CONTRIBUTEURS

Sonal Desai, Ph.D.
Chief Investment Officer,
Portfolio Manager
Dès son entrée en fonction, la nouvelle administration américaine a déployé une multitude d'actions, de plans et d'idées, qui ont déclenché de très nombreuses réactions tant aux États-Unis qu’à l’étranger. Il en a résulté une pléthore d'informations à traiter et un « bruit » de marché important à analyser. Il est donc devenu particulièrement difficile d'évaluer l'équilibre des risques qui pèsent sur l'environnement macroéconomique. Faisons le point sur la situation actuelle.
Deux des premières priorités de l'administration pourraient provoquer des perturbations importantes, laissant craindre des répercussions négatives sur l'activité économique. La menace la plus évidente est celle des droits des douane. Ces surtaxes pourraient contraindre les entreprises à reporter leurs investissements et les obliger à réorganiser leurs chaînes d'approvisionnement ou à absorber des coûts de production plus élevés. La seconde menace est la réduction des dépenses publiques et des emplois fédéraux sous l'impulsion du nouveau Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE). Ces mesures font craindre une réduction des services publics ainsi qu'un impact négatif direct sur l'emploi.
Les dernières données ont fait état d’une dégradation de la situation. La baisse de la confiance des ménages enregistrée en janvier par l'Université du Michigan et le Conference Board est particulièrement préoccupante.
La confiance des ménages a diminué ces deux derniers mois
2012–2025
Indice, normalisé

Sources : TCB, Université du Michigan, Macrobond. Analyse de l’équipe de recherche de Franklin Templeton Fixed Income. Au 3 mars 2025.
Cette perte de confiance s'est accompagnée d’un ralentissement des dépenses de consommation, qui a engendré une révision à la baisse de la prévision de croissance par la Réserve fédérale d'Atlanta (Fed) pour le premier trimestre, bien que le facteur le plus pénalisant ait été, de loin, l’augmentation des importations. Les données décevantes de l'ISM du secteur manufacturier en février laissent également présager un début d'année plus atone.
Selon moi, le principal enjeu sous-jacent est celui de l'enchaînement des nouvelles politiques. Jusqu'à présent, l'essentiel des initiatives a concerné les droits de douane et les initiatives du DOGE. Les progrès ont été moins marqués en matière de déréglementation et de réductions d'impôts, qui sont pourtant deux enjeux essentiels pour stimuler la croissance économique et maîtriser l'inflation.
Par conséquent, pour le moment, les ménages et les entreprises font face à des incertitudes accrues (logiquement exacerbées par les médias), à des pressions sur les prix qui ne se dissipent guère puisque l'inflation reste élevée, et à l’absence de bonne nouvelle sur le plan fiscal.
Gardons toutefois à l’esprit que l'administration est en place depuis à peine plus d'un mois. Compte tenu de la priorité accordée à la réduction des coûts et aux licenciements dans les agences gouvernementales, la mise en œuvre simultanée des mesures de déréglementation devient plus difficile. En effet, ces initiatives déstabilisent les agences censées réformer les cadres réglementaires dans leurs domaines respectifs. Le retard pris en matière de déréglementation est décevant, mais nous n'avons pas encore de raison de douter des velléités de l'administration en la matière. Le président Trump a souvent indiqué que l'allègement du fardeau réglementaire était une priorité, ce que confirme le bilan de son premier mandat. En outre, les méthodes radicales du DOGE pour alléger la bureaucratie et optimiser son fonctionnement laissent présager une attitude similaire en matière de réglementation.
Dans le même temps, la Chambre des représentants et le Sénat ont récemment adopté deux projets de loi budgétaire prévoyant des baisses d'impôts substantielles et des réductions de dépenses planifiées. Les progrès sur cette question seront plus difficiles et nécessiteront plus de temps. Le Congrès et le gouvernement doivent concilier les objectifs ambitieux de réduction des impôts avec la nécessité de ramener le déficit budgétaire à un niveau plus gérable que la moyenne de 6-7 % du produit intérieur brut enregistrée ces dernières années. La diminution des budgets des programmes de sécurité sociale et d’assurance-maladie (Medicare) semblant exclue, il sera difficile d’abaisser véritablement les dépenses. Trouver un accord sur un nouveau cadre budgétaire imposera donc d’importantes négociations.
Néanmoins, l’aide du ministère de l’efficacité gouvernementale (DOGE), qui identifie de plus en plus des dépenses publiques dont l’intérêt semble douteux, devrait se révéler précieuse. Cela n'est guère surprenant. L'année dernière, le Government Accountability Office a estimé à environ 240 milliards de dollars américains les paiements indus sur l’exercice fiscal 2023, et à 2 700 milliards de dollars américains leur montant cumulé sur les dix dernières années. (Les paiements irréguliers correspondent à des trop-perçus, à des paiements effectués à des personnes ou entités non éligibles et, dans certains cas, à des opérations frauduleuses). Des économies importantes peuvent clairement être réalisées. Cependant, les mesures prises jusqu'à présent ne m’ont pas fait changer d’avis : il sera difficile de remettre la politique budgétaire américaine sur de bons rails sur le long terme sans réduire les prestations sociales. Le DOGE peut résorber le déficit budgétaire et contribuer à une accélération de la croissance en rationnalisant le secteur public, mais il ne résoudra pas l’équation budgétaire à long terme, qui demeure un enjeu politique crucial auquel le président et le Congrès doivent s'attaquer.
Dans l'ensemble, la nouvelle administration américaine continue à réformer les politiques du pays afin de stimuler la croissance économique. Les incertitudes qui accompagnent ces politiques présentent néanmoins des risques et nous devons surveiller attentivement les indicateurs de confiance et d'activité. J'ai déjà mentionné la baisse récente de la confiance des ménages, qui suscite quelques inquiétudes. A l’inverse, le Conference Board a enregistré une forte augmentation de la confiance des chefs d’entreprises, ce qui constitue un signe d’optimisme manifeste à l’égard des perspectives économiques. Et si la consommation personnelle a ralenti en janvier, une décélération similaire avait été observée en janvier 2024 et avait été suivie d'une hausse solide durant toute l’année. L’activité économique reste globalement résiliente et le marché du travail est toujours en très bonne santé. Les inquiétudes concernant l'impact potentiellement négatif des droits de douane sur la croissance sont raisonnables mais ne doivent pas être exagérées : Comme je l'ai écrit dans un article précédent, l’économie américaine étant vaste et assez peu ouverte, le commerce a un effet modeste sur la croissance. Selon moi, nous devons être vigilants mais verser dans le pessimisme serait une approche très prématurée. Je pense toujours que l'économie américaine va enregistrer une croissance supérieure à son potentiel cette année.
Je m'attends également à une persistance des pressions inflationnistes, avec une inflation globale qui devrait terminer l'année proche de ses niveaux actuels. Et comme la Fed a déjà fait preuve de prudence en précisant que les droits de douane étaient potentiellement inflationnistes, je continue à penser que le cycle d'assouplissement en cours est proche d’être terminé ou presque, même si les marchés anticipent depuis peu deux baisses de taux supplémentaires au lieu d'une seule.
Un ralentissement de l'activité économique pourrait légèrement atténuer les pressions haussières sur les rendements obligataires, mais dans des proportions minimes, a fortiori si la politique budgétaire reste aussi accommodante qu'actuellement. Je table toujours sur un rendement des bons du Trésor américain à 10 ans entre 4,75 % et 5 % d'ici la fin de l'année, mais l'absence de progrès en matière de déréglementation pourrait le maintenir proche de l'extrémité inférieure de ma fourchette d’évaluation, qui est assez étroite. À l'inverse, une nouvelle augmentation marquée du déficit budgétaire pourrait le propulser au-delà du seuil de 5 %.
Le bruit de marché et la volatilité devraient par ailleurs rester élevés. Dans les semaines à venir, il faudra surveiller de près les progrès de la réforme fiscale et de la déréglementation, et leur impact potentiellement positif sur la confiance, puisque ce sont des conditions indispensables à la vigueur et à la durabilité des perspectives de croissance.
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