CONTRIBUTEURS

Stephen Dover, CFA
Chief Market Strategist,
Head of Franklin Templeton Institute
La détermination des banques centrales à combattre l’inflation a provoqué une volatilité accrue sur les marchés de capitaux, et en particulier sur la courbe des taux des bons du Trésor américain, en raison de l’incertitude considérable qui entoure les perspectives d’inflation, la croissance et la possibilité d’une récession aux États-Unis.1 Même si la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) a indiqué clairement qu’elle ne prévoyait pas de baisser ses taux d’intérêt cette année, le marché n’est pas de cet avis et table sur un assouplissement considérable de la politique de la Fed d’ici janvier 2024.
Les acteurs du marché « savent-ils » mieux que les banques centrales ce qui va se passer ? Non, tout au contraire. L’incertitude des investisseurs se reflète dans la volatilité élevée des taux d’intérêt au premier semestre 2023.
Les difficultés récentes du secteur bancaire, dues elles-mêmes en grande partie à la hausse rapide des taux d’intérêt, viennent s’ajouter à ces « inconnues connues ». Cela nous rappelle une fois de plus que, lorsque les banques centrales durcissent leur politique, « il se passe des choses ».
Cette fois-ci, une ironie amère vient s’ajouter aux turbulences au sein des banques commerciales. Certaines font face à des pertes potentiellement élevées sur leurs positions en bons du Trésor américain (par ex. la Silicon Valley Bank) parce que les instances règlementaires, désireuses de garantir la liquidité et la sécurité des banques, les ont poussées dans cette direction au fil des années.
Un magnifique exemple de conséquences inattendues !
Bref, les investisseurs se sont trouvés confrontés à l’incertitude de la politique monétaire, à la fragilité du système financier et à des résultats difficilement prévisibles pour la croissance et les bénéfices. Mais le désespoir n’est pas la solution. La réaction adéquate, selon nous du moins, est plutôt de profiter des occasions qui se présentent, par exemple les taux obligataires plus élevés aux échéances courtes, et de compléter cette approche par des allocations judicieuses aux actifs risqués, en particulier lorsque la volatilité offre des opportunités.
L’opportunité de toute une vie (ou presque)
Commençons par noter que, pour la première fois depuis 15 ans, les investisseurs se voient offrir des rendements de 5 % sur des instruments proches des liquidités tels que les fonds monétaires. Nous pensons qu’ils peuvent encore améliorer ce rendement, avec peu de risques, en investissant dans des obligations d’entreprises de qualité d’une durée de moins de deux ans. Ces rendements surpassent haut la main les taux des dépôts bancaires, qui restent par ailleurs limités à un plafond de garantie des dépôts de 250 000 USD.
Les fonds monétaires et les obligations de qualité à courte échéance peuvent sembler un choix peu enthousiasmant aux yeux de bon nombre d’investisseurs, mais il existe des moments où ils sont appropriés, en particulier en période de volatilité élevée, d’incertitude et de risques fondamentaux (à savoir la récession) pesant sur les marchés des crédits et des actions d’entreprises.
Saisir l’opportunité
Cela ne signifie pas pour autant que les portefeuilles doivent être composés à 100 % d’instruments offrant une duration de moins d’un an. Cette approche pourrait être désavantageuse sur le plan fiscal, mais elle ignore également notre deuxième point essentiel.
Plus précisément, en s’accrochant à une fraction plus importante d’actifs porteurs d’intérêts et hautement liquides, les investisseurs peuvent agir avec souplesse lorsque des opportunités se présentent. La volatilité élevée et les crises du marché, historiquement probables lorsque la Fed et les autres banques centrales resserrent agressivement leurs taux, créent des points d’entrée plus intéressants pour les actions, les obligations d’État et le crédit d’entreprise. Ces actifs, lorsqu’ils sont achetés au rabais, offrent typiquement des rendements particulièrement élevés aux investisseurs.
En outre, en augmentant leurs positions en actifs (presque) sans risques, les investisseurs sont mieux placés pour prendre des risques de manière sélective aujourd’hui.
Qu’entend-on par « de manière sélective » ? Prenons les défis liés à l’achat d’obligations du Trésor. Pour prendre un risque de duration en période d’inversion de la courbe des taux (comme à l’heure actuelle), il faut être convaincu que l’inflation va rapidement diminuer pour atteindre l’objectif de la Fed ou qu’une récession importante se profile aux États-Unis. En effet, les obligations à plus longue échéance offrent des taux inférieurs parfois de 170 points de base à ceux des bons du Trésor à plus courte échéance. Cela signifie que le rendement total des obligations à longue échéance sera faible, sauf si les taux tombent plus bas. Cela représente un risque important par rapport au rendement potentiel.
Courbe des taux des bons du Trésor américain
12 mai 2022 vs. 12 mai 2023

Source: Bloomberg.
Comme on l’a noté, sur les marchés obligataires, une prédilection pour les obligations d’entreprises investment grade à courte échéance (1-2 ans) semble prudente, avec des taux moyens de plus de 5 %. Les investisseurs peuvent ainsi s’assurer des rendements réguliers face à la fragilité des bénéfices (les entreprises investment grade courent un moindre risque de voir leur notation revue à la baisse) sans prendre un risque de duration peu tentant.
Par rapport aux autres opportunités dans l’obligataire, les obligations d’entreprises à haut rendement présentent un rapport risque-rendement peu intéressant à la lumière des menaces qui pèsent sur les bénéfices et les flux de trésorerie des entreprises. La qualité de crédit d’une grande partie de l’univers à haut rendement s’est toutefois améliorée. Nous pensons qu’il est raisonnable de remplacer une partie de l’exposition aux actions par une sélection de dette à haut rendement présentant un risque de défaillance inférieur à celui de l’ensemble de cette classe d’actifs. Cette approche offre la protection du taux à court terme élevé actuel (environ 8,6 % en moyenne) tout en maintenant une exposition au potentiel d’amélioration des fondamentaux de l’entreprise sous-jacente.
Les fonds offrent également l’avantage de la diversification. De même, nous privilégions les titres de dette des marchés émergents en devises locales. Ceux-ci devraient tirer un avantage de la croissance chinoise plus importante cette année (de nombreuses économies émergentes exportent vers la Chine) ainsi que d'un affaiblissement probable du dollar US une fois que la Fed aura achevé son cycle de durcissement.
Résumé
Voici notre raisonnement en quelques mots. Nous pensons que le resserrement agressif de la politique monétaire de la Réserve fédérale est la source de rendements intéressants pour le marché monétaire et les obligations à court terme tout en créant un environnement dans lequel, selon nous, les actions et les obligations à plus longue échéance ne sont pas attrayantes. Nous pensons que les investisseurs devraient saisir l’opportunité offerte par la Fed et limiter leurs expositions larges au reste du marché.
Mais ce n’est pas tout. En se réfugiant dans des positions sûres aux taux intéressants à l’extrémité courte de la courbe des taux, les investisseurs peuvent aussi se préparer à saisir d’autres opportunités lorsque celles-ci se présentent.
On notera également que la relance de l’économie chinoise et le plafonnement probable du dollar US offrent déjà des opportunités aux investisseurs par le biais d’allocations mesurées à la dette en devises locales des marchés émergents.
La Fed reste la paille qui mélange le cocktail. Et quand elle le mélange avec une telle force, ce n’est pas sans effet. Les investisseurs doivent en prendre note, saisir les rendements plus certains proposés et se préparer à prendre davantage de risques lorsque des opportunités se présenteront. Il s’agit d’une simple phase, mais d’une phase qui mérite d’être bien gérée.

Stephen Dover, CFA
Chief Market Strategist,
Franklin Templeton Institute
Notes de fin
- Sur la base de notre analyse des données des indices ICE BofA, l’écart-type annualisé des rendements mensuels liés aux glissements de la courbe des taux pour l’ICE BofA US Treasury Index est de 4,74 % sur la période allant de janvier 2002 à avril 2023, tandis qu’au cours des 12 derniers mois jusqu’en avril 2023, cet écart-type annualisé est de 7,80 %. Les indices ne font l’objet d’aucune gestion et il n’est pas possible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des commissions, dépenses ou frais de vente. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des résultats futurs.
QUELS SONT LES RISQUES ?
Tout investissement comporte des risques, notamment celui de ne pas récupérer le capital investi. La valeur des investissements peut fluctuer à la baisse comme à la hausse et les investisseurs ne sont pas assurés de récupérer la totalité de leur mise initiale. Les cours des actions peuvent fluctuer, parfois de manière rapide et brutale, en raison de facteurs propres à des sociétés, industries ou secteurs spécifiques ou du marché dans son ensemble. Les prix des obligations évoluent généralement dans le sens opposé des taux d’intérêt. Ainsi, lorsque les taux d’intérêt augmentent, la valeur d’un portefeuille obligataire peut reculer.
Les investissements dans des obligations assorties d’une note de solvabilité faible comportent un plus grand risque de défaut et de perte du principal. Ainsi, lorsque les taux d’intérêt augmentent, la valeur d’un portefeuille obligataire peut reculer. L’évolution de la note de crédit d’une obligation, ou de la note de solvabilité ou de la solidité financière de l’émetteur d’une obligation, de l’assureur ou de son garant, peut affecter la valeur de l’obligation. Des rendements élevés reflètent un risque de crédit supplémentaire pris pour investir dans des titres dont la note est inférieure et pour compenser dans certains cas leur plus faible valorisation.
Les investissements dans des titres étrangers comportent des risques spécifiques, comme les fluctuations de change, l’instabilité économique et l’évolution de la situation politique. Investir sur les marchés émergents, y compris dans la sous-catégorie des marchés frontières, implique des risques accrus concernant ces mêmes facteurs, lesquels s’ajoutent aux risques liés à leur plus petite taille, à leur liquidité inférieure et à l’absence de cadre juridique, politique, commercial et social établi pour soutenir les marchés de valeurs mobilières. La Chine peut être soumise à une instabilité économique, politiques et sociale très forte. Investir dans des titres d’émetteurs chinois implique des risques spécifiques à la Chine, y compris certains risques juridiques, réglementaires, politiques et économiques.
Les informations fournies ne constituent ni une recommandation ni des conseils individuels en investissement pour tout titre, stratégie ou produit de placement spécifique. Elles n’indiquent pas les intentions de négociation de tout portefeuille géré par Franklin Templeton. Ce document ne constitue pas une analyse complète des données relatives à un secteur, un titre ou un investissement et ne doit pas être considéré comme une recommandation d’investissement. Ce document a pour but de fournir un aperçu du processus de sélection du portefeuille et de recherche. Les exposés de faits proviennent de sources considérées comme fiables, mais leur exhaustivité ou leur exactitude n’ont pas fait l’objet d’une vérification indépendante. Ces opinions ne peuvent pas être considérées comme un conseil en investissement ni une offre pour tout titre spécifique.
