Aller au contenu

Sommes-nous en train de revoir la composition de notre portefeuille?

À l’heure où nous écrivons des lignes (en date du 5 août 2024), l’indice S&P 500 a perdu plus de 8 % de sa valeur depuis le 16 juillet, et le repli est particulièrement marqué depuis le 1er août 2024.1 Nous surveillons bien sûr la situation de près et croyons à l’importance de faire preuve d’agilité (et d’humilité), mais nous n’en conservons pas moins une répartition neutre entre actions et titres à revenu fixe.

Le marché boursier américain a atteint de nouveaux records cette année. Quelle était la situation avant le repli des derniers jours?

C’est l’engouement pour les actions liées à l’intelligence artificielle (IA) qui a présidé à la reprise boursière de la première moitié de l’année. Cette concentration extrême des rendements n’avait rien de très sain : les données fondamentales des entreprises restaient certes favorables, mais la situation était inégale d’un secteur à l’autre. On ne peut pas s’étonner, dans ces conditions, que les investisseurs aient recommencé à s’intéresser aux actifs qui n’avaient pas autant participé à la reprise. Le mouvement a été particulièrement marqué sur le segment des petites sociétés en juillet, puisque ce sont celles qui devraient profiter de la baisse des taux d’intérêt.

Que pensez-vous de la situation actuelle du marché et d’où vient cette volatilité?

Ce sont notamment les chiffres sur le marché de l’emploi américain publiés le vendredi 2 août qui sont à l’origine de la correction marquée du marché boursier. La baisse de ces données fait suite à une multitude de signes de ralentissement de la conjoncture macroéconomique. Nos prévisions à l’égard de l’économie mondiale n’ont toutefois pas fondamentalement changé.

Le 5 août 2024, le marché boursier japonais, mesuré par l’indice Nikkei 225, a chuté de plus de 12 %; il s’agissait de sa plus forte séance de baisse depuis 1987. Le vendredi 2 août, il avait déjà reculé de 5,8 %, si bien, qu’à l’issue de ces deux journées, il avait enregistré la plus forte chute sur deux séances de son histoire.2 Notre analyse montre une hausse extrême de la volatilité tant historique qu’implicite du prix des options. L’indice VIX a brièvement dépassé les 65 %3, ce qui nous paraît symptomatique d’un moment de crise actuellement plus prononcé sur les marchés que dans l’économie réelle. Ce genre de situation est particulièrement difficile à interpréter et est souvent un signe de capitulation d’investisseurs endettés, comme les fonds de couverture.

Il est donc essentiel de faire la distinction entre la situation économique et les réactions des marchés boursiers. La croissance de l’économie américaine est certes en baisse, mais elle est a priori proche de ses niveaux tendanciels. Même si la hausse du taux de chômage s’apparente à celle observée au début de certaines récessions, la situation actuelle du marché de l’emploi ne nous paraît pas si mauvaise. De nombreux indicateurs ont tout simplement reperdu le terrain gagné à la suite de la COVID et renoué avec des niveaux plus proches de ceux de l’avant-pandémie. Ils restent à notre avis globalement solides, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas les garder à l’œil.

L’évolution des marchés financiers et la diminution de la richesse nette accumulée risquent toutefois de se traduire par une perte de confiance. Le risque de récession aux États-Unis ne nous semble pas particulièrement élevé pour la prochaine année, mais il a probablement légèrement augmenté ces dernières semaines.

Nous venons d’évoquer le décalage entre l’économie et les marchés boursiers. Parlons d’abord de l’économie. Quels sont les indicateurs que vous suivez et quels sont les risques de récession aux États-Unis?

Nous suivons un groupe important d’indicateurs économiques avancés et nous nous intéressons essentiellement à leurs changements d’orientation, à leur niveau et à leur taux de variation. Ces indicateurs avancés mondiaux sont en perte de vitesse et leur taux de variation ralentit, mais ils témoignent toujours d’une croissance raisonnable. Toutefois, lorsqu’on intègre les risques, le tableau est plus nuancé : la croissance est positive, mais en baisse.

Sur le marché de l’emploi, dont l’évolution est en partie à l’origine du repli actuel, nous surveillons non seulement la croissance des emplois non agricoles, mais également de nombreux indicateurs comme les heures travaillées et les demandes de prestations d’assurance-chômage. Ces indicateurs sont certes en baisse, mais ils restent proches de leurs niveaux d’avant la COVID.

Les données fondamentales des entreprises peuvent à notre avis constituer un bon indicateur avancé du marché de l’emploi. Nous suivons donc de près le nombre d’entreprises affichant des bénéfices en hausse. Fait à noter, la plupart des employés américains ne travaillent pas pour les principales sociétés cotées (par la capitalisation boursière). Les « sept géants »4, qui génèrent plus de 50 % des bénéfices et 70 % des rendements depuis janvier 20225, n’emploient par exemple qu’un petit pourcentage de la main-d’œuvre américaine. Dans la mesure où la croissance économique reste proche de ses niveaux tendanciels et maintenant que les taux d’intérêt commencent à baisser, le nombre de sociétés affichant des bénéfices en hausse devrait augmenter.

Enfin, les chiffres de l’inflation aux États-Unis sont extrêmement encourageants depuis deux mois; des hausses-surprises de l’inflation auraient pour effet de modifier le contexte macroéconomique. Nous anticipons toujours une normalisation de l’inflation, mais nous savons que la trajectoire peut être sinueuse. Une hausse-surprise de l’inflation tomberait on ne peut plus mal.

L’ampleur des replis boursiers peut donner une idée des probabilités de récession. En date du 5 août 2024, nous évaluons, au vu de l’évolution des marchés boursiers, que le risque de récession est d’environ 25 % à 30 %6, ce qui coïncide avec notre thèse : le risque de récession a augmenté, mais il reste relativement faible. 

Parlons maintenant des marchés. Sur quels indicateurs vous appuyez-vous face au repli boursier?

Un certain nombre d’indicateurs montrent que nous sommes en situation de « survente ». L’indice VIX7 a par exemple brièvement dépassé les 60 % et la courbe de volatilité prospective traduit une perspective de diminution des niveaux de volatilité.8 L’indice de force relative de la plupart des indices boursiers est inférieur à 30, ce qui est habituellement un signe de survente.

Doit-on en conclure que le moment est venu d’acheter? Pas nécessairement. Certains indicateurs à long terme montrent que les valorisations et la pondération des actions restent élevées. La prime de risque des actions aux États-Unis est par exemple largement inférieure aux moyennes à long terme9 et les actions représentent toujours un pourcentage élevé des actifs financiers des ménages.10

Que nous faudrait-il pour être plus optimistes? Il faudrait que le marché reprenne de l’ampleur et de la vitesse; ce sont les principaux éléments que nous recherchons pour reprendre des positions acheteur. Nous suivons par exemple les indicateurs avance/recul d’ampleur et de volume, ainsi que la proportion d’actions qui dépassent certaines moyennes mobiles.

Quels sont à votre avis les secteurs ou pays les plus à risque de repli, et pourquoi?

Les secteurs qui avaient présidé à la reprise du début de l’année ont déjà perdu du terrain, mais ils pourraient encore reculer. Les actions américaines de croissance à grande capitalisation avaient notamment devancé les titres de valeur de plus de 56 points de pourcentage entre le début de 2023 et leur sommet du mois de juillet.11 Elles se sont certes inscrites en baisse marquée depuis, mais elles ont reperdu moins du tiers du terrain qu’elles avaient gagné et elles dominent toujours en cumul annuel. Certes, leurs bénéfices sont en forte hausse, mais les attentes étaient élevées et les bonnes nouvelles sont pour la plupart intégrées aux cours (et les valorisations restent à notre avis élevées). 

Quelles sont les catégories d’actif ou les stratégies de placement qui vous semblent les plus aptes à résister aux risques de récession?

Les taux des obligations d’État ont baissé ces dernières semaines et les cours des obligations de grande qualité ont beaucoup augmenté. Les marchés des titres à revenu fixe traduisent un retour à une inflation moins dommageable et aux baisses de taux. C’était déjà vrai avant même la hausse des cours des derniers jours, si bien que ces valeurs refuges sont elles-mêmes peut-être surévaluées à l’heure actuelle. Néanmoins, si la situation chaotique qui règne actuellement sur les marchés devait persister, les obligations seraient probablement l’une des rares catégories d’actifs à pouvoir résister.

En quoi les tensions géopolitiques et les conflits commerciaux contribuent-ils à votre avis aux préoccupations boursières actuelles?

Fait intéressant, la volatilité des marchés semble prendre le pas sur la réaction normale aux risques géopolitiques. Le cas du pétrole est à cet égard très parlant. On aurait pu s’attendre à ce que les événements du Moyen-Orient entraînent une hausse des prix; le pétrole a au contraire reculé dans le sillage des actions. Les investisseurs semblent donc craindre davantage une baisse de la demande.

La hausse du yen, habituellement motivée par le statut de « valeur refuge » de la monnaie japonaise, semble cette fois-ci davantage attribuable à la hausse des taux d’intérêt nippons et au resserrement de l’écart avec les taux américains. Cela pourrait certes être dû à l’actualité géopolitique, mais nous y voyons surtout le résultat du changement de point de vue à l’égard des perspectives économiques des États-Unis dont nous parlions plus tôt.

En quoi les banques centrales, notamment la Réserve fédérale américaine (Fed), peuvent-elles contribuer à atténuer ou à exacerber ces risques de récession?

Même si la Fed devait procéder à des baisses de taux d’urgence, comme le marché l’exhorte à le faire, cela ne suffirait pas forcément à apaiser les tensions. Certains investisseurs pourraient même y voir un motif de panique de plus! La politique monétaire est toutefois très restrictive à l’heure actuelle et une accélération de sa normalisation devrait selon nous lever une partie des obstacles qui nuisent à la croissance.

Là où les choses pourraient se compliquer, c’est si, face aux perturbations des marchés financiers, les liquidités devaient s’assécher dans les catégories d’actif de grande qualité. Ces dernières années, les marchés se sont beaucoup inquiétés de la taille du bilan de la Fed et beaucoup a été fait pour réduire le niveau des placements en obligations du Trésor américain. Dans ces conditions, et compte tenu des risques de pertes que les fluctuations des cours pourraient engendrer au sein du système financier, la banque centrale pourrait être contrainte de se consacrer à la préservation de la stabilité de ce dernier, au lieu de simplement gérer la croissance de l’économie. Les observateurs risquent de ne pas pouvoir évaluer correctement les risques de récession s’ils regardent uniquement les hypothèses d’évolution des taux d’intérêt du marché.



NOTES JURIDIQUES IMPORTANTES

Le présent document est uniquement d’intérêt général et ne doit pas être considéré comme des conseils de placement ni comme une recommandation d’acheter, de vendre ou de conserver un titre ou d’adopter une stratégie de placement. Ce contenu ne représente pas des conseils de nature juridique ou fiscale.

Les points de vue exprimés sont ceux du gestionnaire de placements et les commentaires, opinions et analyses sont en date de la publication du présent document et peuvent changer sans préavis. Les renseignements fournis dans le présent document ne constituent pas une analyse complète de tous les faits importants au sujet d’un pays, d’une région ou d’un marché.

La préparation du présent contenu peut avoir nécessité des données de tiers qui n’ont pas fait l’objet d’une vérification ou d’une validation indépendante par Placements Franklin Templeton (« PFT »). PFT décline toute responsabilité, quelle qu’en soit la nature, à l’égard de toute perte résultant de l’utilisation de ces informations, et le lecteur est l’unique responsable de l’utilisation qu’il fait des commentaires, des opinions et des analyses que contient le document.

Les produits, les services et les informations peuvent ne pas être disponibles dans toutes les collectivités territoriales et sont offerts à l’extérieur des États-Unis par d’autres sociétés affiliées de Placements Franklin Templeton et/ou leurs distributeurs conformément aux dispositions des lois et des règlements locaux. Consultez votre conseiller professionnel pour obtenir de plus amples renseignements sur les produits et les services offerts dans votre collectivité territoriale.

CFA® et Chartered Financial Analyst® sont des marques déposées de CFA Institute.