La raison du choix de cet article paru dans The Economist.
Le prix des actions des géants américains de la technologie a semblé échapper à la gravité pendant des années. Cela a pris fin en 2022. Le présent article expose un ensemble de causes, dont la baisse de la publicité numérique, la forte concurrence provenant de sociétés comme TikTok, et les hausses des taux qui ont mis fin à une décennie d’argent facile. À la suite de cela, de nombreuses entreprises technologiques se sont mises à réduire les coûts et baisser les salaires. De sages décisions qui pourraient porter leurs fruits sur le long terme.
- Franklin Templeton Institute
QUEL QUE SOIT le climat de l’économie, le soleil semblait toujours briller sur la Silicon Valley. Les cinq plus importantes entreprises technologiques des États-Unis – Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon and Meta – ont vu leurs recettes et bénéfices s’accroître cinq fois plus vite que ne s’accroissait le PIB américain dans la décennie précédant 2021. La capacité des entreprises technologiques à prospérer alors que les autres secteurs éprouvent des difficultés a semblé se confirmer pendant les confinements liés à la COVID-19, lorsque les sociétés de la Silicon Valley affichaient des bénéfices record alors même que la majeure partie de l’économie s’effondrait.

La chance a abandonné les entreprises technologiques en 2022. L’année a été difficile pour tout le monde : l’indice S&P 500, un indice des plus importantes sociétés des États-Unis, a perdu un cinquième de sa valeur depuis janvier. Mais les entreprises numériques ont été plus durement touchées encore, l’indice NASDAQ composite, un indice fortement axé sur les technologies, ayant perdu un tiers de sa valeur. La valeur marchande des cinq géants technologiques envisagés ensemble a perdu la somme vertigineuse de trois billions de dollars (voir le graphique 1). L’entreprise qui a enregistré les pertes les plus spectaculaires, Meta, ne fait presque plus partie des grosses entreprises technologiques – elle a perdu près des deux tiers de sa valeur, pour en arriver à une capitalisation boursière dépassant à peine 300 milliards de dollars.
Le fin de l’exception technologique a plusieurs causes. L’une d’entre elles tient au fait qu’après des années de croissance, les marchés numériques sont arrivés à maturité. Prenons la publicité, le moteur d’Alphabet et Meta, et un à-côté qui prend de plus en plus de place chez Amazon, Apple et Microsoft. Au cours des ralentissements précédents, les dépenses de publicité ont diminué, mais les dépenses en publicités numériques n‘ont cessé de croître, les publicitaires transférant leurs budgets des médias traditionnels comme la télévision et les journaux aux publicités en ligne. Aujourd’hui, la majeure partie de cette transition a déjà eu lieu : près de deux tiers des dépenses de publicité aux États-Unis cette année se sont portées sur la publicité numérique. Les plateformes de publicité en ligne sont donc vulnérables par rapport aux changements cycliques qui ont longtemps frappé leurs rivales hors ligne. En juillet, Meta a annoncé pour la première fois une baisse de ses recettes trimestrielles, et en a annoncé une autre en octobre.
Le changement suivant relève de la concurrence. Pendant longtemps, les marchés technologiques ont été des marchés concentrés : Google monopolisait la recherche; Facebook dominait les médias sociaux, et ainsi de suite. Aujourd’hui, la concurrence fait rage. L’une des raisons de la souffrance de Meta a tenu au fait que les nouveaux rivaux, et en particulier TikTok, sont à l’origine de la toute première baisse du nombre d’utilisateurs de Facebook, son réseau social emblématique. Les sociétés technologiques envahissent également plus le terrain des autres. La branche d’informatique en nuage d’Amazon a enregistré un ralentissement brutal de sa croissance, en partie en raison du fait que Google injecte des milliards dans son propre service d’informatique en nuage, acceptant de subir d’importantes pertes afin de s’implanter dans le secteur. Netflix, qui avait la diffusion en continue pratiquement pour elle seule, est maintenant confrontée à la concurrence non seulement de Disney et Warner Bros, mais aussi d’Apple et d’Amazon, qui peuvent dépenser plus généreusement sur le contenu. C’est la raison pour laquelle sa valeur marchande a chuté de 50 % cette année.
Ces changements intervenus dans la structure du secteur technologique ont coïncidé avec les entraves qui sont particulièrement problématiques pour les sociétés numériques. Aux États-Unis, la Réserve fédérale a relevé, dans son combat contre l’inflation, la limite supérieure de son taux directeur à 4,5 %, lui qui était de 0,25 % en janvier. Cela complique la vie de toutes les entreprises. Mais les sociétés technologiques, dont la valorisation reflète le sentiment qu’ont les investisseurs qu’ils vont distribuer des gains considérables à long terme, semblent moins attractives dans un monde où les taux d’intérêt sont élevés, ce qui sape la valeur présente de ses gains promis. Les taux plus élevés se sont avérés particulièrement durs pour le capital-risque (CR) qui fait des paris à long terme sur des entreprises en démarrage non rentables. Selon Preqin, une société de recherche, la valeur des nouvelles opérations faisant appel à du CR était inférieure de 42 % au cours des onze premiers mois de 2022, par rapport à ce qu’elle était à la même période l’année précédente – il s’agit d'une chute plus marquée qu’après la crise financière de 2007-2009.
Les semi-conducteurs ont représenté un autre point sensible dans le secteur technologique. Au cours des deux dernières années, l’approvisionnement en puces s’est renforcé grâce à l’augmentation des capacités des fabricants. Mais au moment où la production de puces croissait, la demande se repliait en raison de la baisse des ventes d’ordinateurs et de téléphones intelligents. L’effondrement du monde des cryptomonnaies a accentué les dégâts, ce qui signifie que les mineurs de devises numériques n’avaient plus besoin des processeurs avancés construits par Nvidia et AMD, deux gros fabricants de puces. Le 21 décembre, Micron Technology, un fabricant américain de puces mémoires, a annoncé une perte trimestrielle et indiqué qu’il allait licencier un dixième de son personnel l’année prochaine.

Les tensions géopolitiques se sont ajoutées à la situation. Les États-Unis ont annoncé plusieurs nouvelles restrictions commerciales sur les exportations équipements pour semi-conducteurs vers la Chine, le premier acheteur de puces au monde. La Chine est également devenue un endroit plus risqué pour conduire ses activités. Avant qu’elle commence à être désamorcée au cours des dernières semaines, la politique draconienne zéro Covid de la Chine avait conduit des usines à subir des confinements soudains. Apple, qui produit la majeure partie de ses gadgets en Chine, transfère continuellement ses nouvelles productions vers l’Inde et le Vietnam. Les soubresauts touchant les chaînes d’approvisionnement ont pesé sur la société à la plus importante valeur marchande au monde, qui malgré ses rendements supérieurs à ceux de ses pairs a néanmoins perdu plus du quart de sa valeur marchande au cours des 12 derniers mois.
Ces difficultés indiquent que l’année à venir sera une année de vaches maigres dans le secteur technologique. La plupart des sociétés technologiques ont pris la résolution de réduire leurs coûts, ce qui signifie souvent qu’elles procéderont à des licenciements (voir le graphique 2). Des sociétés technologiques dans le monde entier ont annoncé plus de 150 000 suppressions d’emploi jusqu’à maintenant en 2022, selon le site Web Layoffs.fyi. Meta représente à elle seule 11 000 de ces suppressions d’emploi. Amazon a dit aux diplômés qui devaient commencer à travailler chez elle en mai 2022 qu’ils auraient à patienter jusqu’à la fin 2023. Alors que le secteur technologique a pu par le passé ressembler à un havre pour les investisseurs et les employés, dans les prochains mois, cela ne devrait pas du tout être le cas.
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Tiré de The Economist, publié sous licence.
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