CONTRIBUTEURS

Sonal Desai, Ph.D.
Chief Investment Officer,
Portfolio Manager

Nikhil Mohan
Economist, Research Analyst
Franklin Templeton Fixed Income

Angelo Formiggini
Economist,
International Research Analyst

David Yuen
Director of Multi-Sector Strategy,
Franklin Templeton Fixed Income

John Beck
Director of Global Fixed Income,
Portfolio Manager
United Kingdom

David Zahn, CFA, FRM
Head of European Fixed Income,
Portfolio Manager
United Kingdom
Dans ce numéro
La Réserve fédérale (Fed) a jeté l’éponge face à la hausse continue de l’inflation américaine, qui s’est encore hissée jusqu’à un nouveau sommet de 40 ans à 8,6 % en mai, tandis que les données récentes ont révélé une montée des anticipations d'inflation et une intensification des pressions salariales.1 La banque centrale avait préparé les marchés à une hausse de 50 points de base (pb) des taux d'intérêt lors de sa réunion de juin ; or, deux jours seulement avant cette réunion, elle a soudainement annoncé un relèvement plus marqué, avec un geste de 75 pb. Les prix du marché se sont rapidement ajustés et la Fed a procédé à son geste de 75 pb, admettant que les risques d'inflation restent orientés à la hausse, et a augmenté de 150 pb le niveau du taux directeur escompté pour fin 2022.
La banque centrale américaine a de facto renoncé aux orientations prospectives, bouleversant ainsi son mode de fonctionnement habituel. Ces dix dernières années, elle a en effet tenu les marchés financiers par la main en s'engageant à l'avance sur une trajectoire de politique tout en affirmant que la politique monétaire serait déterminée par les données. L'incohérence intrinsèque de cette approche est désormais apparue au grand jour. La Fed s'est trouvée contrainte de surprendre les marchés et, lors de la conférence de presse du Federal Open Market Committee (FOMC) de juin, son président Jerome Powell a souligné le caractère très incertain de l'environnement économique à venir. Il nous semble hautement probable que d’autres surprises offensives soient à prévoir, étant donné que même avec la trajectoire politique actuellement escomptée, les taux d’intérêt réels se maintiendraient en territoire négatif une bonne partie de l’année prochaine.
La Banque centrale européenne (BCE) a fait savoir qu'elle entamerait son cycle de resserrement en juillet, probablement par un geste de 25 pb, et a laissé entendre que ce durcissement pourrait aller au-delà des attentes observées jusqu'à présent. L'inflation s'est également accélérée dans la zone euro, inscrivant un nouveau record historique de 8,1 % en mai.2 L’adoption d’une politique monétaire plus restrictive a déclenché un élargissement des spreads sur les obligations d'État des pays périphériques, lequel fait écho à la crise de 2012. Lors d'une réunion d'urgence, la BCE a annoncé la préparation d’un « outil anti-fragmentation » visant à limiter la pression du marché sur les pays très endettés. Grâce à cet outil, la banque centrale, qui accuse un certain retard vis-à-vis de ses consoeurs mondiales en matière de resserrement monétaire, devrait bénéficier d’une plus grande marge de manoeuvre. La dynamique des salaires au second semestre, en particulier en Allemagne, pourraient bien jouer un rôle crucial dans la détermination de l'ampleur des hausses de taux cette année et début 2023.
Les risques baissiers pesant sur la croissance se sont intensifiés. Les consommateurs américains disposent encore d'un bon matelas financier, mais le maintien d'une inflation élevée finira par comprimer le pouvoir d'achat ; la croissance du produit intérieur brut (PIB) marquera selon nous le pas courant 2023 et deviendra probablement négative d'ici la fin de l'année. Dans la zone euro, la guerre qui perdure en Ukraine et la flambée des prix de l'énergie ont entamé la confiance ; en revanche, l'épargne robuste des ménages devrait soutenir les dépenses de services et atténuer le ralentissement de la croissance pour le reste de l'année et début 2023. Nous continuons de penser que les bilans des États, des entreprises et des consommateurs sont suffisamment solides pour empêcher une contraction franche de la croissance économique mondiale au cours des prochains trimestres, mais nous envisageons désormais un ralentissement sensible de la croissance à l'approche de 2023, compte tenu de la politique monétaire restrictive que réclame la lutte contre des pressions inflationnistes croissantes.
Les marchés financiers sont contraints de s'adapter à une réalité très différente, avec des taux d'inflation élevés qui n'avaient pas été observés depuis plusieurs décennies, des taux directeurs en hausse et un durcissement des conditions de liquidité - un scénario que nous annonçons depuis un certain temps. Des taux d'inflation obstinément élevés ne permettent plus aux grandes banques centrales de donner la priorité au soutien des prix des actifs, ce qui crée un environnement plus complexe pour les investisseurs.
Pour le moment, les fondamentaux solides des souverains et des entreprises apportent un soutien, et les valorisations des obligations sont devenues plus attrayantes compte tenu de la forte augmentation des rendements et des spreads de crédit, mais l'incertitude ambiante et la perspective probable d'une décélération de la croissance pourraient se traduire par des primes de risque plus importantes dans tous les segments à spread. Alors que les banques centrales et les marchés s'attendent désormais à de multiples hausses et à des taux plus élevés sur l'ensemble de la courbe, nous continuons de penser que les rendements des actifs sans risque resteront sous pression, tout comme les segments à forte duration de l'univers obligataire. Comme nous le constatons depuis un certain temps, une approche d'investissement active, axée sur la recherche et sélective devrait constituer la meilleure arme des investisseurs pour faire face à l'incertitude croissante. Nous avons encore revu à la baisse nos perspectives de risque, désormais modérément baissières, et pensons que les investisseurs doivent se préparer à des épisodes de volati¬lité importante. Il reste néanmoins des opportunités, et nous pensons que les marchés obligataires offriront un potentiel de création de revenus bien plus intéressant dès lors que la durée et la gravité du ralentissement économique auront été mieux cernées. Nous recommandons aux investisseurs de garder de la « poudre sèche » disponible pour la déployer dès que des opportunités attrayantes se présentent.
Thèmes macroéconomiques
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L'inflation est devenue un souci macroéconomique majeur
Les indices d'inflation globale ont atteint de nouveaux sommets depuis plusieurs décennies, tant aux États-Unis que dans la zone euro, et les hausses de prix sont devenues plus durables et plus généralisées. Les anticipations d'inflation ont progressé, les salaires se sont accélérés aux États-Unis et des négociations salariales cruciales sont prévues dans la zone euro. L'inflation persistante rogne le pouvoir d'achat et ajoute une nouvelle couche d'incertitude dans les décisions d'investissement réelles et financières.
- Les banques centrales se démènent pour reprendre le contrôle...
Après avoir sous estimé les risques d'inflation, les grandes banques centrales s'efforcent maintenant de reprendre le contrôle sur la dynamique des prix et de regagner en crédibilité. Alors que l’inflation est à son plus haut niveau depuis plusieurs dizaines d’années, la politique monétaire reste extraordinairement accommodante et il nous semble que les banques centrales vont devoir accélérer le durcissement, ce qui ouvre la voie à de nouvelles surprises offensives.
- …tout en gérant les risques qui menacent la croissance et la stabilité financière
Le resserrement important et rapide de la politique monétaire dont nous aurions besoin pour endiguer l'inflation implique des risques significatifs. La BCE est une fois de plus confrontée à l'élargissement des spreads sur les obligations périphériques. Aux États-Unis et dans le monde entier, la croissance économique, encore vigoureuse, devrait ralentir et nous pensons que les risques d'observer une récession au cours des 18 à 24 prochains mois augmentent.
Thèmes du portefeuille
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Se préparer à de nouvelles surprises offensives, conserver une exposition courte à la duration
La politique monétaire nous semble encore bien trop accommodante, et la trajectoire prévue par la Fed s'accompagnerait de taux directeurs réels négatifs durant la plus grande partie des efforts de désinflation. Même après la récente revalorisation, les investisseurs doivent intégrer un important risque d'assister à un resserrement de politique monétaire plus marqué que ce qui est actuellement prévu. Le fait de limiter la duration reste l'un des principaux thèmes sous-jacents de notre stratégie pour se prémunir d’une nouvelle hausse des rendements au-delà du consensus. Les investisseurs devraient également se tourner vers des classes d'actifs capables de continuer à fournir de la valeur en période de hausse des taux.
- Surveiller les fondamentaux et monter en gamme en termes de qualité
Les États, les entreprises et les consommateurs affichent actuellement des bilans solides. À l'avenir, cependant, le ralentissement de la croissance économique et le durcissement des conditions de liquidité soumettront les fondamentaux à de fortes tensions et pourraient entraîner une hausse des primes de risque dans les segments à spread. Nous sommes susceptibles d'observer une surperformance des investissements de meilleure qualité, moins cycliques, moins sensibles à un ralentissement de la demande et offrant une plus grande protection contre une éventuelle faiblesse des fondamentaux.
- Conserver de la poudre sèche pour saisir les opportunités
Comme nous le pressentions, nous sommes entrés dans une phase d’incertitude macroéconomique croissante et de hausse des des taux réels qui conduiront à un regain de volatilité dans plusieurs secteurs des marchés obligataires, et il est impératif que les investisseurs adoptent une approche agile et active. Nous recommandons aux investisseurs de conserver de la « poudre sèche » afin de profiter des opportunités intéressantes qui se présenteront à mesure que nous en saurons davantage sur la durée et la gravité du cycle de resserrement monétaire et du ralentissement économique.
Notes de fin
- Sources : Bureau of Labor Statistics (BLS), Banque de la Réserve fédérale de New York.
- Source : Eurostat
QUELS SONT LES RISQUES ?
Tout investissement comporte un risque, notamment celui de ne pas récupérer le capital investi. La valeur des investissements peut fluctuer à la baisse comme à la hausse et les investisseurs ne sont pas assurés de récupérer la totalité de leur mise initiale. Les prix des obligations évoluent généralement dans le sens opposé des taux d’intérêt. Ainsi, lorsque les taux d’intérêt augmentent, la valeur d’un portefeuille obligataire peut reculer. Le prix et le rendement d'un titre adossé à des créances hypothécaires (MBS) varieront en fonction de l'évolution des taux d'intérêt et des remboursements anticipés d'hypothèques. En période de baisse des taux d'intérêt, les remboursements anticipés de capital ont tendance à augmenter à mesure que les emprunteurs refinancent leurs prêts hypothécaires à des taux plus bas ; par conséquent, les investisseurs en MBS peuvent être obligés de réinvestir le capital remboursé à des taux d'intérêt plus bas, réduisant ainsi leur revenu. Un MBS peut être affecté par des emprunteurs qui ne versent pas les intérêts et ne remboursent pas le capital à l'échéance. La valeur d'un MBS peut varier en fonction de l'assise financière de son émetteur ou de sa notation de crédit. Les investissements à l'étranger comportent des risques spécifiques, tels que les variations des taux de change, l'instabilité économique et l'évolution de la situation politique. Les investissements sur les marchés émergents présentent d'ailleurs des risques accrus par rapport aux mêmes facteurs, en plus de ceux associés à leur taille inférieure et à leur liquidité plus limitée. Les placements dans des secteurs à forte croissance comme la technologie (secteur historiquement volatil) peuvent connaître des fluctuations boursières accrues, notamment sur le court terme, en raison de la vitesse de développement des produits et des évolutions des réglementations publiques dans le sillage d'avancées scientifiques ou technologiques. La valeur d'une obligation peut varier en fonction de l'assise financière de son émetteur ou de sa notation de crédit. Les rendements élevés reflètent les risques de crédit accrus associés à certains titres de qualité moindre au sein du portefeuille. Les prêts à taux variable et les obligations d'entreprise à haut rendement ont des notes inférieures à Investment Grade et comportent un risque de défaut supérieur qui peut entraîner la perte du capital investi (ce risque augmente si l'économie ralentit).
