Un constat s'impose à l’examen des marchés émergents : le Chili n'est pas le seul pays à faire face à un problème d'inflation. Toutefois, alors que sa banque centrale est l'une des plus réputées des marchés émergents mondiaux, le Chili sert non seulement de laboratoire géant pour étudier les défis auxquels sont confrontés de nombreux autres pays, mais aussi potentiellement pour évaluer les conséquences d'une hausse massive des taux d'intérêt. Par ailleurs, la banque centrale chilienne contraste fortement avec d’autres banques centrales des marchés développés, qui ont agi de manière beaucoup moins proactive.
Face à la montée de l'inflation, la Banque centrale du Chili a agi rapidement, de manière responsable et significative. Elle a entamé un cycle de hausse des taux plus tôt que la plupart de ses homologues, en commençant par une hausse de 25 points de base (pb) en juillet de l'année dernière. Les différents gestes décidés par la suite portent désormais le relèvement total à 650 pb, ce qui est considérable. Pourtant, malgré les efforts remarquables du Chili pour lutter contre l'inflation, le point d'inflexion est peut-être encore loin, ce qui laisse penser que le décalage vis-à-vis de la normalisation de la politique monétaire mondiale aura de lourdes répercussions.
Juste au moment où vous pensiez en avoir fini avec les hausses des taux...
En janvier, nous commencions à penser que le Chili, qui avait été l'un des premiers à relever ses taux, pourrait à nouveau jouer les précurseurs pour les banques centrales des marchés émergents en étant le premier à marquer une pause dans son cycle de relèvement, voire le premier à réduire ses taux. Malheureusement, les événements macroéconomiques nous ont amenés à reconsidérer la question. En bref, tant la croissance vigoureuse que l'inflation soutenue se sont avérées plus durables que prévu. Pour situer le contexte, les prévisions communiquées par la banque centrale en décembre comprenaient une fourchette de 1,5 % à 2,5 % pour le produit intérieur brut du Chili et une inflation de 5,9 % en fin d'année. La banque centrale vient d'abaisser légèrement ses prévisions de croissance, dans une fourchette de 1,0 % à 2,0 %, mais a également indiqué que l'inflation annuelle se monterait probablement à 8,2 % cette année. Malgré les efforts déployés par la banque centrale pour la contenir, l'inflation reste largement supérieure à son objectif de 3 %.
... il en faut de nouvelles pour éviter des effets de second tour
Les perspectives mondiales sont devenues plus incertaines au cours des dernières semaines, mais les banques centrales n’ont guère le luxe de pouvoir adopter une approche attentiste. Le dernier taux d'inflation publié au Chili a porté l'inflation annuelle à 7,8 %, soit son niveau le plus élevé depuis dix ans. Dix des douze composantes de l'inflation ont notamment apporté des contributions positives au taux mensuel, ce qui témoigne de pressions généralisées. Une mesure de l'inflation sous-jacente, hors éléments volatils, a atteint un sommet de 6,5 %. Plus inquiétant encore, les prévisions d'inflation se détériorent. Lorsqu'ils sont interrogés, les économistes supposent en règle générale que la banque centrale du Chili atteindra l'objectif d'inflation de 3 % à l'horizon de sa politique de deux ans. De ce fait, la réponse moyenne à l'enquête est généralement de 3 %. Récemment, l’estimation moyenne de l’enquête a grimpé à son niveau le plus élevé depuis août 2008. Les points morts d'inflation à deux ans, qui sont une mesure des attentes du marché, sont tout aussi élevés (voir Graphique 1).
Chili – prévisions d’inflation
%, au 31 janvier 2022

Source : Bloomberg (© 2022, Bloomberg Finance LP).
Jusqu’où les taux devront-ils monter ?
Déterminer le taux terminal - le niveau auquel les hausses de taux s'arrêteront - d’un cycle de resserrement relève davantage de l'artistique que du scientifique. Le taux terminal est une fonction du r-star (r*), qui est le taux d'intérêt neutre assurant l’équilibre d’une économie à long terme. Cependant, le r* est inobservable, dynamique et fait l'objet de nombreux débats. Une façon très simple d'approcher le r* consiste à observer l'historique du taux d'intérêt réel à partir du taux directeur et des prévisions d'inflation à deux ans du marché. Au Chili, la plupart des évaluations se concentrent autour de 0 % ou 2 % (voir Graphique 2). Il convient de noter que la plupart des évaluations à 2 % ont été faites avant l'effondrement des prix du pétrole en 2014, et la plupart des évaluations à 0 % après. Même après tous les resserrements opérés par la banque centrale, le taux réel du Chili se situe toujours à environ 25 pb en dessous de zéro, et pourrait bien baisser si les prévisions d'inflation se détériorent encore. Pour les marchés, le plus important est de savoir si nous sommes confrontés à un changement de régime. Compte tenu du durcissement structurel des marchés pétroliers et d'un certain nombre de facteurs inflationnistes cycliques, il se pourrait que le Chili doive revenir à un taux réel positif supérieur à 2 %. Au regard des prévisions d'inflation actuelles, un taux réel de plus de 2 % signifierait un taux directeur d'au moins 8 %, voire plus. À la suite de la plus récente hausse des taux, le taux d'intérêt de référence du Chili s'élève désormais à 7 %.
Chili – taux d’intérêt réels
%, au 10 mars 2022

Source : Bloomberg (© 2022, Bloomberg Finance LP).
Et si l’économie ralentit ?
Contrairement à la Réserve fédérale américaine, qui s’est fixé un double mandat original de stabilisation des prix et de maximisation de l'emploi, la plupart des banques centrales des marchés émergents ciblent exclusivement l'inflation. Par définition, ces banques centrales peuvent être moins focalisées sur le sujet de l’arbitrage croissance/inflation, sans pour autant l'ignorer.
Les précédents cycles de hausse des taux au Chili sont intervenus alors que la croissance des prêts corrigée de l'inflation se situait pour l’ensemble du système entre 5 et 10 % d'une année sur l'autre. Les indications actuelles des banques suggèrent une croissance nulle des prêts sur cette année. La croissance reste pour l'heure vigoureuse au Chili, mais nous surveillerons le canal du crédit pour y déceler des signes de ralentissement - et peut-être une indication précoce de ce que pourraient être les prochaines étapes pour les banques centrales des marchés émergents. Jusqu’où la banque centrale du Chili devra-t-elle relever ses taux pour que son économie réagisse ? Alors que tant d'autres banques centrales sont beaucoup moins avancées dans leur cycle, le cas du Chili peut être riche d’enseignements en termes d'économie et de politique monétaire mondiales.
DÉFINITIONS :
Le taux d'intérêt réel corrige le taux d'intérêt du marché observé des effets de l'inflation.
QUELS SONT LES RISQUES ?
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