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Dans cette FAQ, Jeff Helsing, spécialiste des produits, s'entretient avec Simon Miller, gestionnaire de portefeuille, Ivor Schucking, analyste de recherche, et Michael J. Bazdarich, spécialiste des produits/économiste, sur l’analyse ascendante et descendante de Western Asset, notamment en ce qui concerne les contraintes qui pèsent sur les prêts hypothécaires commerciaux et les banques régionales, et la question de savoir si celles-ci ne seraient pas l'ultime déterminant qui ferait basculer l'économie dans la récession.

Points essentiels à retenir

  • Nous prévoyons une augmentation des défaillances sur les marchés de l'immobilier commercial, en particulier pour le segment des bureaux.
  • Les défaillances dans l'immobilier commercial n‘auront pas vraiment de conséquences pour les grandes banques multinationales et régionales, mais seront certainement, selon nous, de vrais défis pour les petites banques régionales et communautaires où les pertes potentielles représentent une part plus importante de leurs fonds propres.
  • Les problèmes auxquels font face certains segments du marché de l'immobilier commercial sont un facteur défavorable de plus pour l'économie américaine, mais pas vraiment majeur.

 

Jeff : Simon, que se passe-t-il sur le marché de l'immobilier commercial?

Simon : Le marché mondial de l'immobilier commercial s’élève à 11 000 milliards de dollars environ, avec une dette pas loin de 4 500 milliards de dollars.1 En tant que catégorie d'actifs à effet de levier et présentant les caractéristiques des titres à revenu fixe, les valorisations de l'immobilier commercial sont sensibles à la hausse des taux d'intérêt. Les secteurs où les baux sont à long terme, tels que les bureaux ou les commerces, peuvent fonctionner comme des instruments à duration longue, tandis que les locaux dont les loyers sont réajustés plus rapidement, tels que les hôtels ou les appartements, sont par nature à duration plus courte. Lorsque la Réserve fédérale (Fed) a relevé ses taux l'année dernière, cette hausse s’est répercutée tant sur le coût de financement que sur les critères de rendement des capitaux propres, et de ce fait sur la valorisation des garanties.

Les paramètres fondamentaux de l'immobilier et du marché sous-tendent ces hypothèses de valorisation des garanties. Nous classons ‘grosso modo’ la santé actuelle des paramètres fondamentaux dans ce secteur en deux catégories : les « nantis » et les « moins biens lotis ». Par exemple, chez les « nantis » la tendance haussière de la demande se poursuit, ce qui donne du poids aux valorisations, malgré des coûts d'emprunt plus élevés. Il s'agit notamment du type de bien qui a bénéficié de la reprise économique après le confinement, comme les logements collectifs, les centres de distribution industriels ou les hôtels de villégiature. De l’autre côté, chez les « moins bien lotis », le recul de la demande et une offre excédentaire sont des contraintes entachant la valeur des actifs et qui entraîneront probablement une augmentation des défaillances — notamment dans des secteurs comme les immeubles de bureaux ou les centres commerciaux régionaux.

Alors que l'accès au crédit se durcit depuis la mi-2022 pour l’ensemble du secteur, la récente flambée de volatilité provoquée par les retraits de dépôts bancaires a entraîné une dégradation des perspectives pour certaines parties du marché de l'immobilier commercial, avec une disponibilité moindre des capitaux et des normes de souscription de plus en plus raides. Étant donné que les banques (et plus particulièrement les petites banques régionales et communautaires) sont les principaux détenteurs d'une exposition importante au marché de l'immobilier commercial, nous ne sommes pas surpris que la confiance dans la qualité des actifs des banques régionales ait été dernièrement remise en question. Bien que d'autres acteurs puissent intervenir pour fournir des capitaux au cas où les banques régionales se retireraient du marché des prêts, il convient de noter que plus d'un tiers des 4 500 milliards de dollars du marché de la dette de l’immobilier commercial est détenu par les banques. En outre, près de 50 % de l'encours de 1 000 milliards de dollars de la dette liée aux bureaux est détenu par les banques (Illustration 1).

Illustration 1 : Les banques détiennent plus de ¹/₃ de la dette totale de l’immobilier commercial, mais près de ¹/₂ de leurs expositions sont le sous-secteur des espaces de bureau

Sources : Morgan Stanley. Au 16 mars 2023.

Jeff : Ivor, les banques régionales sont-elles prêtes à faire face au risque de baisse de la valeur des actifs immobiliers commerciaux et à une éventuelle augmentation des défaillances?

Ivor : Les paramètres fondamentaux du secteur bancaire américain n'ont jamais été aussi bons depuis des décennies. À titre indicatif, les banques américaines détiennent 12 000 milliards de dollars environ de prêts au total. En moyenne, 16 % sont des prêts dans l’immobilier commercial, soit environ 2 000 milliards de dollars. Le type de prêt le plus risqué pour les banques, dans l'immobilier commercial, est le prêt à la construction et à l'aménagement foncier. Ces prêts représentent 4 % du portefeuille de prêts, soit 470 milliards de dollars, avec des proportions plus élevées pour les petites banques régionales et communautaires (Illustration 2A).

Pour mémoire, la réglementation qui a suivi la crise financière mondiale (CFM) a donné à l’ensemble du système bancaire beaucoup plus de fonds propres, plus de liquidités et moins de risques. Cela dit, les petites banques régionales ne sont pas aussi diversifiées que les grandes banques d'importance systémique, qui ont été contraintes de renoncer à une grande partie de leurs prêts plus à risque. Bien que des banques aient considérablement durci leurs conditions de crédit depuis déjà plusieurs trimestres, on peut raisonnablement supposer que celles-ci vont encore se durcir. En outre, pour les petites banques, conserver les dépôts pourrait leur coûter une dégradation de leurs marges d'intérêt nettes, et une surveillance réglementaire accrue ne ferait qu’aggraver leurs difficultés actuelles.

Cela dit, il convient de noter que les tests de résistance CCAR (Comprehensive Capital Analysis and Review) de la Fed ont déjà apporté une certaine transparence à de nombreuses grandes banques régionales. Pour rappel, les hypothèses du scénario défavorable extrême de la Fed comprennent des baisses de 25 à 40 % dans l'immobilier, et 10 des banques régionales avec des actifs moyens de plus de 200 milliards de dollars voient leurs ratios de noyau dur de capital baisser de ~10,4 % à ~7,9 %, tout en restant bien au-dessus des planchers réglementaires (Illustration 2B). En raison des réglementations mises en place après la CFM, la plupart des banques sont en mesure de continuer à prêter aux entreprises et aux ménages, malgré les pertes potentielles sur les prêts — en supposant qu'il y ait encore une volonté d'emprunter dans ces circonstances.

Bien que ces hypothèses soient draconiennes, elles sont plausibles et, bien entendu, les normes de souscription des banques ne sont pas toutes les mêmes. En qualité d’analyste bancaire, il est donc essentiel de comprendre la procédure de prêt, la gestion des risques et la qualité des actifs d'une banque afin d’établir s'il est judicieux d'investir dans sa dette. Cela dit, nous entrevoyons beaucoup de valeur dans la dette des grandes banques, mais nous sommes méticuleux dans notre choix des banques régionales.

Illustration 2 : Les banques ont suffisamment de fonds propres pour affronter les pertes de l’immobilier commercial et d’autres prêts

Sources : (A) FDIC T4 2022, (B) Réserve fédérale T2 2022.

Jeff : Mike, en tant qu'économiste, comment percevez-vous les tendances de l'offre et de la demande dans l'immobilier qui, selon Simon, ont des répercussions sur les prix? Et aussi, l‘augmentation des faillites bancaires va-t-elle réduire l'accès au crédit et avoir des conséquences sur la croissance?

Michael : Rappelons que la construction immobilière commerciale a déjà reculé de 21 % depuis le début de la COVID-19 en 2020, ce qui signifie que ce secteur est déjà en repli. Dans le secteur de l'immobilier, la construction commerciale représente actuellement 1 % environ du PIB et, à titre de comparaison, la construction résidentielle représentait près de 4 % du PIB à la fin de 2005 avant son effondrement.2

Cette situation va-t-elle faire entrer l'économie en récession? Je n'en suis pas si sûr. Même la chute beaucoup plus considérable de la construction résidentielle entre 2006 et 2010 n'a pas réussi à provoquer une récession en soi. Ce n'est que lorsque les saisies et les pertes sur les prêts hypothécaires ont engendré des problèmes bancaires à l'échelle du système (à l'été 2008 et par la suite) que l'économie américaine a été poussée dans un marasme général. Comme je le dis depuis plusieurs trimestres, je constate de réelles difficultés sur certains marchés de l'immobilier.

En termes de répercussions sur le système bancaire et de conséquences pour l'économie, il s'agit d'un handicap supplémentaire. Bien que l'on puisse contester certains aspects des mesures prises par la Fed et le Trésor, il semble qu'à l'heure actuelle, ils aient réussi à empêcher une crise bancaire à l'échelle du système. Des banques individuelles ont fait faillite, et nous pensons que d'autres y passeront encore, mais nous ne nous attendons pas à une crise de liquidités du système financier, semblable de près ou de loin à celle de la CFM.

Toutefois, il faudra beaucoup de temps pour palier les revers subis par le marché de l’immobilier commercial. Ces problèmes feront certainement la une des journaux financiers pendant quelques années encore. La multiplication des défaillances entraînera des pertes pour les prêteurs du système bancaire parallèle, voire des faillites de leur côté, mais les banques commerciales, grandes et petites, sont généralement extrêmement bien capitalisées, ce qui permettra de limiter les conséquences systémiques des difficultés que traverse l’immobilier commercial.

Je pense que la situation actuelle est un un facteur défavorable de plus pour l'économie américaine, mais pas vraiment majeur.

Jeff : Simon, Ivor et Mike, avez-vous d'autres idées sur ces vents contraires ou sur la situation en général?

Simon : Nous entrevoyons un risque baissier accru dans le domaine des espaces de bureau, en particulier dans les anciens bâtiments non rénovés, ainsi que dans les centres commerciaux régionaux, dont l'offre est excédentaire depuis des années. Dans le segment des bureaux, la souplesse des modalités de travail, en particulier dans les principaux marchés côtiers, ne cesse de se répercuter sur la demande en locations. En outre, les besoins élevés d'amélioration des immobilisations pour rénover les bâtiments de catégorie B et C nécessitent des investissements supplémentaires en capitaux propres. Heureusement, la demande intérieure en voyages de loisir a grandement favorisé la reprise du secteur hôtelier; l'offre limitée de maisons à vendre sert de tremplin aux propriétaires d'appartements pour fixer leurs propres prix, et la relocalisation des chaînes d'approvisionnement, conjuguée aux tendances des achats en ligne, alimente une croissance explosive de la demande pour des centres de distribution bien situés. Bien que la hausse des taux ait été un frein aux valorisations de tous les segments, nous constatons des taux de rendement assez intéressants, une bonne qualité des actifs et des débouchés pour les clients qui investissent dans des segments du marché de l'immobilier commercial qui ont souffert des récentes incertitudes (Illustration 3).

Illustration 3 : Marchés de l'immobilier commercial non fédéraux — Paysage du secteur de l'immobilier

Sources : Western Asset. Au 31 mars 2023.

Ivor : Je suis d’accord. De même, nous avons vu les primes augmenter de manière considérable dans le secteur bancaire. Nous pensons que quelques événements particuliers ont donné aux investisseurs la possibilité de tirer parti de la remontée des taux de rendement dans les banques américaines, ainsi que dans certaines banques du Royaume-Uni et européennes. Nous prévoyons un accroissement des pertes sur prêts et un durcissement des conditions de crédit, mais ces taux de rendement sont les plus avantageux que j'ai vus depuis des années, quelle que soit la structure du capital. Nous préférons être sélectifs par pays, par banque et par structure de capital. Étant donné que les banques régionales ont fait l'objet d'une attention particulière en raison de la baisse de confiance dans leurs liquidités et la qualité de leurs actifs, je m'attends à ce qu'il y ait des changements. Plus précisément, nous estimons que le modèle d'entreprise des banques régionales américaines va évoluer de trois manières : (1) une réglementation beaucoup plus stricte, avec emphase sur les dépôts, les liquidités, les risques liés aux taux d'intérêt et l'exposition aux prêts immobiliers commerciaux, (2) une consolidation accrue et (3) une plus grande disparité des notations, les banques régionales de petite et moyenne taille subissant des pressions à la baisse sur leurs notations.

Michael : Comme je l'ai déjà mentionné, j‘observe de véritables contraintes sur les marchés immobiliers. Je ne pense tout simplement pas qu'un événement, comme 2008, puisse faire basculer l'économie dans une profonde récession.



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