Les économistes prévoient une récession depuis que la Réserve fédérale (Fed) a commencé à relever les taux d’intérêt en mars 2022. Le taux des fonds fédéraux a augmenté de près de 500 points de base depuis l’année dernière, la Fed s’attaquant agressivement à l’inflation.1 À l’opposé, un nombre non négligeable de personnes continuent d’affirmer qu’un atterrissage en douceur reste possible. Divulgâcheur : Je ne suis pas de cet avis. Le moment exact du début d’une éventuelle récession n’est pas connu, mais une crise bancaire américaine naissante pourrait avoir raccourci le calendrier. Regardons où nous en sommes dans le cycle économique et voyons s’il y a des signaux de récession.
Un coup d’œil au PIB donne un premier signal de récession
L’illustration 1 présente les performances globales de l’économie sur six cycles économiques, en commençant par les récessions successives du début des années 1980, déclenchées par la guerre contre l’inflation menée par Paul Volcker. Le National Bureau of Economic Research (NBER) détermine le début et la fin d’une récession, ce qui permet de prévoir la prochaine reprise et la partie expansive du cycle économique. Le NBER prend en compte plusieurs indicateurs pour déterminer le début d’une récession, tels que le revenu, l’emploi et la production, et cherche à évaluer si un déclin substantiel de l’activité économique s’est produit ou non.
Illustration 1 : PIB réel des États-Unis
Variation en pourcentage d’un trimestre à l’autre, annualisée, au 1er janvier 2023.

Sources : Brandywine Global, Macrobond, US Bureau of Economic Analysis. Les rendements passés ne sont pas un indicateur ou une garantie des résultats futurs.
Une définition empirique du début d’une récession est une baisse trimestrielle consécutive du produit intérieur brut (PIB) réel. Comme le montre le graphique, la baisse du PIB réel caractérise une récession, mais toutes les récessions n’ont pas connu des trimestres consécutifs de baisse du PIB. Plus récemment, l’économie américaine a connu deux baisses trimestrielles consécutives du PIB réel, au premier et au deuxième trimestre 2022. Les analystes, dans l’ensemble, n’y ont pas vu le signe d’une récession, soulignant l’absence de confirmation dans les indicateurs économiques généraux et faisant valoir que les baisses reflétaient en grande partie l’ajustement des stocks par les entreprises.
Le rapport sur le PIB du premier trimestre 2023 pourrait être un signal précoce de récession. Si l’économie a progressé au premier trimestre, la croissance s’est ralentie pour atteindre seulement 1,1 % en rythme annuel. Le fait marquant a été l’augmentation de près de 4 % des dépenses de consommation;2 encore, cette vigueur de la consommation était un phénomène de début d’année. Les deux derniers mois ont été marqués par une baisse des ventes au détail, ce qui devrait se traduire par un ralentissement de la croissance au cours du second semestre. Nous surveillerons les prochaines ventes au détail. Alors que l’investissement fixe non résidentiel a contribué modestement à la croissance, les dépenses d’équipement ont été un frein, et le logement est resté faible. Au cours des deux prochains trimestres, nous nous attendons à ce que les dépenses de consommation et les dépenses d’investissement continuent de s’affaiblir.
La récession est-elle déjà inscrite au programme?
C’est très probable, à mon avis. Les États-Unis viennent de connaître trois faillites de banques régionales. Les faillites de la Silicon Valley Bank et de la Signature Bank ont entraîné une augmentation des emprunts au guichet d’escompte. Ensuite, la First Republic Bank est devenue la dernière banque à faire faillite, obtenant la distinction douteuse d’être la deuxième plus grande faillite bancaire de l’histoire des États-Unis. Aujourd’hui, d’autres banques en difficulté, qui espèrent éviter le même sort, recherchent activement des repreneurs. Cette agitation et cette incertitude se répercuteront sur l’économie, tout comme le resserrement constant de la politique monétaire américaine se manifeste également dans les conditions financières.
Certains experts pourraient croire que la crise bancaire est terminée, suite au rachat des actifs et des dépôts de First Republic par JP Morgan. J’ai quelques doutes. La Fed semble maintenir le cap sur la hausse des taux d’intérêt, ce qui met les banques et les autres secteurs sensibles aux taux d’intérêt à rude épreuve. Ces ingrédients puissants que sont les précédentes hausses de la Fed et les récentes faillites bancaires laissent présager une récession.
Fractures dues à des conditions financières difficiles
Le système financier américain est, selon moi, soumis à des tensions croissantes. Ce stress augmentait avant les trois faillites bancaires, qui étaient le sous-produit du cycle de hausse des taux de la Fed. Tel est le message de l’illustration 2, créée par des chercheurs de la Banque fédérale de réserve de Kansas City. Il se compose d’un certain nombre de variables, dont les écarts de taux d’intérêt et les prix des actifs.
Illustration 2 : Indice de stress financier aux États-Unis
À partir du 1er mars 2023

L’indice de stress financier de Kansas City est une mesure mensuelle du stress dans le système financier américain basée sur 11 variables du marché financier. Une valeur positive indique que le stress financier est supérieur à la moyenne à long terme, tandis qu’une valeur négative signifie que le stress financier est inférieur à la moyenne à long terme.
Source : Brandywine Global, Macrobond, Banque fédérale de réserve de Kansas City.
Comment interpréter ces données? Premièrement, une valeur positive de l’indice indique un stress financier croissant. Deuxièmement, il est important d’examiner comment cette mesure s’est comportée pendant les récessions, marquées par les zones ombrées sur le graphique. Les valeurs positives de cette mesure tendent à coïncider avec la récession. En résumé, il semble qu’il y ait un stress financier, puisque la crise bancaire a produit un pic dans cette mesure du stress. Cette combinaison de politique monétaire restrictive et de faillites bancaires se répercutera-t-elle sur l’économie réelle?
Les petites entreprises font état de préoccupations croissantes en matière de crédit
En raison des turbulences du secteur bancaire, nous assisterons à une détérioration des conditions de crédit et de la disponibilité du crédit, tant pour les ménages que pour les entreprises. Le crédit est déjà plus cher, car les banques paient davantage sur les dépôts pour freiner la désintermédiation qui se produit dans un contexte de hausse des taux. La détérioration des conditions de crédit est déjà évidente pour les petites entreprises, selon l’enquête de la National Federation of Independent Business (NFIB) auprès de ses membres (voir l’illustration 3). Les petites entreprises font partie intégrante de l’économie américaine, tant en termes d’emploi que de production. Ces entreprises dépendent du financement bancaire pour augmenter leur capital social et financer leurs stocks, entre autres activités.
Illustration 3 : Disponibilité du crédit aux petites entreprises aux États-Unis
Conditions de crédit aux petites entreprises NFIB Disponibilité des prêts, moyenne mobile sur 3 mois, au 1er mars 2023

L’indice d’optimisme des petites entreprises de la National Federation of Independent Business (NFIB), composé de 10 éléments corrigés des variations saisonnières, donne une indication de la santé des petites entreprises aux États-Unis. Sources : Brandywine Global, Macrobond.
L’illustration 3 fait état de la disponibilité des crédits aux petites entreprises. Le resserrement des conditions de crédit aux petites entreprises est généralement évident dans une économie en récession. Dans le contexte de l’après-Grande crise financière (GFC), la disponibilité du crédit n’était pas une préoccupation des petites entreprises. En fait, de moins en moins de répondants ont indiqué que la disponibilité du crédit était une contrainte pour les entreprises après la GFC. Tout cela est en train de changer. Le graphique ci-dessus montre que le resserrement des conditions de liquidité pourrait ouvrir la voie à une récession. Les conditions de crédit sont devenues une préoccupation croissante pour les petites entreprises, qui sont de plus en plus nombreuses à considérer le crédit comme un problème. Les petites entreprises sont généralement les clientes des banques communautaires et régionales, des banques qui souffrent de la crise actuelle. Cette agitation se répercute sur l’activité économique.
Les indicateurs avancés donnent l’alerte
L’indice des indicateurs avancés du Conference Board peut également constituer un signe d’alerte d’une détérioration économique imminente. Ces dix indicateurs comprennent des mesures qui orientent l’économie, comme la masse monétaire réelle, les permis de construire et la courbe des taux, par exemple. L’illustration 4 présente un historique relativement long des indicateurs avancés, en remontant jusqu’en 1960.
Le graphique montre à la fois le niveau absolu de la série et la variation en pourcentage d’une année sur l’autre des indicateurs avancés. La série identifie bien la phase du cycle économique. La règle de base pour les analystes est de rechercher trois mouvements consécutifs de la série dans la même direction. Au cours du cycle économique le plus récent, le niveau des indicateurs avancés a baissé pendant plus de trois mois consécutifs et l’indice a reculé de près de 8 % au cours de l’année écoulée. Les indicateurs avancés lancent un avertissement rouge vif de récession.
Illustration 4 : États-Unis, indicateurs économiques avancé du Conference Board
Indice (gauche), pourcentage (droite), au 1er mars 2023.

Le Conference Board Leading Economic Index® (LEI) est un indice composite composé de 10 éléments, dont : Moyenne hebdomadaire des heures travaillées dans l’industrie manufacturière; moyenne hebdomadaire des demandes initiales d’assurance chômage; nouvelles commandes des fabricants pour les biens de consommation et les matériaux; indice ISM® des nouvelles commandes; nouvelles commandes des fabricants pour les biens d’équipement non liés à la défense, à l’exclusion des commandes d’avions; permis de construire pour les nouvelles unités de logement privé; indice S&P 500® des prix des actions; Leading Credit Index™; écart de taux d’intérêt; attentes moyennes des consommateurs en matière de conjoncture économique. Il est conçu pour signaler les pics et les creux du cycle économique américain. Sources : Brandywine Global, Macrobond. Les indices ne sont pas gérés, et il est impossible d’investir directement dans ceux-ci. Ils ne tiennent pas compte des honoraires, des dépenses ou des frais d’acquisition. Les rendements passés ne sont pas un indicateur ou une garantie des résultats futurs.
Le signe avant-coureur classique de la récession reste inversé
La courbe des taux des obligations du Trésor est un indicateur avancé qui a fait ses preuves en matière de prévision de la récession. L’illustration 5 montre la courbe des taux, mesurée par la différence entre les titres du Trésor à 10 ans et à 2 ans, le taux effectif des fonds fédéraux et les récessions passées marquées par des bandes ombrées. Une inversion de la courbe des taux tend à signaler l’approche d’une récession et une Réserve fédérale qui se prépare à abaisser les taux d’intérêt pour lutter contre l’affaiblissement de la conjoncture économique. Depuis le début de l’année 2012, la corrélation entre la courbe des taux et le taux des fonds fédéraux est de -79 % (illustration 5). Une courbe des taux inversée indique que les marchés s’attendent à une baisse des taux d’intérêt. Il n’est pas certain que la Réserve fédérale s’y conformera.
Illustration 5 : Écart de taux du Trésor américain et taux des fonds fédéraux
Points de base (à gauche), pourcentage (à droite), au 1er mai 2023.

Sources : Brandywine Global, Macrobond, Banque fédérale de réserve de New York.
Probabilité de récession, les signes indiquent que oui
Les éléments présentés ici montrent clairement que les États-Unis pourraient être sur le point d’entrer en récession. Bien que les indicateurs économiques ne soient pas une garantie, quelle est la probabilité que l’économie entre effectivement en récession? La Banque fédérale de réserve de New York propose une analyse de la probabilité de récession qui donne quelques indications (voir l’illustration 6). Cette banque régionale de la Réserve fédérale utilise une autre version de la courbe des taux, la différence entre le bon du Trésor à 10 ans et le bon du Trésor à 3 mois, pour prévoir la probabilité d’une récession dans 12 mois. La banque estime à près de 60 % la probabilité d’une récession dans les 12 mois à venir. L’historique de cette mesure suggère qu’une récession est très probable.
Illustration 6 : Probabilité de récession sur la base de l’écart de taux d’intérêt
Pourcentage, au 1er mars 2024.

Sources : Brandywine Global, Macrobond, Banque fédérale de réserve de New York.
Conclusions
- Le resserrement de la politique monétaire et la faillite des banques laissent présager une récession aux États-Unis. L’économie américaine ralentit, les tensions financières sont évidentes, la disponibilité du crédit est limitée par les faillites bancaires et risque de se resserrer encore, les indicateurs avancés sont en baisse et la probabilité d’une récession, selon certaines analyses, augmente.
- Que la Fed inverse rapidement ou non l’orientation de sa politique ne modifiera pas mon anticipation d’une récession. La politique monétaire fonctionne avec des décalages longs et variables, l’accent étant mis sur les décalages longs. D’autres banques pourraient faire faillite. Les marchés ne croient pas que la crise financière soit terminée. L’indice S&P 500 des banques régionales par sous-secteur a plongé de près de 28 % dans les jours qui ont suivi la chute de la Silicon Valley Bank (SVB) et de la Signature Bank.3 Jusqu’à présent, l’indice n’a pas réussi à se redresser. En outre, il est probable que nous ne fassions que commencer à voir l’impact de tous les resserrements monétaires antérieurs cumulés. La combinaison de ce stress supplémentaire provenant du secteur bancaire et de la réduction des liquidités générée par la Fed va probablement amplifier et accélérer le résultat final : Une récession semble se profiler à l’horizon.
- Source : Conseil des gouverneurs du système fédéral de réserve (États-Unis), taux effectif des fonds fédéraux [FEDFUNDS], Banque fédérale de réserve de Saint-Louis, 1er avril 2023.
- Source : « Les dépenses de consommation ont le vent en poupe. Elles ont stimulé l’économie au premier trimestre », Barron’s, 29 avril 2023.
- Source : Bloomberg, 10 mars-1er mai.
Définitions :
Un point de base (pb) est un centième de point de pourcentage (1/100 % ou 0,01 %).
La désintermédiation consiste à retirer les fonds des institutions financières intermédiaires, telles que les banques et les associations d’épargne et de crédit, pour les investir directement. En Europe, on assiste à un changement structurel par rapport au financement bancaire.
L’indice S&P 500 des banques régionales par sous-secteur mesure le segment des banques régionales du secteur bancaire américain.
La courbe des taux est la représentation graphique de la relation entre le rendement d’obligations de même qualité de crédit mais d’échéances différentes.
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