CONTRIBUTEURS

Francis A. Scotland
Director of Global Macro Research, Brandywine Global

Jack P. McIntyre, CFA
Portfolio Manager, Brandywine Global

Brian L. Kloss, JD, CPA
Portfolio Manager, Brandywine Global
United States

Tracy Chen, CFA, CAIA
Portfolio Manager,
Brandywine Global
Patrick Kaser, CFA
Managing Director & Portfolio Manager,
Brandywine Global
Les perspectives des marchés de change internationaux de Francis Scotland : Le dénouement du dollar
Les perspectives du crédit mondial de Brian Kloss: Réinitialisation des valorisations
Les perspectives du crédit structuré de Tracy Chen : Approche défensive et prudente
Les perspectives des actions de Patrick Kaser : Aucune raison évidente d’être optimiste... jusqu’ici
Perspectives macroéconomiques : Pleins gaz puis debout sur les freins : la politique panique à nouveau
Francis A. Scotland
La Réserve fédérale (Fed) veut sauter sur les freins, un revirement à 180° après deux ans de stimulation à outrance de l’économie américaine. Ce volte-face passant d’un optimisme exubérant à des orientations dépressives sent la panique. Je pense que la Fed change de cap par rapport à l’année passée le plus rapidement possible pour compenser une grossière erreur de jugement, une mauvaise interprétation de l’inflation et pour réparer sa crédibilité en lambeaux. Les responsables politiques qui avaient salué l’importance politiquement correcte que la Fed accordait à l’emploi l’année passée souhaitent à présent que la banque centrale fasse quelque chose contre les ravages que l’inflation découlant de cette stratégie a causés sur les revenus réels. Nous pensons que les banques centrales des autres pays développés vont lui emboîter le pas. L’équipe qui a eu « tout faux » va-t-elle à présent régler le problème... Ou simplement en créer un nouveau ? Allons-nous passer d’un excès inflationniste à un contrecoup récessionnaire ?
En début d’année, nous avons esquissé une feuille de route macroéconomique réclamant le retour à la normale d’un grand nombre des macrotendances anormales de l’année passée. Pour 2021, ces anomalies étaient notamment : une croissance économique extraordinairement rapide, des soutiens politiques hyperexpansionnistes et l’inflation la plus élevée depuis 40 ans. Notre feuille de route prévoyait un ralentissement considérable de la croissance, une plus grande retenue des politiques et, en conséquence, un retrait de l’inflation. Nous avions observé qu’un retournement complet des anomalies de 2021 provoquerait sans doute un contrecoup brutal.
Le revirement abrupt de la politique de la Fed est conforme à cette feuille de route. Le moment choisi pour ce revirement et son ampleur augmentent toutefois la probabilité d’un contrecoup économique. La politique est devenue procyclique. L’approche extrême de l’année passée a été source d’inflation. La réaction politique de cette année engendre un risque inverse.
- L’année passée, les États-Unis et la plupart des autres économies développées ont enregistré une croissance extrêmement élevée en début d’année et une hausse de l’inflation par la suite. Au lieu d’appuyer progressivement sur les freins ou de résister tout simplement à la tentation de stimulus supplémentaires, les autorités américaines ont ajouté 3 000 milliards de dollars de soutien budgétaire direct. La Fed a acheté toute la dette utilisée pour financer les distributions, et elle a ajouté des milliers de milliards à son bilan alors même que l’inflation s’envolait vers la fin de l’année. Les autres pays développés ont suivi, avec pour conséquence l’inflation la plus élevée depuis 40 ans.
- Cette année, l’économie mondiale affiche un très net ralentissement. La Chine connaît une contraction économique provoquée par l’homme. Les pays émergents approchent du point de rupture après plusieurs cycles de resserrement visant à maîtriser l’inflation. Une multiplication des coûts de l’énergie a étranglé la croissance européenne. On imagine difficilement comment les États-Unis pourraient échapper à cette tendance à l’heure où les revenus disponibles réels baissent sous l’effet d’une hausse des prix qui dépasse celle des salaires et des revenus. Les cours des marchés de capitaux intègrent déjà un net ralentissement, ce qui a considérablement durci les conditions financières. Et pourtant, la Fed semble tout aussi dogmatique quant au resserrement des conditions monétaires qu’elle était convaincue du contraire l’année passée. De même, la Banque centrale européenne (BCE) se prépare à durcir sa politique avec une économie au bord de la récession, voire même déjà en récession. Malgré la confiance idéaliste du président de la Fed Jerome Powell dans la capacité de celle-ci à assurer un atterrissage en douceur, la réalité indique que la probabilité d’une récession aux États-Unis est en hausse.
La contribution des problèmes d’offre à l’inflation actuelle vient compléter les perspectives actuelles de l’inflation. Ces facteurs sont notamment les perturbations des chaînes d’approvisionnement internationales, les problèmes de distributions, les facteurs ESG, l’énergie et la main-d'œuvre. La politique macroéconomique moderne ne peut pas faire grand-chose pour régler les problèmes au niveau de l’offre et s’efforce surtout de manipuler la demande, ce qui, dans ce contexte, suppose de faire baisser la demande pour la rapprocher de l’offre. Ce n’est pas un hasard si les pires récessions de l’après-guerre ont eu lieu au milieu des années 1970 et au début des années 1980, lorsque l’inflation était fortement influencée par les chocs d’approvisionnement en énergie. Les perspectives d’investissement dépendent donc réellement de la persistance ou non d’une inflation élevée.
Perspectives des marchés obligataires internationaux : tout est une question d’inflation
Jack P. McIntyre, CFA
Au risque de m’avancer un peu, je pense que le deuxième semestre 2022 ne sera pas aussi mauvais que le premier pour les obligations des marchés développés. Les mathématiques obligataires ne le permettront pas. Contrairement à ce qui s’est produit sur les marchés obligataires des pays développés au tournant de l’année 2022, lorsque les obligations’ n’offraient pas de coupon important (le coupon était essentiellement nul), les temps ont changé. Les obligations offrent désormais un coupon correct qu’il est possible de réinvestir à des taux plus élevés à court terme, ce qui assure une certaine protection du rendement total d’une obligation. Cette caractéristique de revenu est l’une des principales raisons qui font que les obligations sont typiquement plus défensives que les actions et qu’elles pourraient attirer du capital à l’avenir. C’était la bonne nouvelle. La mauvaise est que les taux des coupons restent très peu élevés par rapport aux taux d’inflation actuels. L’inflation, qui était censée atteindre son maximum au deuxième trimestre, est plus persistante que la plupart des observateurs ne l’avaient prévu. Il va falloir bien plus que des effets de base, ou des variations de prix relatives, pour faire baisser sensiblement l’inflation. Nous continuons de penser que l’inflation est proche de son point maximum en raison d’une conjonction de facteurs tels que la forte constitution de stocks, le fléchissement de la demande en biens, le pic de prix des matières premières, le ralentissement de l’économie mondiale et la destruction de richesse. Les observateurs des obligations, dont nous sommes, tentent encore de deviner de combien l’inflation va retomber au deuxième semestre de l’année, et surtout à quel niveau elle va se stabiliser l’année prochaine et en 2024. Cette perspective à plus long terme a une incidence sur les taux obligataires actuels étant donné que le marché obligataire est toujours plus prospectif.
On a observé un revirement de tendance parmi les banques centrales des marchés développés, Fed en tête, au premier semestre de l’année. Les colombes du Federal Open Market Committee (FOMC) ont commencé à s’inquiéter tout autant de l’inflation que les faucons. Les membres de la Fed ne considèrent plus désormais l’inflation comme « transitoire », et semblent vouloir supprimer le soutien de politique monétaire au plus vite. Tous les outils existants de durcissement monétaire sont mis en œuvre, notamment le resserrement des conditions financières provoqué par la baisse des actions et des cryptodevises, et rien ne laisse présager de nouveaux achats par la Fed. Cette évolution, en conjonction avec une forte hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, met à mal les consommateurs à tous les niveaux de revenus. Ces consommateurs frustrés vont-ils décider de fermer leurs portefeuilles ?
La Fed n’est pas bien placée pour combattre l’inflation par les coûts, l’un des principaux moteurs de l’inflation actuelle. Ses outils sont conçus pour influencer l’inflation par la demande, ce qui signifie qu’elle va devoir faire baisser la demande des consommateurs et des entreprises. En bout de course, cette destruction de la demande augmente la probabilité d’une récession l’année prochaine. Nous pensons que les problèmes d’approvisionnement devraient se régler au deuxième semestre et en 2023. L’une des causes principales de la hausse des prix des matières premières a été le conflit entre la Russie et l’Ukraine, qui sont toutes deux d’importants exportateurs de matières premières. Malheureusement, nul n’est en mesure de prévoir quand cette guerre prendra fin. Entre-temps, l’état des récoltes du monde entier a gagné en importance pour les gérants obligataires pour l’année à venir. L’évolution de la politique « zéro COVID » de la Chine aura également un impact sur l’inflation, du point de vue de l’offre étant donné le rôle de chaîne d’approvisionnement du pays dans le processus manufacturier international, mais aussi du point de vue de la demande avec le retour d’1,4 milliard de consommateurs.
La courbe des taux devrait continuer de s’aplatir et va probablement s’inverser à mesure que les banques centrales des marchés développés, chargées d’assurer la stabilité des prix, continuent d’augmenter leurs taux au deuxième semestre de l’année (voir la Figure 1). Nous savons que la Fed n'a aucune objection à une baisse des cours des actions. Ainsi, quand le président de la Fed Jerome Powell parle d’un resserrement des conditions financières, nous y voyons un message codé indiquant qu’il n’y aura pas d’achats par la Fed. La Fed a récemment fait comprendre que les décideurs politiques ne voient pas non plus d’objection à ce que le chômage augmente.

Une fois encore, tout est une question de stabilité des prix ces temps-ci. La Fed n’a qu’une seule mission pour le reste de l’année 2022 et 2023, et c’est de faire baisser l’inflation à tout prix. Cette obsession est en train de faire de la banque centrale une « Fed à la Volcker » plutôt qu’une « Fed à la Burns ». Mais pour le moment, on ne peut pas s’attendre à un « put Greenspan ». Cette Fed sait que l’impact des marchés d’actions sur l’économie réelle est plus important aux États-Unis étant donné que le patrimoine placé en actions représente le pourcentage le plus élevé de la richesse totale depuis 80 ans. La baisse des valorisations des actifs va avoir un impact négatif plus important sur l’économie américaine par rapport aux autres économies des marchés développés sous l’effet du niveau de confiance des consommateurs (voir la Figure 2).

Comment se positionner dans les obligations au deuxième semestre ? L’équipe Brandywine Global aborde la deuxième moitié de l’année avec une conviction nettement moindre du point de vue du positionnement en obligations des marchés développés. Aux États-Unis en particulier, nous gérons notre position obligataire avec une approche rare consistant à présenter une contribution de duration similaire à celle de l’indice de référence. Ce positionnement n’est pas un signe de conviction directionnelle, mais signale plutôt la patience d’attendre de voir comment va évoluer la dynamique de l’inflation. Nous attendons des signes qui nous diront si cette hausse de l’inflation est purement cyclique ou si nous assistons à la fin de la tendance déflationniste séculaire. Mais nous discutons davantage du moment idéal pour acheter des obligations plutôt que pour vendre des bons du Trésor. Les taux commencent à avoir une incidence néfaste sur les décisions économiques aux États-Unis, un effet typique du cycle de rétroaction. Ces cycles de rétroaction sont des déterminants essentiels de nos décisions d’investissement.
Nous continuons de sous-pondérer la duration en Europe. La durcissement de la politique de la BCE face à l’inflation nous a impressionnés, mais la différence de valorisation entre les bons du Trésor américain et les obligations du cœur de l’Europe fait que nous maintenons une sous-pondération relative pour le moment. Les marchés obligataires périphériques européens semblent intéressants étant donné l’annonce par la BCE de son inquiétude concernant le risque de fragmentation. Les marchés vont mettre cette position à l’épreuve en provoquant un creusement des spreads, mais cela pourrait représenter une opportunité d’achat. La question clé est de savoir si les gouvernements d’Europe septentrionale vont soutenir cette évolution « anti-fragmentation », une démarche qui risque d’être impopulaire sur le plan politique. Ailleurs, la Banque du Japon achète actuellement des volumes record d’obligations d’État japonaises à l’appui de sa stratégie de contrôle de la courbe des taux. Elle sera mise à l’épreuve par le marché, mais elle tient bon pour le moment. Nous ne percevons aucune valeur dans les obligations d’État japonaises étant donné que, selon nous, la symétrie risque/rendement tend vers une hausse des taux sur la deuxième moitié de cette année.
Quand (et non pas si) l’inflation va retomber en 2022 ou 2023, les obligations des marchés émergents (ME) pourraient bien offrir le potentiel de rendement le plus élevé. Les taux nominaux et réels sont intéressants par rapport à leurs niveaux historiques (voir la Figure 3). Exception faite de la Turquie, les banques centrales des marchés émergents ont été parmi les premières à durcir leurs politiques pour combattre l’inflation, ce qui a renforcé la crédibilité de ces marchés. Et leur travail n’est pas terminé. Nous pensons que, contrairement à la Fed, plusieurs banques centrales des marchés en développement vont ramener leurs taux directeurs réels en positif, ce qui attirera les capitaux étrangers vers leurs marchés obligataires et d’actions sur une base non couverte. Ce scénario pourrait commencer à se réaliser vers la fin 2022.

L’un des principaux facteurs déterminants de l’inflation mondiale et des taux obligataires sera l’évolution des prix de l’énergie dans le monde entier au deuxième semestre de cette année (voir la Figure 4). Les prix de l’énergie pourraient bien avoir l’impact le plus important sur les attentes d’inflation, en particulier dans le monde développé, et les réactions des banques centrales entraînent bien souvent des récessions. Il est vrai que la guerre russo-ukrainienne a un impact sur le point de stabilisation à venir des cours du brut, mais cet impact pourrait bien ne pas être si important. Après tout, les exportations de pétrole par la Russie ont presque retrouvé leurs niveaux d’avant l’invasion (voir la Figure 5). La baisse des cours du pétrole sera due à la destruction de la demande et non à des facteurs d’offre.


Devises mondiales : le dénouement du dollar
Francis A. Scotland
Depuis le début de l’année passée, le dollar américain affiche une solidité qui fait fi du creusement des déficits commerciaux, des taux d’intérêt réels négatifs historiques et de la crainte croissante de voir l’exploitation du dollar comme arme pour infliger des sanctions à la Russie saper le rôle de devise de réserve mondiale que joue de facto le billet vert. Qu’est-ce qui soutient le dollar, et quelle sera la suite ?
Le capital est attiré avant tout par la croissance, ce qui signifie que les marchés de change haussiers se présentent habituellement dans les économies affichant une croissance supérieure aux autres. Ce processus se limite de lui-même étant donné que, ceteris paribus, la hausse de la devise sape la compétitivité de l’économie, ce qui limite le retour sur investissement du capital qui vise à profiter des opportunités de croissance. Ce recul de la compétitivité peut se manifester de différentes façons. L’affaiblissement de la balance extérieure en est une : les déficits persistants sapent la vitalité de l’économie, et le creusement du déficit freine directement la croissance.
Les États-Unis tirent la croissance mondiale depuis un an et demi, et la force du dollar n’en est qu’une conséquence logique. En Chine, à l’inverse, l’économie est en repli. L’Europe, qui n’a jamais connu une relance aussi prononcée que les États-Unis, a grandement souffert des chocs énergétiques exacerbés encore par la guerre russo-ukrainienne. La banque centrale japonaise a résisté à la pression à la hausse des taux obligataires parce que l’inflation et la forte croissance n’ont pas été les éléments marquants de son économie. Pendant ce temps, le yen a chuté à son niveau le plus bas en 20 ans. Le monde émergent a récemment augmenté ses taux d’intérêt pour combattre l’inflation, amenant certaines de ces économies au point de rupture.
Mais les États-Unis ne sont pas une île. La force du dollar est un facteur clé de réduction des différences de croissance dans l’économie mondiale, ce qui signifie que les conséquences de la hausse affichée depuis un an par le dollar sont en train de changer.
L’économie américaine est en train de ralentir, et les risques de récession augmentent. La force du dollar, l’érosion des revenus disponibles réels et le resserrement des conditions financières sont autant de facteurs influant sur la situation. Qui plus est, la Fed a complètement changé son fusil d’épaule. Après une focalisation aussi dogmatique que progressiste sur l’emploi et sur un soutien à une approche économique basée sur la théorie monétaire moderne (Modern Monetary Theory, MMT), elle a finalement décidé de faire retomber l’inflation malgré l’influence des perturbations du côté de l’offre. De nombreux experts pensent que la croissance pourrait ralentir fortement si les conditions de l’offre ne s’améliorent pas. Pendant ce temps, les autorités chinoises intensifient les mesures de stimulation, mais tout rebond de croissance sera freiné par la manière dont les autorités continuent à gérer la pandémie.
À l’heure où le dollar menace de passer la limite supérieure de sa fourchette sur sept ans et où la plupart des métriques indiquent des décotes assez importantes de nombreuses autres devises par rapport au billet vert, le décor pourrait être en place pour une rechute du dollar vers sa fourchette de négociation historique. Un facteur qui pourrait empêcher cette évolution, temporairement du moins, est l’intention de la Fed de réduire son bilan. La baisse de liquidité du dollar pourrait maintenir celui-ci à son sommet pendant plus longtemps avant tout repli important, d’autant plus que la dynamique économique mondiale ralentit et que le monde flirte avec une récession.
Crédit mondial : réinitialisation des valorisations
Brian L. Kloss, JD, CPA
Les marchés mondiaux des crédits d’entreprises ont connu un premier semestre 2022 difficile, et l’attention des investisseurs se porte à présent sur le deuxième semestre.
Fondamentalement, les entreprises ont généralement entamé l’année 2022 en bonne santé financière, avec des bilans solides, un endettement modéré et une amélioration des ratios de couverture des intérêts. Leurs clients étaient également en bonne santé financière. L’inflation est restée obstinément élevée et les problèmes de chaînes d’approvisionnement ne se sont pas atténués comme prévu dans un premier temps, de sorte que les équipes de direction doivent désormais relever le défi de prévoir l’impact des prix élevés des matières premières et autres intrants sur leurs marges. Elles doivent aussi évaluer la résilience de leurs clients face à la hausse de l’inflation globale. Pour l’avenir, il faut s’attendre à un ralentissement de l’activité économique sous l’effet d’une politique monétaire de la Réserve fédérale visant à combattre l’inflation, ce qui entraîne la possibilité d’une récession technique.
Tandis que le premier semestre a été marqué par une modification de la politique monétaire visant à juguler l’inflation, le deuxième semestre sera placé sous le signe d’une tension permanente entre croissance et inflation : les craintes d’une récession face aux signes que l’inflation pourrait être transitoire ou avoir déjà passé son sommet. Vu la réinitialisation considérable des valorisations des obligations d’entreprises, nous pensons que les investisseurs obligataires pourraient voir des rendements intéressants dans cette classe d’actifs à l’avenir. Lors des récessions passées (voir la Figure 6), à l’exception de 2020, les obligations d’entreprises ont généralement affiché une résilience séduisante aussi bien pendant la récession elle-même qu’au cours des mois qui ont suivi, en particulier par comparaison aux actions.

Les indices ne sont pas gérés et il est impossible d’y investir directement. Ils ne tiennent pas compte des frais, dépenses ou droits d’entrée. Mentions et conditions importantes du fournisseur de données disponibles sur www.franklintempletondatasources.com
Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures.
Les actifs tels que les crédits d’entreprises vont probablement rester volatils dans ce contexte difficile et incertain, ce qui souligne l’importance de notre approche d’allocation sélective et nuancée pour la sélection des instruments de crédit. Tandis que les taux de défaillance restent proches de leurs points les plus bas, le risque accru de récession a exacerbé la crainte d’une augmentation des taux de défaillance. Nous avons affirmé précédemment que les fondamentaux solides devraient aider les entreprises à résister aux risques macroéconomique et que les taux de défaillance devraient rester modestes, et c’est toujours notre avis. Dans l’univers de moins bonne qualité du crédit d’entreprises à haut rendement, nos modèles exclusifs prévoient des taux de défaillance toujours gérables, en particulier au regard de la perte attendue pour cause de défaillance actuellement intégrée aux cours du marché.
Nous continuons de percevoir des opportunités dans les différents secteurs et titres. Nos recherches fondamentales rigoureuses privilégient les entités qui conservent selon nous des fondamentaux solides et des actifs de grande valeur et qui sont dirigées par des équipes compétentes. À la lumière des pressions actuelles sur la demande et les prix, les producteurs d’énergie et d’autres matières premières gardent le vent en poupe. Il faut cependant suivre de près les valorisations. Nous continuons en outre de rechercher les entreprises dotées d’un pouvoir important de fixation des prix et capables de gérer efficacement l’augmentation des coûts de leurs intrants. Les titres de moins bonne qualité dans le secteur des biens de consommation discrétionnaire nécessitent une certaine prudence étant donné que le consommateur pourrait voir ses revenus disponibles diminuer au cours des prochains trimestres.
Même si nous sommes optimistes quant aux rendements futurs des marchés du crédit à la lumière de la correction de cours récente des actifs risqués, nous continuons d’appeler à la prudence tandis que la Réserve fédérale poursuit sa lutte contre l’inflation. Comme de nombreux membres de la Fed l’ont annoncé publiquement, jusqu’à l’apparition de signes clairs indiquant que l’inflation est maîtrisée, une approche prudente mais opportuniste est de rigueur.
Crédit structuré : approche défensive et prudente
Tracy Chen, CFA, CAIA
Les valorisations ont fortement baissé sur l’ensemble du marché des crédits structurés, et le secteur a sous-performé le crédit d’entreprises lors du redressement du mois de mai. Le spread entre les titres adossés à des créances hypothécaires d’agences (MBS) et les bons du Trésor à 7 ou 10 ans s’est creusé de plus de 50 points de base (pb) depuis son minimum et intègre en partie le resserrement quantitatif de la Réserve fédérale. Hors agences, les segments aux notations AAA et aux notations BBB et inférieures du marché du crédit structuré présentent des valorisations intéressantes par rapport à leur historique de négociation et aux obligations d’entreprises comparables (voir les Figures 7 et 8).


Des fondamentaux toujours solides dans l’immobilier résidentiel :
La forte hausse des taux hypothécaires au premier semestre 2022 et les hausses de prix à deux chiffres ont rendu l’acquisition de logements moins accessible. Le marché de l’immobilier résidentiel a fortement ralenti en conséquence, y compris les ventes en attente de logements neufs et existants. Nous pensons que la hausse des prix des logements devrait se modérer mais qu’elle pourrait rester entre 5 et 10 % en 2022, sans effondrement des prix des maisons à prévoir dans un avenir proche selon nous. Par comparaison avec la bulle immobilière qui a abouti à la crise financière mondiale, nous pensons que les prix de cette dernière flambée immobilière reposent sur des bases solides. Qui plus est, les normes d’octroi de prêts restent rigoureuses après la crise financière mondiale.
Des ménages en bonne santé financière :
Les fondamentaux du crédit ont commencé à se rapprocher de leurs niveaux pré-COVID étant donné que les consommateurs ont dépensé l’épargne accumulée grâce aux aides publiques généreuses et aux effets de richesse provoqués par la hausse des cours des actifs. Le patrimoine immobilier accumulé de plus de 25 000 milliards de dollars et l’épargne excédentaire d’environ 2 500 milliards de dollars depuis mars 2020 continuent d’offrir une protection contre le resserrement à venir par la Fed. Le ratio d’obligations financières reste proche de ses points bas historiques (voir la Figure 9). Nous commençons toutefois à observer un certain stress chez les faibles revenus : les taux de non-paiement dans les titres adossés à des actifs (ABS) subprime dans l’automobile sont en augmentation parmi les emprunteurs présentant des scores FICO peu élevés.

Divergence sur le marché de l’immobilier commercial :
Les fondamentaux de l’immobilier commercial se sont nettement améliorés au cours de l’année écoulée, dopés par le déploiement des campagnes de vaccination et l’accélération de la croissance économique (voir la Figure 10). La divergence des performances entre les biens « populaires » et ceux plus « luxueux » perdure, en particulier dans les secteurs du commerce de détail, des bureaux et des hôtels. La hausse des taux d’intérêt pourrait freiner la forte hausse des prix de l’immobilier commercial. Nous pensons que les prix devraient ralentir tout en restant élevés, grâce principalement aux immeubles résidentiels plurifamiliaux, au segment industriel et même aux hôtels. Les bureaux et les locaux de commerce de détail pourraient continuer à souffrir par comparaison. Nous pensons qu’il existe des liquidités abondantes en attente d’investissement à l’occasion d’une baisse de l’immobilier commercial en raison des taux de capitalisation intéressants et du rôle du secteur en tant que couverture contre l’inflation.

Risque extrême plus élevé pour les titres d’entreprises et CLO :
Nous pensons que les emprunts avec effet de levier devraient sous-performer les titres d’entreprises à haut rendement et investment grade à mesure que l’augmentation des coûts de financement, la baisse des bénéfices et le risque extrême plus élevé de difficultés de crédit gagnent en importance. Cette tendance entraînerait logiquement une baisse des ratios de couverture pour la partie de moins bonne qualité et junior de la structure de capital. Les révisions de notations à la baisse commencent déjà à dépasser les révisions à la hausse. Toutefois, les titres adossés à des prêts aux entreprises (CLO) sont à taux variable par nature, ce qui devrait continuer d’offrir une certaine protection contre les risques de duration.
Des facteurs techniques favorables :
La baisse des nouvelles émissions nettes et la demande toujours élevée renforcent les facteurs techniques du marché. Les spreads se sont creusés cette année, ce qui devrait s’améliorer avec la baisse de l’offre en 2022.
Où se trouve la meilleure valeur selon nous au deuxième semestre 2022 :
Vu la baisse des valorisations et la plus forte incertitude entourant les fondamentaux à la marge en raison du resserrement par la Fed et du ralentissement de la croissance économique, nous pensons que les conditions financières vont continuer de se resserrer et que les valorisations vont sans doute encore baisser. Nous allons rester défensifs et prudents en faisant monter nos investissements en qualité, en grimpant dans la structure de capital et en réduisant la duration dans différents secteurs. Nous pensons que les opportunités les plus intéressantes résident actuellement dans les titres à transfert du risque de crédit (CRT) anciens notés BBB et BB, dans les MBS non qualifiés notés AAA, dans les MBS jumbo prime notés AAA, dans les ABS auto subprime anciens notés BBB et dans les CLO notés AAA à BBB, entre autres.
Actions : aucune raison évidente d’être optimiste... jusqu’ici
Patrick S. Kaser, CFA
Les actions américaines sont passées officiellement en phase de marché baissier en juin et on pourrait être tenté de commencer à spéculer sur les scénarios défavorables déjà intégrés aux cours et sur le moment où on pourrait retrouver un certain optimisme pour cette classe d’actifs. Nous prenons souvent l’histoire pour guide, mais quelle « histoire » est pertinente dans cette situation ? S’agit-il des 40 dernières années, ou bien faut-il remonter plus loin ? Il n’existe pas un échantillon important de baisses des marchés d’actions présentant des conditions similaires au contexte actuel et qui permettraient de tirer des conclusions solides, et nous ne pensons pas que le marché se prête à des réactions « évidentes » à ce stade.
Deux raisons principales nous empêchent d’être vraiment optimistes :
- Les valorisations sont parties d’un niveau élevé et une correction de 20 % ne rend pas les actions bon marché, surtout avec la hausse des taux d’intérêt. Le marché pourrait être encore un peu cher et la contraction des multiples n’est sans doute pas un phénomène passager.
- Même si l’inflation est peut-être proche de son sommet et si elle est actuellement due en majeure partie aux coûts de l’énergie, de manière directe ou indirecte, des dégâts importants ont déjà été causés. Un exemple comptable rapide : les prix plus élevés intégrés font que toutes les dépenses d’investissement (capex) et les frais de recherche et développement (R&D), que ce soit pour le maintien ou la croissance, seront plus élevés que l’amortissement des actifs circulants.
Ceci étant dit, certains secteurs, notamment l’automobile, l’immobilier résidentiel et la finance, présentent de nombreuses actions dont le cours semble intégrer un net recul de l’économie. La probabilité de ce repli continue d’augmenter avec la persistance de l’inflation et des prix élevés de l’énergie. Le stress des consommateurs commence à se faire sentir dans les données de dépenses en temps réel. Notre liste d’idées s’allonge et, même si nous n’appelons jamais de nos vœux une baisse du marché, les actions « value » donnent souvent d’excellents résultats à partir du début d’une récession en raison de l’effondrement de la confiance. Cela pourrait fort bien se produire au deuxième semestre 2022. Si le dicton « En mai, vends sans te retourner » s’est confirmé jusqu’à la mi-juin, nous espérons que la rentrée des classes justifiera un retour de l’optimisme sur le marché.
DÉFINITIONS
La courbe des taux est une représentation graphique de la relation entre le rendement d’obligations de qualité de crédit égale mais dont les échéances diffèrent.
Le contrôle de la courbe des taux (CCT) implique la définition d’un taux d’intérêt à long terme cible par une banque centrale, puis l’achat ou la vente du nombre d’obligations nécessaire pour atteindre ce taux cible.
Fed à la « Burns » – Arthur Burns, président de la Réserve fédérale (Fed) entre 1970 et 1977, était farouchement opposé à l’inflation. Et pourtant, sur les huit années de son mandat, les prix ont augmenté à un taux annualisé de 6,5 %. Cela s’explique en partie par la conviction de Burns selon laquelle l’inflation était due à un ensemble de facteurs spéciaux échappant largement au contrôle de la Réserve fédérale.
Fed à la « Volcker » – Paul Volcker a été président de la Fed de 1979 à 1987. On lui attribue largement le mérite d’avoir mis fin, au cours de son mandat, à l’inflation élevée observée aux États-Unis tout au long des années 1970 et au début des années 1980.
Le « put Greenspan » est le surnom donné aux politiques menées par Alan Greenspan durant son mandat de président de la Fed de 1987 à 2006. Sous la direction de Greenspan, la Fed s’est montrée extrêmement proactive pour mettre fin aux baisses excessives des marchés boursiers, faisant office d’assurance contre les pertes comme une option de vente (« put option »).
La désinflation est le ralentissement temporaire du rythme de l’inflation des prix ; elle est utilisée pour décrire les cas où le taux d’inflation a connu une diminution marginale sur le court terme.
La duration mesure la sensibilité du prix (valeur nominale) d’un investissement obligataire à une variation des taux d’intérêt.
La théorie monétaire moderne (modern monetary theory, MMT) est un cadre macroéconomique selon lequel les pays souverains sur le plan monétaire, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon et le Canada, qui dépensent, taxent et empruntent dans une monnaie fiduciaire (devise émise par un gouvernement sans s’appuyer sur des produits physiques) dont ils ont le contrôle absolu, ne sont pas contraints par les recettes du point de vue opérationnel pour ce qui est des dépenses du gouvernement fédéral.
Les obligations investment grade sont notées « AAA » et « AA » (qualité de crédit élevée) et « A » et « BBB » (qualité de crédit intermédiaire). Les notations de crédit attribuées aux obligations dont la qualité est inférieure à ces désignations (« BB », « B », « CCC », etc.) renvoient à une qualité de crédit médiocre, les obligations concernées sont communément qualifiées d’obligations spéculatives ou d’obligations à haut rendement.
Un spread est la différence de taux entre deux types différents d’obligations ayant des échéances identiques.
QUELS SONT LES RISQUES ?
Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Veuillez noter qu'un investisseur ne peut pas investir directement dans un indice. Les performances des indices non gérés ne tiennent pas compte des frais, dépenses ou droits d'entrée.
Les titres de capital sont sujets à des fluctuations de cours et peuvent occasionner une perte de capital. Les titres obligataires exposent leurs détenteurs aux risques de taux d’intérêt, de crédit, d’inflation et de réinvestissement, ainsi qu'à une possible perte de capital. Quand les taux d’intérêt augmentent, la valeur des titres obligataires diminue. Les investissements internationaux sont sujets à des risques spéciaux, dont les fluctuations des devises, ainsi que les incertitudes sociales, économiques et politiques qui peuvent en accentuer la volatilité. Ces risques sont amplifiés dans les marchés émergents. Les matières premières et les devises comportent des risques accrus qui incluent les conditions du marché, politiques, réglementaires et naturelles et peuvent ne pas convenir à tous les investisseurs.
Les bons du Trésor américain sont des titres de créance émis et garantis explicitement par le gouvernement américain. Le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les bons du Trésor américain lorsque les titres sont détenus jusqu'à l'échéance. À la différence des bons du Trésor américain, les titres de créance émis par les agences et intermédiaires fédéraux et les investissements connexes peuvent ou non être garantis par la garantie explicité du gouvernement américain. Même lorsque le gouvernement américain garantit le paiement du principal et des intérêts sur les titres, cette garantie ne s'applique pas aux pertes résultant de la baisse de la valeur de marché de ces titres.
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