles aux taux d’intérêt en ce que cela indiquerait un ralentissement plus en profondeur.
Notes à la fin
- Source : Jefferies, “Weekly Economic & Bond Market Insight,” 4 novembre 2022.
- Bureau of Labor Statistics, ClearBridge Investments en date du 30 novembre 2022.
QUELS SONT LES RISQUES ?
Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Veuillez noter qu’un investisseur ne peut pas investir directement dans un indice. Les performances des indices non gérés ne tiennent pas compte des frais, dépenses ou droits d’entrée.
Les titres de capital sont sujets à des fluctuations de cours et peuvent occasionner une perte de capital. Les titres obligataires exposent leurs détenteurs aux risques de taux d’intérêt, de crédit, d’inflation et de réinvestissement, ainsi qu'à une possible perte de capital. Quand les taux d’intérêt augmentent, la valeur des titres obligataires diminue. Les investissements internationaux sont sujets à des risques spéciaux, dont les fluctuations des devises, ainsi que les incertitudes sociales, économiques et politiques qui peuvent en accentuer la volatilité. Ces risques sont amplifiés dans les marchés émergents. Les matières premières et les devises comportent des risques accrus qui incluent les conditions du marché, politiques, réglementaires et naturelles et peuvent ne pas convenir à tous les investisseurs.
Les bons du Trésor américain sont des titres de créance émis et garantis explicitement par le gouvernement américain. Le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les bons du Trésor américain lorsque les titres sont détenus jusqu'à l'échéance. À la différence des bons du Trésor américain, les titres de créance émis par les agences et intermédiaires fédéraux et les investissements connexes peuvent ou non être garantis par la garantie explicité du gouvernement américain. Même lorsque le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les titres, cette garantie ne s'applique pas aux pertes résultant de la baisse de la valeur de marché de ces titres.

