Pourquoi cet article de The Economist a été choisi
La crise de la faim actuelle a atteint des chiffres records, le nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë ayant bondi de plus de 20 %. Les pays les plus touchés par la guerre entre la Russie et l'Ukraine sont les plus pauvres du monde. Les conséquences de la guerre se répercutent partout, tandis que le monde passe de la lutte contre l'inflation des prix des denrées alimentaires au manque de nourriture en raison de la baisse de la production agricole et des contraintes d'approvisionnement. L'inégalité entre les sexes et l'insécurité alimentaire se conjuguant, les femmes et les enfants confrontés à l'aggravation du déficit alimentaire risquent davantage de connaître la pauvreté, des problèmes de santé et de renoncer à la nourriture. Ces répercussions perdureront longtemps malgré la reconstruction des chaînes d'approvisionnement et la baisse des prix des denrées alimentaires.
- Franklin Templeton Institute
LE MONDE entame 2023 avec une crise de la faim. Le Programme alimentaire mondial (PAM), une agence de l'ONU qui coordonne la distribution de l'aide alimentaire, estime que le nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë est passé de 282 millions à la fin de 2021 à un record de 345 millions en 2022. Pas moins de 50 millions de personnes commenceront l'année 2023 au bord de la famine. Et comme les gouvernements sont encore sous le choc de la pandémie de covid-19 et qu'ils sont aux prises avec un ralentissement de la croissance économique, beaucoup de ces personnes pourraient mourir de faim dans les mois à venir.
Jusqu'à présent, le problème tenait davantage à la flambée des prix qu'aux disponibilités. La Russie et l'Ukraine faisaient partie des cinq premiers exportateurs mondiaux de produits à base d'orge, de maïs et de tournesol. Aussi, lorsque la guerre a éclaté, l'approvisionnement de nombreux aliments de base en a sérieusement pris un coup. Les pays les plus touchés étaient parmi les plus pauvres du monde. Le Soudan, la Tanzanie et l'Ouganda, par exemple, dépendaient de la Russie et de l'Ukraine pour plus de 40 % de leurs importations de blé. Mais les répercussions ont été ressenties partout. Les prix alimentaires mondiaux ont grimpé en flèche, et d'autres pays, comme l'Argentine et l'Inde, ont réagi en imposant des restrictions commerciales. Les efforts de secours d'urgence ont été touchés partout, car le PAM achète habituellement la moitié du blé qu'il distribue en Ukraine.
Alors que la guerre se poursuit, les expéditions en provenance d'Ukraine ont repris, puis ont été assujetties à un blocus intermittent. La faiblesse de la croissance économique pèse sur la demande. Et, dans certaines régions, l'inflation commence à diminuer. L'indice des prix des denrées alimentaires de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), qui mesure l'évolution mensuelle des prix internationaux des produits alimentaires de base, a progressivement diminué depuis son niveau record de mars 2022.
António Guterres, secrétaire général de l'ONU, a prévenu que le monde pourrait passer d'une situation de lutte contre l'inflation des prix alimentaires à une situation de manque de nourriture. La production d'engrais azotés s'est effondrée en raison de la réduction des exportations russes de gaz naturel, un ingrédient essentiel. Les agriculteurs utilisent moins d'engrais, changent de culture et réduisent leur production.
En 2023, les gens auront faim pour de nombreuses raisons différentes. Dans les zones de conflit, comme l'Afghanistan, l'Éthiopie ou le Yémen, l'agriculture sera perturbée. En raison des changements climatiques, les phénomènes météorologiques extrêmes, comme les inondations au Pakistan ou la sécheresse dans la Corne de l'Afrique, deviennent plus fréquents. Ailleurs, y compris dans les pays riches comme l'Amérique et la Grande-Bretagne, et dans les grandes nations productrices de denrées alimentaires comme le Brésil et l'Inde, le problème est tout simplement la pauvreté. En raison de l'inflation élevée et du ralentissement de l'économie mondiale, de nombreuses personnes auront du mal à payer la nourriture dont elles ont besoin.
Les conséquences de ces pénuries alimentaires sont sinistres. Avoir faim augmente le risque de maladies chroniques, telles les maladies cardiaques ou le diabète. La malnutrition ne signifie pas seulement que les gens ne mangent pas assez et deviennent maigres. Dans les villes en particulier, ceux qui ne peuvent pas se permettre de manger des repas nutritifs achètent des aliments emballés bon marché à la place, et les pauvres sont de plus en plus exposés au risque d'obésité.
Les femmes sont les plus touchées. Elles sont plus susceptibles d'être pauvres et de renoncer à la nourriture afin de pouvoir nourrir leur famille. La FAO indique qu'en 2021, 31,9 % des femmes dans le monde étaient en situation « d’insécurité alimentaire » modérée ou grave, contre 27,6 % pour les hommes, et cet écart se creuse. Une enquête menée par l'ONG Care révèle comment l'inégalité des sexes et l'insécurité alimentaire entrent en collision. En Somalie, les hommes disent manger des repas plus petits, mais les femmes disent sauter des repas. Le rapport cite une femme au Nigeria. « Nous avons réduit la quantité de nourriture pour tout le monde », dit-elle, « sauf pour mon mari qui est l'homme de la maison ».
Chez les enfants, la faim retarde le développement du cerveau et réduit l'immunité. Il suffit de quelques mois de mauvaise alimentation dans l'enfance pour réduire les espoirs d'une personne de vivre une vie saine et productive. Dans une crèche pour enfants défavorisés de São Paulo, la directrice, Claudia Russo, voit de plus en plus de nourrissons arriver pour le petit-déjeuner le matin, n'ayant rien mangé depuis le déjeuner fourni par la crèche la veille. Ces enfants sont plus petits, plus malades et plus lents. Pour eux, les répercussions de la crise alimentaire actuelle perdureront longtemps après la reconstruction des chaînes d'approvisionnement et la baisse des prix des denrées alimentaires.
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