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Pourquoi cet article de The Economist a été choisi

Les craintes concernant les conséquences des technologies sur la suppression des emplois ne sont pas nouvelles. Au début du XIXe siècle, en Grande-Bretagne, les luddites brûlaient les machines dans les usines. Cet article avance que les craintes quant aux répercussions économiques d'un remplacement d'une grande partie de la main-d'œuvre par l'IA sont elles aussi exagérées. Fait intéressant, l’article révèle que nous sommes en retard dans la mise en œuvre des technologies d'automatisation et d'IA à leur plein potentiel. La plupart des emplois sont préservés... pour l'instant en tout cas.           

- Franklin Templeton Institute

« Je pense que nous pourrions dépasser un ratio de un pour un entre les robots humanoïdes et les humains », a déclaré Elon Musk le 1er mars. Venant du roi autoproclamé des technologies de Tesla, il ne s'agissait pas tant d'une prédiction que d'une promesse. La société automobile de M. Musk conçoit actuellement un tel automate artificiellement intelligent, connu sous le nom de code Optimus, qui sera utilisé à la maison et en usine. Ses remarques, faites lors de la journée des investisseurs de Tesla, étaient illustrées par une vidéo d'Optimus se promenant apparemment sans assistance.

Étant donné que M. Musk n'a pas précisé comment — ni quand — on passe d'un clip promotionnel à une armée de plus de 8 milliards de robots, tout cela peut sembler relever de la science-fiction. Mais il s'est aventuré dans un débat bien réel sur l'avenir du travail. En effet, certaines formes d'automatisation fondées sur l'intelligence artificielle sont en passe de devenir des faits scientifiques.

Depuis novembre, l’IA Chatgpt, un robot conversationnel, éblouit les utilisateurs par son imitation convenable d'un interlocuteur humain. D'autres IA « génératives » produisent des textes, des images et des sons semblables à ceux d'un être humain, en analysant des quantités de données sur l'internet. Le mois dernier, le patron d'IBM, un géant de l'informatique, prédisait que l'IA ferait disparaître une grande partie des emplois de cols blancs au bureau. Le 6 mars, Microsoft annonçait le lancement d'une série de « co-pilotes » d'IA pour les personnes occupant des postes allant de la vente et du marketing à la gestion d'une chaîne d'approvisionnement. Des observateurs enthousiastes murmurent que l'apocalypse de l'emploi est imminente.

Les craintes concernant les conséquences des technologies sur la suppression des emplois ne sont, à l’évidence, pas nouvelles. Au début du XIXe siècle, en Grande-Bretagne, les luddites brûlaient les machines dans les usines. Le terme « automatisation » s'est imposé pour la première fois lorsque l'adoption d‘innovations mécaniques en temps de guerre a déclenché une vague de panique face au chômage de masse dans les années 1950 (voir l’illustration 1 ci-dessous). En 1978, James Callaghan, premier ministre britannique, a salué la percée technologique de son époque — le microprocesseur — en lançant une enquête gouvernementale sur son potentiel de suppression d'emplois. Il y a dix ans, Carl Frey et Michael Osborne, de l'université d'Oxford, ont publié un article retentissant, cité plus de 5 000 fois depuis, affirmant que 47 % des tâches effectuées par les travailleurs américains pourraient être automatisées « au cours des dix ou vingt prochaines années ». Aujourd'hui, même le techno-optimiste M. Musk se demande ce que cela signifierait s‘il y avait plus de robots que d’humains : « On ne sait même pas ce que serait une économie à ce moment-là ».

Bien que MM. Frey et Osborne aient encore quelques années pour prouver qu'ils avaient raison, et que l'on puisse sans crainte faire fi de M. Musk pour le moment, les craintes antérieures quant à la suppression des emplois par les technologies ne se sont jamais concrétisées. Au contraire, les marchés du travail des pays riches sont historiquement tendus et le sont de plus en plus à mesure que les sociétés vieillissent. Il y a actuellement deux postes vacants pour chaque Américain au chômage, le taux le plus élevé jamais enregistré. Les secteurs américains de l'industrie manufacturière et de l'hôtellerie font état de pénuries de main-d'œuvre de 500 000 et 800 000 respectivement (mesurées par l'écart entre les offres d'emploi et les chômeurs dont le dernier emploi était dans le secteur en question).

La ruée vers les machines

Le problème immédiat pour les économies avancées n'est donc pas un excès d'automatisation, mais un déficit d’automatisation. Une situation exacerbée par le fait que, pour les grandes entreprises, l'automatisation a tendance à être difficile à mettre en pratique. Et il est probable que cela ne sera pas plus facile avec les dernières IA à la mode.

Les bras mécaniques qui exécutent des tâches répétitives comme le soudage, le perçage ou le déplacement d'un objet dans une usine existent depuis des dizaines d'années. Dans le passé, les robots servaient essentiellement le secteur automobile, dont les pièces lourdes et les lots importants avec une variété limitée conviennent parfaitement aux machines. Le secteur de l’électronique, qui a besoin de mouvements précis mais répétitifs, a également été parmi les premiers à adopter les robots.

Plus récemment, la liste des secteurs qui adoptent les robots s'est allongée, observe Jeff Burnstein, président de l'Association for Advancing Automation, un groupe industriel américain. Les progrès en matière de vision par ordinateur ont rendu les machines beaucoup plus adroites, souligne Sami Atiya, qui dirige la division robotique d'ABB, une entreprise industrielle suisse. Des « robots collaboratifs » légers travaillent désormais côte à côte avec des travailleurs humains au lieu d'être enfermés dans des cages, et des véhicules autonomes transportent des objets d'un endroit à l'autre dans les usines et les entrepôts.

Du même coup, le prix des robots a chuté. Le prix moyen d'un robot industriel est passé de 69 000 dollars en 2005 à 27 000 dollars en 2017, estime Ark Invest, un gestionnaire d'actifs. En décembre, ABB a ouvert une ‘méga-usine’ de 67 000 mètres carrés à Shanghai, où des robots fabriquent d'autres robots. Les coûts d'installation ont également baissé, grâce aux nouveaux systèmes ‘sans code’ qui ne nécessitent aucune compétence en programmation, remarque Susanne Bieller, secrétaire générale de la Fédération internationale de robotique (FIR), un autre organisme du secteur.

Conséquence de l'amélioration des technologies et de la baisse des prix, le parc mondial de robots industriels est passé de 1 million en 2011 à près de 3,5 millions en 2021 (voir l‘illustration 2 ci-dessus). Les ventes de Fanuc, un grand fabricant japonais de robots, ont augmenté de 17 % au dernier trimestre, en glissement annuel; celles de Keyence, une société japonaise de conseil en automatisation œuvrant auprès des usines à travers le monde, ont grimpé de 24 %. Bien qu'ils soient retombés de leurs sommets atteints en 2021, lorsque les chefs d'entreprise cherchaient des alternatives à la main-d'œuvre humaine confinée par la covid-19, les cours des actions des fabricants de robots demeurent cinq fois plus élevés qu'avant la pandémie (voir l‘illustration 3 ci-dessous).

Malgré cette croissance, toutefois, le niveau absolu d'adoption reste faible, en particulier dans les pays occidentaux. Selon la FIR, même les entreprises sud-coréennes, qui sont de loin les plus ferventes adeptes des robots dans le monde, emploient dix ouvriers manufacturiers pour un robot industriel, ce qui est encore loin de la vision de M. Musk. En Amérique, en Chine, en Europe et au Japon, le rapport est de 25 à 40 pour un. Selon les consultants de BCG, les 25 milliards de dollars que le monde a consacrés aux robots industriels en 2020 représentaient moins de 1 % des dépenses d'investissement mondiales (à l'exclusion des secteurs de l'énergie et de l'exploitation minière). Les gens dépensent plus pour les jouets sexuels.

La longue durée de vie des équipements industriels limite la rapidité avec laquelle les machines anciennes et inefficaces peuvent être remplacées par de nouvelles plus intelligentes, observe Rainer Brehm, qui dirige la division d'automatisation des usines de Siemens, un géant industriel allemand. De toute façon, la plupart des emplois subalternes dans les économies avancées se trouvent aujourd'hui dans le secteur des services, où les tâches physiques sont plus difficiles à automatiser (voir l‘illustration 4 ci-dessous). Le corps humain, avec ses articulations et ses doigts permettant 244 plans de mouvement, est une merveille de polyvalence. Un robot-type possède six ‘degrés de liberté’ de ce type, observe Kim Povlsen, directeur général de Universal Robots, un fabricant de bras robotisés industriels.

L'automatisation du travail au bureau s'est arrêtée de la même manière, pour des raisons similaires liées aux systèmes existants et à l'inertie des entreprises. En théorie, la numérisation devrait permettre de supprimer l'essentiel de l'intervention humaine dans les tâches routinières comme les commandes de stocks, le paiement des fournisseurs ou l'établissement des comptes.

En pratique, la plupart des entreprises nées avant l'ère numérique utilisent un fouillis de systèmes obsolètes et incompatibles, constate Cathy Tornbohm du cabinet d'études Gartner. Plutôt que de dépenser de l'argent pour que des consultants en informatique viennent démêler ce maquis, de nombreuses entreprises préfèrent externaliser le travail de bureau subalterne dans des pays à faible coût comme l'Inde ou les Philippines. IDC, un autre cabinet d'études, estime le marché des logiciels qui automatisent les tâches de bureau ingrates à 20 milliards de dollars par an, soit un chiffre encore bien inférieur à ce qui est dépensé pour les robots physiques.

L'automatisation au service des citoyens

Avec le temps, de nouvelles innovations devraient permettre de lever certains de ces obstacles. En ce qui concerne les robots physiques, la Corée du Sud, férue de machines, est en bonne voie. Doosan Robotics, l'un des plus grands fabricants de robots du pays, a ouvert son logiciel aux développeurs extérieurs afin qu'ils créent des applications préprogrammées pour ses robots. Ceux-ci sont désormais utilisés pour toutes sortes de tâches, de la préparation du café à la pose de revêtements de sol sur les chantiers de construction. Robert Chicken utilise des bras robotisés pour faire fonctionner les friteuses de ses restaurants de restauration rapide; afin de limiter l'investissement initial des franchisés, l'entreprise leur loue les robots pour environ 900 dollars par mois, ce qui est nettement moins que le coût d'un opérateur humain. Naver, un géant sud-coréen de l'internet, dispose d'une entité qui développe des véhicules robotisés capables de naviguer dans des milieux très fréquentés à l'agencement complexe : une armée de robots de ce type circule déjà pour livrer des paniers-repas et des colis à son personnel.

L'automatisation des opérations bureautiques devient également plus sophistiquée. UiPath, pionnière de l'automatisation des tâches fastidieuses comme le copier-coller de renseignements d'un programme à un autre, propose désormais d'autres outils qui extraient des données sur des documents papier à l'aide d'algorithmes de reconnaissance d'images ou qui schématisent les procédés des entreprises en observant ce que font les travailleurs sur leurs ordinateurs. Rob Enslin, codirecteur d'UiPath, indique que l'entreprise compte déjà 10 000 clients. Power Automate, un outil de Microsoft qui permet au personnel de bureau ayant peu d'expérience en programmation d'automatiser des tâches comme l'approbation de dépenses ou de déplacements, compte aujourd'hui 7 millions d'utilisateurs actifs mensuels, selon Charles Lamanna, responsable de nombreux produits d'automatisation du géant informatique.

Certaines entreprises commencent timidement à adopter l'IA générative. Toutefois, comme pour les robots et l'automatisation des tâches administratives, l'adoption de ces nouvelles technologies ne se fera pas du jour au lendemain. Allen & Overy, un cabinet d'avocats qui a lancé en février un assistant juridique virtuel doté de pouvoirs similaires à ceux de Chatgpt, exige de ses avocats qu'ils vérifient tout ce que le robot dit. CNET, un site d'actualités technologiques, a publié discrètement, à partir de novembre, 73 articles rédigés par un robot, d'abord à la consternation, puis à la joie des journalistes, après que les articles se sont révélés truffés d'erreurs.

La technologie d’IA qui sous-tend les dialogueurs pourrait un jour être un atout pour l'automatisation, estime M. Lamanna. Mais passer de la science-fiction à la science est une chose. Passer de la science à la réalité économique en est une autre.



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