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Si chaque année est riche en événements et intéressante en soi, il nous semble que 2023 présente un intérêt particulier pour les investisseurs en actions, surtout pour ceux d’entre nous qui se concentrent sur les valeurs de petite capitalisation. Les développements géopolitiques majeurs n’ont pas manqué. Pour certains, dont la guerre en Ukraine, rien n’indique qu’ils doivent prendre fin ou s’apaiser ; pour d’autres, comme l’attaque terroriste contre Israël et les bombardements qui ont suivi à Gaza, il s’agit d’événements nouveaux, tout comme les effondrements très médiatisés des banques Silicon Valley, Signature et First Republic. La contagion a toutefois été endiguée et les autres nouvelles économiques ont été beaucoup plus favorables, du moins aux États-Unis. L’année a commencé avec une inflation demeurant obstinément élevée, au point que la Réserve fédérale (Fed) a poursuivi ses hausses de taux et s’est engagée à continuer sur cette voie jusqu’à ce que l’augmentation des prix ralentisse. Cet engagement a engendré une étrange forme de dissonance cognitive, chaque déclaration publique d’un responsable de la Fed assurant qu’il adhérait à l’objectif de 2 % d’inflation de la banque centrale étant presque immédiatement suivie d’un commentaire d’un spécialiste de la finance ou de l’investissement soulignant que ce chiffre se situait en réalité entre 3 et 4 %.

C’était compréhensible jusqu’à un certain point. De nombreux observateurs ont fait valoir que le ralentissement de l’inflation (après un pic en juin 2022) et la résilience de l’économie américaine étaient autant d’éléments qui auraient dû inciter la Fed à crier victoire et à ne pas toucher à ses taux, voire à les réduire. De nombreux investisseurs ont partagé ce point de vue, tout en espérant certainement qu’aucune nouvelle série de hausses de taux ne vienne compromettre les rendements boursiers positifs du premier semestre 2023. Certes, certains craignaient qu’une hausse prolongée suffise à asphyxier l’amorce de reprise boursière. C’est une inquiétude que nous avons partagée dans une certaine mesure. Après tout, l’année 2022 a connu les cycles de hausse des taux les plus agressifs de l’histoire de la Fed. Et elle n’a pas seulement été fâcheuse pour les marchés financiers, elle a aussi été historiquement terrible : la troisième pire année calendaire pour les indices Russell 2000 (petites capitalisations) et Russell 1000 (grandes capitalisations) depuis leur création commune fin 1978, chacun affichant son rendement le plus bas depuis 2008. Il s’agit de la septième pire année pour l’indice S&P 500 depuis sa création en 1928, et pour l’indice Bloomberg Barclays US Aggregate Bond depuis qu’il a vu le jour en 1976. Comme nous l’écrivions il y a un an, 2022 n’a offert ni échappatoire ni planche de salut.

Dans ce contexte, la crainte d’une seconde année baissière consécutive pour les actions qui a périodiquement hanté les marchés boursiers américains à diverses reprises l’an dernier semblait presque logique, frappant les actions à petite et grande capitalisation à différents moments, et avec une intensité fluctuante, tout au long de l’année. Cependant, fin décembre, ces inquiétudes s’étaient en grande partie dissipées. La Fed étant restée fidèle à sa conduite en matière de taux d’intérêt, le fait que ceux-ci restent plus élevés pendant plus longtemps n’a pas empêché les rendements de s’améliorer. La croissance économique, l’optimisme naissant vis-à-vis d’un atterrissage en douceur de l’inflation et la confiance dans la fin du cycle de hausse des taux se sont combinés pour faire grimper les cours des actions, au même titre que l’optimisme concernant les réductions de taux en 2024. Malgré ces développements, l’élément le plus intéressant et, en fin de compte, le plus significatif de 2023 est peut-être ce qui ne s’est pas produit. La récession la plus régulièrement annoncée et attendue, que l’on disait imminente depuis 2021, est à nouveau restée manquante à l’appel en 2023. Son absence nous a fait penser au « bizarre incident du chien pendant la nuit », anecdote tirée de la célèbre nouvelle de Sherlock Holmes « Flamme d’Argent ». Le légendaire détective résout l’affaire en soulignant qu’il est étrange que le chien qui garde l’enclos où se trouve Flamme d’Argent, le pur-sang éponyme, n’ait pas aboyé lorsque celui-ci a été volé. Depuis lors, cette expression s’applique aux situations dans lesquelles ce qui n’advient pas importe tout autant, si ce n’est plus, que ce qui se produit. C’est à peu près la description la plus pertinente que l’on puisse donner de l’année 2023.

L’état des petites capitalisations

Mesurées à l’aune du Russell 2000, les actions de petite capitalisation se sont plutôt bien comportées en 2023 avec une progression de 16,9 %. Cependant, la majeure partie de ce gain est survenue au cours d’un rebond vigoureux qui s’est produit à partir du creux de 2023, le 31 octobre, et a duré jusqu’à la fin de l’année. Ainsi, bien que les petites capitalisations aient entamé l’année avec des rendements élevés, elles ont accusé une tendance à la baisse dès le début du mois de février et jusqu’à Halloween. En définitive, le rendement du Russell 2000 n’a été positif que pendant cinq mois en 2023 : janvier, juin, juillet, novembre et décembre, ces deux derniers se combinant pour afficher une hausse impressionnante de 22,4 %. Grâce à cette clôture exceptionnelle, l’indice des petites capitalisations a échappé à un marché baissier à la fin de 2023, bien qu’il soit resté en deçà (-14,3 %) de son dernier sommet du 8 novembre 2021, tandis que les grandes capitalisations continuaient à aligner de nouveaux records au mois de décembre et en janvier 2024. En outre, au 31 décembre 2023, l’action moyenne de l’indice des petites capitalisations se situait à -25,1 % de son plus haut niveau sur 52 semaines. Dans ce contexte, il n’est pas excessivement surprenant que l’excellent sprint final des petites capitalisations n’ait pas permis à leur rendement sur l’année calendaire de dépasser celui des grandes capitalisations. L’indice Russell 1000 a gagné 26,5 % en 2023, tout en battant les petites capitalisations sur les périodes de 3, 5 et 10 ans se clôturant le 31/12/23. En fait, les grandes capitalisations ont surperformé les petites au cours de sept des dix dernières années calendaires.

Les petites capitalisations à la traîne depuis le dernier sommet de l’indice Russell 2000

Rendements cumulés Russell 2000 et Russell 1000
8 novembre 2021 - 31 décembre 2023

Source : Russell Investments. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs.

Cet épisode apparemment chronique de sous-performance a fait du cycle actuel une période profondément frustrante pour les investisseurs en petites capitalisations. Fin janvier 2024, 594 jours s’étaient écoulés depuis le plus bas du cycle actuel pour le Russell 2000, soit la deuxième plus longue période sans revenir à son pic précédent jamais enregistrée. Les deux autres cycles de longue durée pour les petites capitalisations ont été marqués par des évolutions spectaculaires : l’implosion des valeurs technologiques en 2000-2002, lorsqu’il a fallu 456 jours au Russell 2000 pour renouer avec son précédent record, et la crise financière de 2008-2009, lorsque 704 jours se sont écoulés avant que les petites capitalisations ne se remettent du creux atteint au cours de cette hécatombe financière mondiale. Ainsi, bien que le cycle actuel des petites capitalisations se soit déployé dans un climat d’incertitude assorti d’un rythme record de hausse des taux d’intérêt, il n’a pas connu les menaces existentielles qui ont caractérisé la bulle Internet et a fortiori la crise financière. Au cours de cette dernière période, la bifurcation entre les rendements des petites et des grandes capitalisations a également été moins marquée. La question clé est donc de savoir quand ce cycle se terminera et marquera potentiellement le début d’un épisode de surperformance des petites capitalisations. Nous y reviendrons plus bas.

Au sein des petites capitalisations, les indices « valeur » et « croissance » ont tous deux terminé l’année en beauté, la balance du quatrième trimestre 2023 penchant nettement en faveur de l’indice « valeur » qui a progressé de 15,3 % contre 12,7 % pour l’indice « croissance » dans le Russell 2000. Il est relativement rare que les petites capitalisations de valeur battent leurs homologues de croissance au cours d’un trimestre positif, en particulier lorsque l’on parle de gains à deux chiffres. Cela n’est arrivé que pour 42 des 119 trimestres positifs, soit 35 % du temps depuis que l’indice Russell 2000 a vu le jour, le 31 décembre 1978. Le Russell 2000 Value a lui aussi progressé depuis le précédent sommet atteint par les petites capitalisations le 31 juillet 2023, en hausse de 4,0 % contre -0,2 % jusqu’à la fin du mois de décembre. Pour l’ensemble de l’année 2023, cependant, c’est la croissance qui a prévalu avec un gain de 18,7 % contre 14,6 %. Il est intéressant de souligner que les résultats de 2023 ont contribué à un certain schéma en dents de scie des performances relatives. Le Russell 2000 Value a pris l’avantage sur les périodes de 3 ans (au cours desquelles le Russell 2000 Growth a perdu -3,5 %) et de 5 ans, tandis que la croissance des petites capitalisations, outre son avantage sur 1 an, a également surperformé sur la période de 10 ans qui s’est terminée le 31 décembre 2023.

Qu’en est-il des valorisations ?

En examinant les tendances de performance à long terme, nous constatons que les petites capitalisations ont longtemps bénéficié d’un avantage sur les grandes, tout comme les petites capitalisations de valeur l’ont fait par rapport aux petites capitalisations de croissance. Chacune de ces dynamiques a commencé à changer au lendemain de la crise financière, à partir de 2011. Au cours de huit des treize dernières années, les rendements du Russell 1000 et du Russell 2000 Growth ont été supérieurs à ceux du Russell 2000 et du Russell 2000 Value. Pourtant, auparavant, l’avantage à long terme revenait au Russell 2000 et au Russell 2000 Value. À la lumière de cette prédominance des grandes capitalisations, et plus récemment des mégacapitalisations, il semble que de nombreux investisseurs aient oublié à quel point le contexte de ces 13 dernières années a été atypique jusqu’à tout récemment, avec une croissance économique anémique et des taux d’intérêt historiquement bas.

Maintenant que le PIB et les taux d’intérêt reviennent à des niveaux plus conformes à leur historique, nous nous attendons à ce que le retour à la moyenne à long terme soit significatif pour la suite. À cet égard, les cycles de surperformance des grandes capitalisations ont historiquement atteint leur apogée lorsqu’un groupe relativement restreint de géants de la bourse se taillaient la part du lion en termes de performance, comme ce fut le cas pour les indices S&P 500 et Nasdaq Composite en 1973 et en mars 2000.

Les cycles des grandes capitalisations atteignent leur sommet sur des marchés record encombrés de mégacapitalisations

Pondération des 5 premières actions du S&P 500 par rapport à la performance relative des petites capitalisations
29 septembre 1972 - 31 décembre 2023

Source : Furey Research Partners. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs.

Nous voyons donc un à-côté positif aux récents problèmes de performance relative des valeurs de petite capitalisation par rapport à leurs homologues de plus grande taille. Fin 2023, le Russell 2000 affichait une valorisation bien plus attrayante que son homologue à grande capitalisation. Si l’on utilise notre mesure préférée de valorisation de l’indice, à savoir la valeur de l’entreprise par rapport au bénéfice avant intérêts et impôts (VE/EBIT), le Russell 2000 a terminé l’année 2023 non loin de son niveau le plus bas depuis 25 ans par rapport au Russell 1000.

Les valorisations relatives des petites capitalisations par rapport aux grandes capitalisations sont proches de leur plus bas depuis 25 ans

Ratio VE/EBIT des indices Russell 2000 et Russell 1000* (par exemple les entreprises présentant un EBIT négatif)
Du 31 décembre 1998 au 31 décembre 2023

Source : Russell Investments.*Avant intérêts et impôts Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs.

De même, les petites capitalisations « valeur » ont continué à se vendre à une valorisation inférieure à la moyenne par rapport aux petites capitalisations « croissance » à la fin de l’année, comme le montre l’indicateur VE/EBIT. Les valorisations des microcapitalisations restent également très attrayantes par rapport à celles des grandes capitalisations sur la base du VE/EBIT. En tant que spécialistes des petites capitalisations, nous considérons que la combinaison de valorisations plus attrayantes et d’inversions des schémas de performance à long terme révèle le potentiel de performance significatif des petites capitalisations, des petites capitalisations « value » et des microcapitalisations, en particulier lorsqu’on les compare à leurs homologues de grande et de mégacapitalisation.

Opportunités dans les petites capitalisations

Certes, avec la décision de la Fed du 31 janvier 2024 de laisser les taux d’intérêt inchangés pour la troisième fois consécutive, le contexte de normalisation des taux d’intérêt, de ralentissement de l’inflation et d’une économie américaine en croissance et résiliente semble propice à une bonne performance des actions. Il nous semble également que la longue période de performance relative des petites capitalisations est arrivée à son terme. Notre raisonnement repose sur le principe selon lequel, à mesure que la stabilisation de l’économie se poursuit, les valorisations sont susceptibles d’augmenter pour les entreprises qui sont restées largement à l’écart du régime de performance des mégacapitalisations. Une telle évolution semble plus susceptible de profiter aux entreprises à petite capitalisation qu’aux plus grandes. En outre, les premières estimations du produit intérieur brut (PIB) réel pour le premier trimestre 2024 sont très favorables, et la poursuite de la croissance du PIB rapproche l’économie américaine de l’« atterrissage en douceur » souhaité par la Fed.

Bien entendu, nous sommes des sélectionneurs d’actions « bottom-up » et des gestionnaires de portefeuille, pas des économistes, et nous évitons de faire des prédictions. Mais nous comprenons également que le retour à la moyenne à long terme vers la prédominance des petites capitalisations nécessite un catalyseur. Malgré toutes ces évolutions encourageantes, l’économie américaine se trouve actuellement dans une situation quelque peu contradictoire opposant d’une part des dépenses de consommation élevées et de l’autre un ralentissement de l’activité manufacturière et industrielle. Pourtant, en 2024, l’économie américaine bénéficiera de retombées plus tangibles grâce au reshoring, à la loi CHIPS et à plusieurs projets d’infrastructure. Plus proche de notre zone d’expertise, la croissance des bénéfices des entreprises à petite capitalisation devrait actuellement surpasser celle de leurs consœurs de plus grande taille en 2024.

La croissance estimée des bénéfices des petites capitalisations devrait surpasser celle des grandes capitalisations en 2024

Croissance du BPA sur un an, au 31 décembre 2023

Source : Russell Investments. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs.

L’une des conséquences essentielles de la normalisation des taux d’intérêt est que l’accès au capital a désormais un coût réel, ce qui devrait profiter aux entreprises à faible capitalisation et fiscalement prudentes, ainsi qu’aux gestionnaires d’actifs qui les détiennent. L’endettement a commencé à peser plus lourd sur le bilan lorsque la Fed s’est mise à relever ses taux en mars 2022, ce qui signifie que les entreprises peu endettées, capables de générer des flux de trésorerie disponibles et ayant démontré leur capacité à allouer leurs fonds propres avec prudence et efficacité devraient bénéficier d’un certain nombre d’avantages. Les rendements devraient donc être plus largement répartis au cours des prochaines années, le règne des Sept Magnifiques (la cohorte de mégacapitalisations que sont Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla) touchant probablement à sa fin et, avec lui, la longue période de sous-performance des petites capitalisations. Il est clair que les petites capitalisations à prix attractif, de haute qualité et/ou en croissance, qui ont largement échappé au régime de performance des mégacapitalisations, pourraient être les grandes bénéficiaires de cette évolution. Cela représente à nos yeux une excellente opportunité pour les gestionnaires actifs qui cherchent à identifier les petites entreprises les mieux positionnées pour un succès à long terme. Notre perspective est donc constructive. Bien entendu, nous accordons toujours la plus grande importance aux propos des équipes de direction, dont la plupart restent prudemment optimistes pour 2024. Nous attendons donc avec impatience ce qui devrait être un cycle favorable aux actions de petite capitalisation et à la gestion active. Nous sommes plus optimistes quant aux perspectives à long terme des petites capitalisations que nous ne l’avons été depuis plusieurs années.



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