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Western Asset a soufflé ses 50 bougies l'an dernier. Au cours de nos 51 années de pratique de gestionnaire de titres à revenu fixe, nous nous sommes efforcés de comprendre le phénomène de l'inflation et ses effets sur ce type d'investissements. Cette compréhension a été mise à rude épreuve au cours de l'année écoulée, car non contente de persister, l'inflation s'est accélérée, allant ainsi à l'encontre de nos prévisions.

Pour autant, nous n'allons pas tirer un trait sur ce demi-siècle de réflexion et d'expérience. Cependant, compte tenu des dures leçons que nous avons apprises depuis un an, il nous faut repenser notre approche et réévaluer la voie à suivre. Normalement, nous commencerions par une analyse de la politique monétaire. Ce ne sera pas le cas cette fois.

Nous allons plutôt nous employer à analyser les différentes composantes majeures de la fixation des prix au sein de l'économie américaine et à esquisser les perspectives pour chacune d'entre elles : où avons-nous vu raisonnablement juste cette année, et où nous sommes-nous trompés de bout en bout ? Après avoir identifié les éléments favorables et défavorables du contexte actuel des prix, nous terminerons par une brève discussion de la politique de la Réserve fédérale (Fed) et d'autres sources possibles ou probables de pression à la hausse sur le niveau global des prix.

Inflation dans le secteur des biens

L'an dernier à la même époque, nous pensions que la flambée de l'inflation observée fin 2021 reflétait les difficultés de la chaîne d'approvisionnement, qui allaient rapidement se résorber. Nous estimions que la reprise de l'inflation qui avait précédé l'automne 2021 n'était en réalité qu'une inversion de la déflation survenue pendant et juste après le ralentissement de l'activité résultant du COVID-19. Avec une immense accumulation de porte-conteneurs vides ancrés au large de Los Angeles en octobre 2021, les commerçants de tout le pays étaient à court de stocks. Si l'on pouvait s'attendre à ce que cette situation provoque une hausse des prix des marchandises concernées, nous pensions que ces répercussions seraient brèves et ne se propageraient pas au reste de l'économie.

En fait, la forte hausse des importations américaines après octobre 2021 s'est traduite par une augmentation spectaculaire des stocks des commerçants aux 4e trimestre 2021 et 1er trimestre 2022, et les arriérés d’approvisionnement ont baissé régulièrement tout au long de cette année. Ce n'est que récemment qu'une baisse sensible des prix des biens s'est profilée, mais le processus est - enfin - enclenché. L’Illustration 1 (A) montre à la fois l’augmentation des importations et l’augmentation des stocks qui en a découlé entre novembre 2021 et mars 2022, et la baisse de ces deux éléments depuis lors. Entretemps, la croissance de la demande intérieure réelle a considérablement ralenti depuis mars 2021, comme le montre l'Illustration 1 (B).

Illustration 1 : Importations, stock et demande intérieure de biens

Sources : (A) Census Bureau. Au 31 août 2022. (B) Bureau of Economic Analysis. Au 30 septembre 2022.

Alors que les pénuries de biens ont commencé à se résorber fin 2021 et au tout début de 2022, l'inflation des prix de ces biens ne s'est atténuée que récemment, comme le montre l'illustration 2 (A). Néanmoins, nous pensons que ces pressions sont cumulatives et que les prix des biens continueront à se modérer, et très probablement à continuer à diminuer, au cours des six prochains mois. Certes, les prix des exportations et des importations américaines sont en baisse depuis plusieurs mois. (Notons que l'illustration 2 (B) exclut les prix du pétrole - y compris la baisse des prix du pétrole qui entraînerait un recul récent encore plus marqué des prix à l'importation et à l'exportation).

Illustration 2 : Biens de base et exportations/importations des États-Unis

Sources : (A) Bureau of Labor Statistics, Bureau of Economic Analysis, composante des biens essentiels de l'indice des prix à la consommation (IPC) et de l'indice des dépenses de consommation personnelle (DCP). Au 31 octobre 2022. (B) Census Bureau. Au 30 septembre 2022. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures. 

Le marché de la construction résidentielle doit s’attendre à un repli important, de fortes baisses des prix des logements sont également probables.

À ce stade, pratiquement tout le monde s'accorde à dire que la construction de logements aux États-Unis va continuer à régresser, et il ne fait aucun doute que la forte hausse des taux d'intérêt hypothécaires est un des facteurs expliquant cette situation. Nous pensons toutefois que le marché de la construction résidentielle se dirigeait vers un repli important même avant que les taux hypothécaires n'entament leur hausse.

La construction de logements s’est redressée plus rapidement et plus fortement que tout autre secteur de l’économie après les ralentissements d'activité dus à la COVID-19. Comme le montre l’Illustration 3 (A), fin 2020, les mises en chantier des maisons unifamiliales dépassaient de 35 % les niveaux d’avant la pandémie et l’importance de la hausse post-confinement a fait oublier complètement l’effondrement survenu durant les confinements. Les ventes réelles de logements neufs ont rebondi quelques mois avant la flambée des mises en chantier, et il est clair que l'empressement des constructeurs à se mettre au travail était, dans un premier temps, une réaction à une demande soutenue.

Toutefois, les ventes de logements neufs ont commencé à reculer en septembre 2020 et, fin 2021 (avant que les taux hypothécaires ne commencent à augmenter), les ventes avaient déjà baissé de 35 % par rapport à leur pic d'août 2020. En hausse à la mi-2020, les mises en chantier ont commencé à augmenter un mois ou deux après les ventes. Cependant, alors que les ventes ne cessaient de fondre en 2021, les constructeurs ont tardé à réagir à la baisse.

En conséquence, le nombre de logements neufs invendus s'est mis à croitre. Fin 2021, il avait déjà augmenté au point de représenter près de sept mois de ventes, alors que le niveau « normal » est de quatre à cinq mois. Les choses ont encore empiré cette année, car la hausse des taux hypothécaires et des prix a entraîné un nouveau recul des ventes de logements neufs et les constructeurs ont tardé à réagir. En septembre, les stocks de logements neufs représentaient 9 mois de ventes, un niveau dépassé seulement au plus fort de l'effondrement du marché immobilier de 2006-2010.

Illustration 3 : Ventes, mises en chantier et stocks de logements

Source : (A) Census Bureau. Au 30 septembre 2022. (B) Census Bureau, National Association of Realtors.  Au 30 septembre 2022.

D'une certaine manière, le surplus actuel de maisons invendues pèsera encore plus lourd sur les constructeurs que celui qu'ils ont connu de 2005 à 2007. Le nombre de logements en construction dépasse actuellement les sommets atteints en 2005, même si les taux records récents de ventes et de mises en chantier de logements neufs n'ont jamais représenté plus de 75 % des pics de 2005. Le nombre de maisons multifamiliales en construction est particulièrement élevé, comme le montre l'illustration 4 (A).

Illustration 4 : Construction de logements neufs, occupation des logements locatifs

Source : (A) Census Bureau. Au 30 septembre 2022. (B) Census Bureau. Au 30 septembre 2022.

La croissance de la population adulte est nettement inférieure à ce qu'elle était en 2005. Selon les estimations du Census Bureau, le nombre de logements locatifs occupés n'a pratiquement pas évolué au cours des six dernières années. Pourtant, on compte aujourd'hui deux fois plus de logements locatifs en construction qu'en 2005. Les rapports indiquent que les constructeurs comptent sur les maisons unifamiliales en chantier pour les affecter au marché de la location-vente. Ces logements seront en concurrence avec des centaines de milliers de maisons multifamiliales qui seront terminées dans les prochains mois, dans un environnement où la formation des ménages est particulièrement faible et où la croissance de la demande de location semble inexistante.

Il est vrai que les prix des maisons et les loyers ont augmenté de façon spectaculaire au cours des deux dernières années. Au vu des statistiques présentées ici, il semblerait qu'une grande partie de cette hausse était une bulle spéculative qui était appelée à éclater. Les prix des logements ont déjà commencé à baisser (Illustration 5 (A)). Les rapports indiquent que les loyers applicables aux nouveaux locataires sont en baisse, alors que les ceux des baux reconduits continuent à augmenter.

Certains rapports affirment que les ventes de maisons ont diminué fin 2020 et juste après parce que les constructeurs filtraient les acheteurs potentiels. Toutefois, si tel était le cas, nous ne nous serions pas attendus à voir les stocks de logements neufs invendus augmenter comme ils l'ont fait. Pourquoi les constructeurs refuseraient-ils des acheteurs alors qu'ils n'arrivent pas à vendre les maisons au rythme où ils les construisent ?

Il est plus probable que la flambée des achats de logements neufs à la mi-2020 ait été une vague spéculative anticipant une hausse de la formation de ménages qui ne s'est jamais produite. Juste après le ralentissement dû à la crise sanitaire, une vague de citadins a fui vers les banlieues pour éviter les embouteillages et les restrictions liées au COVID-19 qui frappaient les grandes villes. Ce phénomène aurait en effet entraîné une hausse de la demande de logements hors des villes, mais une baisse de la demande urbaine. Or, tous les prix ont augmenté.

La demande globale de logements est restée morose tout au long des années 2010, et il est difficile de voir quelle amélioration fondamentale s'est produite depuis lors pour stimuler la demande sous-jacente actuelle. La croissance démographique s'est encore ralentie, le nombre d'emplois salariés aux États-Unis est toujours inférieur de plusieurs millions aux tendances observées avant la crise sanitaire, et les subventions uniques ne peuvent pas être utilisées pour les acomptes ou les paiements hypothécaires mensuels. Alors que la demande spéculative s'éloigne et que la réponse vigoureuse de l'offre des constructeurs de maisons pèse sur les marchés, les prix des maisons et les loyers vont connaître une substantielle pression à la baisse qui pourrait durer des années.

Illustration 5 : Ventes de maisons et loyers

Source : (B) Census Bureau, National Association of Realtors, corrigé des variations saisonnières par Western Asset. Au 30 septembre 2022. (A) Bureau of Labor Statistics, Bureau of Economic Analysis, composante « logement » de l'indice des prix à la consommation (IPC). Au 31 octobre 2022. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures. 

La bulle immobilière de 2020-2021 n'a pas été alimentée par un crédit hypothécaire trop expansif, et les propriétaires n'ont pas non plus encaissé les gains en capital résultant de la hausse des prix des logements. Nous n'allons donc pas assister à des vagues de saisies et de défaillances hypothécaires comme celles que l'on a observées entre 2006 et 2010. En fait, les répercussions de la surabondance actuelle de logements se limiteront probablement au produit intérieur brut (PIB) (baisse de la construction de logements) et à la chute des prix et des loyers ; cependant, ces effets limités seront substantiels.

Comme beaucoup l’ont déjà souligné, les retards techniques de la collecte de données par le Département du Travail font que la baisse des prix des logements et des loyers ne transparaîtra pas dans les indicateurs d’inflation des prix à la consommation avant de nombreux mois. Pourtant, les données de l'indice des prix à la consommation (IPC) d'octobre ont montré un certain ralentissement de l'inflation des loyers. Même si les décalages techniques se réaffirment dans les chiffres de l'IPC à court terme, on peut s’attendre à ce que les cours des marchés financiers et les réflexions de politique de la Fed réagissent aux annonces concernant les prix des maisons « sur le terrain », justement parce que ces décalages dans les données officielles de l'IPC sont si largement reconnus.

L'inflation sur les services continue à sévir

Répétons-le : lorsque l'inflation des biens est apparue fin 2021, nous avons estimé qu'elle était temporaire et ne se propagerait pas au reste de l'économie. Toutefois, et contrairement à ce point de vue, l'inflation des services s'est emballée et a dominé les récents chiffres de l'inflation, alors même que divers secteurs des services restent largement sous-exploités par rapport à la situation pré-COVID.

Jusqu'à présent, l'inflation des services (hors loyers et services aux collectivités) a progressé à un taux de 7,1% en 2022, même en tenant compte des chiffres modérés d'octobre. Ces hausses se répartissent sur un certain nombre de secteurs où les hausses de prix déclarées se situent dans la moyenne d'une fourchette à deux chiffres, tandis qu'un certain nombre de secteurs n'affichent que des hausses modestes. Par exemple, les services de soins médicaux ont connu une augmentation globale de 5,7 %, avec une ventilation du pourcentage variant entre 3,4 % pour les services des professionnels de la santé, 4,0 % pour les services hospitaliers et un impressionnant 20,3 % pour l'assurance soins de santé.

Illustration 6 : Inflation des services et des salaires

Sources : (A) Bureau of Labor Statistics, Bureau of Economic Analysis, biens essentiels hors logement de l'indice des prix à la consommation (IPC) et de l'indice des dépenses de consommation personnelle (DCP). Au 31 octobre 2022. (B) Bureau of Labor Statistics. Au 31 octobre 2022. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures. 

Nous croyons savoir que le Bureau of Labor Statistics (BLS) mesure les coûts des services d'assurance maladie en fonction du montant des primes que les assureurs ont conservé comme bénéfices l'année précédente. La consommation de soins de santé ayant diminué l'année dernière, les bénéfices non distribués des assureurs maladie ont augmenté, ce qui a entraîné une forte hausse des coûts (imputés) de l'assurance maladie pour la période de 12 mois se terminant en septembre 2022. (En effet, moins de services pour la même prime équivalent à une assurance plus coûteuse). C'est l'inverse qui s'est produit ces derniers mois et, de fait, l'assurance maladie a eu un impact négatif important (-4,0 % non annualisés) sur l'IPC d'octobre. Il semble que cette situation doive avoir des répercussions similaires sur l'IPC dans les mois à venir.

Jusqu'à présent, l'inflation des services de transport a atteint un taux de 17,6 % cette année, en raison d'augmentations de 12,7 % pour l'entretien des véhicules et de 45,6 % pour les tarifs aériens. Cette dernière est en grande partie une réversion de la baisse de 2020, mais la hausse des coûts d'entretien des véhicules est une reprise nette (aucun ralentissement en 2020, ironiquement, puisque les kilomètres parcourus par les ménages sont toujours en baisse substantielle par rapport aux normes d'avant le COVID-19). Par ailleurs, les services vétérinaires et les autres services aux personnes connaissent des hausses respectives de 11,1 % et de 5,9%.

Certains des principaux gains dans les secteurs des services ressemblent à des augmentations artificielles ou techniques, y compris, par exemple, les augmentations des tarifs aériens et de l'assurance maladie. Cependant, d'autres gains sont clairement réels et constituent des augmentations nettes, et une partie de la modération d'octobre de l'inflation des services peut également être attribuée à des facteurs techniques. Les salaires ont fortement augmenté, et comme les secteurs des services manquent toujours de travailleurs, des pressions réelles et non techniques sur les prix pourraient apparaître dans les services au cours des prochains mois.

Les arguments en faveur d'un ralentissement des services se fondent toutefois sur le fait que les revenus réels ont décliné au cours des 10 derniers mois (Illustration 3), la décélération de la croissance des dépenses de consommation réelles qui en a découlé et, peut-être, les mesures de durcissement prises par la Fed ces derniers mois. Nous sommes optimistes quant aux chances de voir l'inflation des services ralentir dans les mois à venir, mais tout progrès en ce sens résultera des effets opposés des facteurs de ralentissement évoqués ici et de la dynamique issue de l’augmentation récente des prix des services et des augmentations de salaires passées.

Nous avons également mentionné l'inflation des salaires. Les données relatives au salaire horaire moyen incluses dans le rapport mensuel sur l'emploi salarié ont montré une décélération raisonnablement régulière tout au long de cette année. Récemment, les données plus fiables de l'indice du coût de l'emploi (ICE) semblent avoir commencé à refléter ce ralentissement. Ces deux mesures montrent que les coûts de la main-d'œuvre ont récemment augmenté de 4 à 5 %. Ce chiffre n'est compatible ni avec l'objectif d'inflation de 2 % de la Fed, ni avec les taux d'inflation des services récents, supérieurs à 7 %, et il marque un ralentissement substantiel par rapport aux variations observées il y a six mois à un an. Ainsi, même les données actuelles sur la hausse des salaires laissent présager un certain ralentissement de l'inflation des services dans un avenir proche. Lorsque des signes de ralentissement de la croissance de l'emploi apparaîtront, et à mesure qu'ils le feront, cela indiquera un nouveau ralentissement.

Illustration 7 : Coûts du travail et PIB réel

Sources : (A) Bureau of Labor Statistics, Indice du coût de l'emploi (ICE). Au 30 septembre 2022. (B) Bureau of Economic Analysis. Au 30 septembre 2022. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures. 

Fondamentaux de l'inflation : Demande, offre et politique de la Fed

Pendant la période de ralentissement de l'activité due au COVID-19, les outils politiques utilisés par la Fed pour relancer l'économie étaient exactement les mêmes que ceux qu'elle avait utilisés pour contrer l'effondrement du marché immobilier et la crise financière mondiale (GFC) de 2005-2009. Ces politiques n'ont pas réussi à stimuler l'inflation, ni même l'économie, dans l'expansion qui a suivi la crise financière mondiale. Nous ne voyons pas pourquoi les mêmes politiques appliquées au dilemme économique actuel auraient des effets différents. Nous avons certes admis que la manière dont l'offre économique était contrainte par les décrets gouvernementaux (à l'échelle mondiale) différait de pendant ou après la crise financière mondiale. Cependant, nous n'avons pas su prévoir en quoi ces contraintes, conjuguées à une reprise raisonnable de la demande, allaient entraîner une hausse substantielle du niveau général des prix.

Que notre principale erreur ait consisté à mal évaluer les effets de la politique de la Fed ou à omettre d'anticiper ceux de la contrainte de l'offre, il n'en reste pas moins que l'inflation a été plus soutenue et plus longue que prévu et que, par conséquent, les taux d'intérêt et les rendements obligataires ont considérablement augmenté. Alors, vers quoi nous dirigeons-nous ? Quel que soit le facteur - ou la combinaison de facteurs - responsable de l'inflation en 2021 et 2022, nous pensons qu'il laisse présager un renversement du même ordre en 2023.

En ce qui concerne la demande, dans le meilleur des cas, la demande globale réelle s'est entièrement remise des baisses d'activité et a retrouvé les tendances pré-COVID-19 à la mi-2021. Elle a depuis lors ralenti à un niveau inférieur à ces tendances passées. Que l'on pense ou non que les programmes de relance du gouvernement fédéral ont réellement stimulé l'économie, la plupart d'entre eux ont expiré depuis longtemps. La demande intérieure réelle a progressé à un rythme à peu près nul au troisième trimestre 2022, et à une moyenne de seulement 0,7 % pour l'année en cours. De plus, la croissance de la demande intérieure nominale n'a cessé de ralentir au cours de l'année écoulée, atteignant un taux annualisé de 5 % au troisième trimestre, juste au-dessus des quelque 4 % du début des années 2010, compatible avec une inflation de 2 % à l'époque.

La reprise de la demande et du PIB réels après la crise de sanitaire étant, au mieux, faible à moyenne, il est difficile de comprendre le scénario actuel de l'inflation sans admettre que les contraintes de l'offre font partie du tableau. Ici encore, les secours arrivent dans une certaine mesure. Comme on l'a vu, la construction de logements est passée brusquement du boom à la saturation. Pour les secteurs des biens, l'offre actuelle pourrait être excessive, si l'on en juge par les efforts déployés par les commerçants pour réduire leurs stocks et par la chute des frais d'expédition mondiaux qui les accompagne.

Illustration 8 : PIB réel des services et croissance

Source : Bureau of Economic Analysis. Au 30 septembre 2022. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures. 

Comme nous l'avons vu dans la partie précédente, les problèmes d'approvisionnement qui subsistent se situent dans le domaine des services. La plupart des secteurs de services sont encore sous-exploités suite au ralentissement de l'activité lié au COVID-19. Ces problèmes d'approvisionnement sont dus au fait que les effectifs sont encore plus limités. Le tout est de savoir quelle quantité d'offre - ou quelle croissance de l'offre - sera nécessaire alors que la demande globale ne progresse que lentement.

Ce qui nous amène à la politique monétaire. Certains analystes ont vanté (ou décrié) la croissance de plus de 20 % de la masse monétaire M2 comme un excès générateur d'inflation. Nous pensions que la croissance provenait exclusivement des ménages qui épargnaient les chèques de relance, épargne qui n'est toujours pas dépensée. Indépendamment des causes et des effets de la croissance de cette masse M2 en 2020-2021, le fait est qu'elle a connu une inversion spectaculaire. Sa croissance a plongé à zéro pour l'ensemble de 2022 jusqu'à présent. En fait, le taux de déclin de -2% des six derniers mois est la pire performance sur les 64 ans d'existence de cet agrégat (tableau 9 (A)).

Lorsque les économistes monétaires parlent de la politique de la banque centrale qui fonctionne avec « un décalage long et variable », la preuve empirique qui en découle est qu'il faut environ deux ans pour qu'une variation (significative) de la croissance monétaire se répercute pleinement sur le taux d'inflation. Cependant, l'oscillation monétaire n'est pas sans effet sur l'inflation avant cela et, de fait, les répercussions sur la croissance du PIB nominal sont généralement complètes en l'espace d'un an. En d'autres termes, face à une croissance monétaire nulle au cours des neuf derniers mois, on peut raisonnablement s'attendre à ce que, d'ici le début de 2023, la croissance du PIB nominal ait encore fortement décéléré, imposant une pression à la baisse substantielle sur l'inflation (via une économie réelle faible).

La conclusion est identique si l'on est plus enclin à jauger la politique de la Fed à l'aune des taux d'intérêt. Que les taux soient élevés ou bas importe moins pour la croissance économique à court terme que le fait qu'ils soient en hausse ou en baisse. En 2022 déjà, les taux des bons du Trésor à 10 ans (T-notes) ont augmenté de 270 points de base (pb).1 Certes, la seule hausse des taux à la fin des années 1960 n'a pas réussi à ralentir l'inflation ou l'économie, mais c'est parce que les perspectives d'inflation augmentaient plus vite que les rendements nominaux, de sorte que les rendements réels sont restés stables ou ont baissé jusqu'au milieu des années 1970.2

Actuellement, nous pouvons analyser les rendements réels des bons du Trésors protégés contre l'inflation (TIPS), un instrument qui n'était pas disponibles dans les années 1960 ou 1970. Jusqu'à présent cette année, les rendements réels sur les TIPS ont augmenté dans la même mesure - 270 pb - que les rendements nominaux.3 Par ailleurs, les spreads sur les émissions investment grade à long terme ont progressé de 55 pb.4 On peut donc dire que les rendements réels versés par les emprunteurs réels actuels du secteur privé ont connu une hausse de l'ordre de 325 pb en neuf mois à peine.5

Illustration 9 : Offre monétaire et rendements réels

Source : (A) Conseil de la Réserve fédérale. Au 30 septembre 2022. (B) Conseil de la Réserve fédérale. Au 24 octobre 2022. Les performances passées ne constituent pas un indicateur ni une garantie des performances futures. 

Que les rendements aient ou non été trop faibles l'an dernier, ils se sont maintenus à ces niveaux pendant un certain nombre d'années, de sorte qu'il était raisonnable de penser que l'économie s'était pleinement adaptée à ces niveaux. À présent, les rendements sont nettement plus élevés qu'il y a un an, et l'économie va devoir s'adapter à ce changement. Cela laisse présager une importante compression des dépenses privées dans les mois à venir.

Conclusion

L’inflation a été plus élevée et plus persistante que prévu, avec les conséquences néfastes que cela suppose pour les investissements obligataires. Toutefois, nous ne sommes pas prêts à renoncer à un scénario de baisse de l'inflation qui pourrait apporter un peu de réconfort et de répit aux investisseurs obligataires. Que l’on se focalise sur l’offre et la demande comme déterminants des prix, ou sur les taux d’intérêt ou la masse monétaire comme mesure de la politique de la Fed, tous ces indicateurs laissent présager une nette modération de l’inflation dans un avenir proche. En outre, l’examen des conditions économiques « sur le terrain » à l’heure actuelle montre que les prix sont déjà en train de se modérer dans les secteurs des biens et du logement. Les prix des services pourraient et devraient suivre le mouvement dans un avenir pas trop éloigné.



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