CONTRIBUTEURS
Kazuto Doi, PhD
Hiroyuki Kimura
Le principal message que le marché a retenu du discours du sous-gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), Shinichi Uchida, prononcé à Nara le 8 février 2024, est que la suppression des taux d'intérêt négatifs est pratiquement acquise et que la BoJ se montre prudente sur la question du relèvement des taux directeurs, même après la fin des taux négatifs. En d'autres termes, il semblerait que la BoJ soit plus conciliante que prévu par le marché. Néanmoins, le discours de M. Uchida ne se contente pas de manifester de l'optimisme ; il contient beaucoup d'éléments à prendre en compte concernant les implications pour les tendances futures du marché.
En particulier, la partie du discours intitulée « IV. Un tournant pour l'économie japonaise », a mis l'accent sur les points suivants : 1) l'enjeu central pour l'économie japonaise est le « renforcement du potentiel de croissance », 2) la « politique monétaire ultra-libre » créera une véritable « économie de pénurie de main-d'œuvre » où il sera impossible de garder la main-d'œuvre sans augmenter les salaires, ce qui entraînera une « réforme » et un « métabolisme » fondés sur la « perspective du personnel », 3) une telle mesure permettra de « renforcer le potentiel de croissance » de l'économie japonaise, et 4) bien qu'une telle mesure augmente le nombre de faillites des sociétés ne répondant pas aux besoins des travailleurs, il est peu probable que le nombre de chômeurs augmente fortement dans le cadre d'une « économie de pénurie de main-d'œuvre », ce qui permettra de limiter le coût des réformes structurelles.
En outre, il a été souligné que la transition de l'« économie de pénurie de main-d'œuvre » susmentionnée à la « transformation » et au « métabolisme » n'a pas progressé pour trois raisons. Premièrement, la croissance potentielle et l'inflation attendue étaient toutes deux très faibles dans un contexte de stagnation de l'économie japonaise et de déflation depuis 1998. Par conséquent, des efforts considérables ont été nécessaires pour surmonter le « seuil de zéro pour cent » et ressentir les effets de l'assouplissement de la politique monétaire face à un taux d'intérêt naturel extrêmement bas. Deuxièmement, la transition vers une « économie de pénurie de main-d'œuvre » a pris du temps en raison d'une concurrence excessive, d'une faiblesse chronique de la demande, d'une demande de main-d'œuvre atone et des inquiétudes concernant l'emploi, ainsi que de l'existence de divers filets de sécurité. Enfin, une pratique (et une norme) sociale profondément ancrée voulait que les salaires et les prix n'augmentent pas.
Si l'on considère que les questions structurelles telles que le « renforcement du potentiel de croissance » ne relèvent pas de la politique monétaire et devraient être traitées dans le cadre de la politique économique, nous constatons un chevauchement douloureux entre la logique de M. Uchida, qui tente d'établir un lien entre politique monétaire et « renforcement du potentiel de croissance », et l'approche de la BoJ, qui s'est battue seule pendant des décennies en dépit de l'inaction du gouvernement.
Selon Uchida, la poursuite de l'assouplissement monétaire (c'est-à-dire le maintien des taux d'intérêt en dessous du taux d'intérêt naturel), même après la levée de la politique de taux d'intérêt négatifs, favoriserait une économie de pénurie de main-d'œuvre, encourageant les réformes structurelles qui, à leur tour, se traduiraient par un potentiel de croissance accru et instaureraient un cycle vertueux entre les prix et les salaires. Ainsi, l'inflation et l'économie devraient toutes deux s'accélérer, car le degré d'assouplissement monétaire augmente à mesure que le taux d'intérêt naturel s'accroît et que la croissance se renforce. Même si les taux d'intérêt à court terme demeuraient bas, des pressions à la hausse s'exerceraient sur les taux d'intérêt à long et très long terme. Le yen devrait également augmenter. Nous ne savons évidemment pas combien de temps durera ce processus, mais la tendance est à la hausse, tant pour les taux d'intérêt à long terme que pour le yen. En d'autres termes, la poursuite de politiques monétaires de taux d'intérêt nuls après la fin des taux d'intérêt négatifs, comme indiqué dans le discours de M. Uchida, ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'une politique accommodante.
Cependant, il semble y avoir un décalage entre la logique de M. Uchida et la situation actuelle, à savoir deux trimestres consécutifs de croissance négative du produit intérieur brut (PIB) réel au Japon et la dépréciation inexorable du yen. Une première hypothèse est que la capacité d'offre de l'économie japonaise est plus faible que prévu. Dans ce cas, le taux d'intérêt naturel actuel pourrait être beaucoup plus faible, et le degré d'assouplissement monétaire pourrait être très bas. Par exemple, si le taux d'intérêt naturel est de -1 % et le taux d'inflation attendu de +1 %, le degré d'assouplissement monétaire après la fin des taux d'intérêt négatifs serait presque nul. Le taux naturel de -1 % se situe également dans la fourchette des estimations actuelles des spécialistes, et le taux d'inflation attendu de +1 % est conforme au niveau de l'inflation attendue à long terme qui est pris en compte dans la courbe des points morts des obligations indexées sur l'inflation. En fait, il nous est difficile d'exclure la possibilité que cette hypothèse soit valable. Ainsi, les taux d'intérêt à long terme et le yen devraient rester à peu près à leur niveau actuel et l'assouplissement monétaire devrait être renforcé. Si tel n'est pas le cas, nous pourrions retomber dans un schéma de stagnation économique et de déflation après 25 ans de lutte solitaire. n définitive, la question est de savoir si le degré actuel d'assouplissement monétaire est réellement suffisant.
Si cette inquiétude n'est pas fondée, c'est-à-dire si le scénario suit la logique de M. Uchida, les taux d'intérêt à long terme devraient se rapprocher d'un niveau supérieur à 1 %. Comme l'a souligné M. Uchida dans son discours, les taux d'intérêt sont en fin de compte déterminés par les fondamentaux macroéconomiques tels que l'économie et les prix, et non par la politique de la BoJ.
Néanmoins, le taux d'intérêt naturel et le taux d'inflation attendu sont deux concepts difficiles à appréhender. C'est précisément pour cette raison qu'il est important de restaurer la fonction de marché de la courbe des taux, et notamment de préserver le rôle de « canari dans la mine de charbon » des taux d'intérêt à long terme, afin d'estimer avec précision le degré d'assouplissement de la politique monétaire nécessaire en ces temps difficiles.
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